Compte tenu de la propagation de la vente illicite des contrefaçons médicales, communément appelés ‘’médicaments par terre’’ ou ‘’YALA-YALA-Fura’’, votre quotidien ‘’Le Pays’’ a rapproché certains professionnels de la santé ainsi que certains vendeurs desdits produits, dans le but de recueillir leur impression concernant la vente de ces médicaments au Mali et éventuellement les dangers de leur consommation.
Pour Docteur Sidibé, un pharmacien que nous avons rencontré à la pharmacie Wassa de Daoudabougou, ces médicaments sont très dangereux pour la santé et cela pour plusieurs raisons: d’abord, leur provenance est généralement inconnue. Ils sont très souvent mal conditionnés et le plus dangereux est que les vendeurs de ces produits ne connaissent ni les maladies ni les médicaments encore moins le dosage. Selon lui, il va de l’intérêt de la population d’arrêter la consommation de ces médicaments. Toute prescription de médicament doit être conditionnée à une consultation médicale préalable. Une consultation qui permettra, selon lui, de déterminer non seulement l’état de santé de la personne, mais également la compatibilité de la maladie qu’elle a avec certains médicaments.
Un autre pharmacien, Dr Togola Mahamadou, dira que c’est une cause perdue d’avance pour deux raisons: la perte du contrôle de la gestion du programme CSCOM qui avait pour but de baisser le prix des médicaments, et également de permettre à la population d’atteindre certains médicaments à leur niveau. À ses dires, c’est la défaillance des autorités qui ont fait croire à la population que les médicaments de la rue sont pareils à ceux vendus dans les pharmacies. Selon lui, ces médicaments dits de la rue n’entrent pas par autre voie au Mali si ce n’est que celle empruntée par tout le monde, terrestre. Tout ça pour dire que les autorités sont complices de ce trafic. Pour soutenir ses propos, Dr Togola citera beaucoup d’exemples d’arrestations où seulement deux jours ont suffi à certains vendeurs pour reprendre leur commerce comme si de rien n’était, et cela au vu de tout le monde. À ses dires, c’est ce danger qui fait que le diagnostic de certains malades ne donne aucun résultat valable. Puisque cela trouve que tout le système de l’organisme du malade est déjà détruit par l’automédication ou les médicaments de la rue, laissera entendre le pharmacien avant d’ajouter: « Une chose est de savoir que tel médicament traite telle maladie, mais la plus importante chose est aussi de savoir que tel médicament produit tel effet pendant un temps déterminé. » Le pharmacien affirmera que les dangers des médicaments sont très nombreux. Il va jusqu’à citer un cas de mort et un autre de cécité causée par ces médicaments de la rue. Le pharmacien ira loin en disant que les vendeurs de ces produits sont « des assassins » en complicité avec les parents de leur victime et sous le regard indifférent du gouvernement. À le croire, dire que les médicaments sont chers dans les pharmacies aujourd’hui est un grand mensonge puisque selon lui, dans toutes les pharmacies il y’a des spécialités et des DCI sans aussi oublier les facilités faites par l’AMO.
Oumou vend des médicaments par terre depuis bientôt deux (2) ans. Bien vrai qu’elle n’a pas de place fixe pour ce commerce, elle passe la plupart de son temps se passe à Faladié, non loin du monument de la tour d’Afrique de Bamako. Elle dit avoir commencé ce petit commerce après avoir abandonné les études dans une école de santé à cause des contraintes financières. Selon elle, les pharmaciens ne doivent pas dénoncer leur commerce : « Il est très normal que les pharmaciens ne disent pas du bien sur nous. Ils verront ça comme une concurrence déloyale, car, nos produits sont moins cher et plus accessibles que les leurs». De ce faite, « les dénonciations des pharmacients sont juste de l’égoïsme et de la jalousie ». Par ailleurs, elle dit être très consciente, comme tout le monde, des dangers que peut avoir la consommation de ces médicaments par le fait que n’importe qui pratique ce commerce. Si les gens continuent aussi à consommer ces produits malgré tous les dangers qu’ils en savent, dira Oumou, c’est parce que les médicaments coûtent trop cher dans les pharmacies. Elle déplore le fait qu’aujourd’hui, pour un paludisme on prescrit une ordonnance de trente mille (30000f) ou quarante mille (40000f) franc sans compter les frais de consultation, analyses, et autres. Enfin de ses propos, elle sollicite la formation : « L’état doit initier une formation des vendeurs de médicaments par terre, car, à moins de 500f, nous, nous parvenons à traiter plusieurs maladies, une initiative qui mérite d’être vraiment encouragée ».
Au même moment, un client est venu s’approvisionner de quatre boites de ‘’ bana chégin’’ (huit maladies), dans le but de les vendre également. À ses dires, il lui arrive de les consommer également, c’est pourquoi il a tenu à témoigner de la bonne qualité de ces médicaments : « J’en prends, ma famille aussi et je vous assure que deux comprimés suffit à guérir toutes les douleurs du corps ».
Quant à un juriste et étudiant, Ousmane Keita, il avance que c’est le manque de moyens qui conduit les gens vers ces médicaments. À l’en croire, ces produits sont mauvais, et ne sont nullement bons à consommer, mais le malade, ne pensant qu’à soulager sa douleur, n’aura d’autres choix que de les consommer surtout si les moyens lui manquent. Le jeune étudiant s’explique ainsi : « Je les consommais personnellement, mais à l’époque, c’était sincèrement très difficile pour moi d’avoir 2000f ou 3000F pour des consultations et après payer une ordonnance ».
Néanmoins, monsieur Keita dira que ce problème est en phase d’être résolu actuellement avec l’assistance de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) qui devient progressivement de l’assurance maladie universelle. À le croire, l’AMO a sincèrement brisé la crainte qu’avait le Malien en général à se rendre tout de suite à l’hôpital, quelle que soit la maladie, même pour un contrôle. Selon lui toujours, malgré ce progrès, il reste encore beaucoup à faire pour résoudre définitivement ce problème. Il affirme que c’est aux autorités de multiplier la sensibilisation de la population sur l’importance à s’inscrire aux mutuelles de santé, suggère-t-il avant de conclure que les circonstances actuelles du pays ne permettent à personne de nourrir sa famille et de continuer à prendre en charge les soins de santé trop chers.
Bakary Guindo rejoint un peu M. Keita à propos de la cherté des médicaments. Celui-ci dira qu’il n’y’a pas plus d’une semaine, il s’est rendu dans une pharmacie pour chercher un médicament lui permettant de soulager son mal de tête, sur les 10 000F que lui avait remis à son employeur, il ne restait que 1000 F. Il a déploré le fait d’avoir gaspillé tout cet argent dans un médicament uniquement pour calmer un mal de tête. Des comprimés que lui-même n’a pas pu tout avaler. Par ailleurs, Bakary dira que les médicaments de la rue aussi ne sont pas de bons médicaments. Comme raison, il avancera que la plupart de ces médicaments ont leur date de péremption déjà dépassée.
ISSA DJIGUIBA
Il y a un adage qui dit que dans un pays mieux vaut une mauvaise justice que pas de justice. Les personnes qui achètent les médicaments de la rue ne le font de gaieté de cœur. Tout le monde aimerait aller voir un professionnel de la santé en cas de maladie et passer après à la pharmacie pour acheter les médicaments prescrits. La consultation au centre de santé est payante, les analyses médicales sont payantes et les médicaments à la pharmacie sont des produits de luxe tellement c’est hors de prix. Donc logiquement, quelqu’un qui a un revenu journalier de 2000 frs cfa au maximum qui n’est d’ailleurs toujours pas garantit, n’a d’autre choix que de se tourner vers la pharmacie par terre conscient des risques qu’il encourt ou aller en brousse cueillir quelque feuillage pour se soigner
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