Le centre hospitalier universitaire Gabriel Touré est le dernier au classement des hôpitaux au Mali. Un classement qui ne surprend guère dans la mesure où cet hôpital est un mauvais exemple est matière non seulement de gouvernance, mais aussi de gestion sanitaire au Mali. Une situation qui concerne particulièrement les organes de pilotage, de gestion et de consultation ainsi que sur les services techniques. Dans quelle mesure ces organes contribuent efficacement au fonctionnement du CHU-GT et, d’autre part, que les ressources humaines et matérielles dont dispose le CHU-GT lui permettent d’assurer des prestations de qualité aux patients ?
Hôpital le plus fréquenté au Mali !
Placé sous la tutelle du ministère chargé de la Santé, l’Hôpital Gabriel Touré est créé par la loi n°03-022 AN-RM du 14 juillet 2003. Il a été érigé en Centre Hospitalier Universitaire à la faveur de la convention « Hospitalo-universitaire » entre l’Hôpital Gabriel Touré et l’Université de Bamako, approuvée par l’arrêté interministériel n°06-3177/MS-MEN/ SG du 29 décembre 2006.
En effet, le CHU-GT est l’un des hôpitaux nationaux de 3ème référence situé dans le district de Bamako, à l’instar de l’Hôpital du Point G et de l’Hôpital du Mali. Il reçoit le plus grand nombre de patients au Mali, avec une moyenne de plus de 125 000 consultations et 17 000 hospitalisations par an et accueille près de 90% des cas d’urgence de Bamako. Cela s’explique à la fois par sa situation géographique et par le nombre important de services techniques opérant en son sein. L’État du Mali accorde une subvention représentant plus de 70% des ressources de l’hôpital, soit respectivement en 2016 et 2017, 3,70 milliards de FCFA et 3,89 milliards de FCFA.
Un organe délibérant non conforme à la réglementation !
Selon nos informations, le Conseil d’administration (CA) est composé de membres ne disposant pas de la qualité requise. En effet, les 11 administrateurs siégeant ont remplacé les titulaires, alors que leurs nominations n’ont pas été formalisées par un décret pris en Conseil des ministres, tel qu’exigé par les textes en vigueur. De plus, des membres continuent à siéger malgré l’expiration de leurs mandats, depuis au moins quatre ans, et d’autres n’ont jamais siégé pendant la période sous revue. Notre source de dire que ces derniers sont les représentants des départements socio-sanitaires, du Budget, de l’Environnement et de l’Enseignement supérieur. Par conséquent, cette composition du CA ne lui permet pas de fonctionner ni légalement ni efficacement. Ceci peut entraîner la nullité de ses délibérations.
Aussi, le CA n’exerce-t-il pas ses responsabilités. Les documents de pilotage et de gestion, tels que la politique générale, le projet d’établissement et différents rapports techniques et financiers ne sont ni soumis à l’approbation du CA, ni sollicités par ce dernier. Dans ces conditions, le CA ne peut remplir adéquatement ses fonctions et obligations. Ce qui peut impacter la gouvernance de l’hôpital et l’efficacité des prestations rendues.
Un hôpital géré en dehors de tout cadre stratégique règlementaire !
Selon notre source, la Direction du CHU-GT ne dispose pas de projet d’établissement validé. Ce qui a pour conséquence l’impossibilité de conclure des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre la direction et le département de la Santé. Ainsi, le département de tutelle ne dispose pas de cadre d’appréciation de la performance du CHU-GT permettant à l’Etat de s’inscrire dans le Plan décennal de développement sanitaire et social (2014-2023), l’un des principaux cadres de référence en matière de santé.
En plus de cela, les organes de gestion et de consultation ne sont pas fonctionnels. En effet, depuis leur création en 2005 pour un mandat de trois ans, les différents directeurs du CHU-GT n’ont pas procédé au renouvellement de l’acte de nomination des membres du comité de direction ni de ceux des quatre comités consultatifs. Les membres desdits organes dont les mandats ont expiré depuis plus de 10 ans ne font d’ailleurs plus partie du personnel de l’Hôpital. Seul le représentant du personnel, ancien membre du comité de direction, en fait partie. Ces insuffisances ont eu pour conséquences un manque de concertation et d’implication du personnel dans les prises de décisions importantes, notamment celles relatives aux soins, à la formation, à l’hygiène et la sécurité des personnes au sein de l’Hôpital.
Manque de dispositif de contrôle interne efficace !
Notre source nous rapporte que les activités de soins, de traitements et d’examens effectués dans les services ne font pas l’objet de suivi. Il en résulte des cas d’actes médicaux illégaux au niveau du service de l’imagerie, du laboratoire et du service de cardiologie, tel qu’il ressort des contrôles effectués conjointement par la mission de vérification et la commission de contrôle du CHU-GT. A cela, s’ajoute l’existence d’un service de comptabilité-matières fonctionnel, ne permettant pas le suivi exhaustif de la situation du patrimoine.
Le CHU-GT ne gère pas de façon optimale ses activités de maintenance. En effet, l’ensemble des besoins de maintenance n’est pas pris en compte lors de l’affectation des crédits budgétaires. Les crédits accordés pour la maintenance ne couvrent principalement que les matériels acquis à travers des contrats assortis d’une option de service « après-vente ». Ainsi, les équipements acquis sans option de maintenance et ceux reçus par donation ne font pas régulièrement l’objet d’entretien et de réparation, surtout lorsque le matériel exige des compétences plus pointues. De plus, le CHU-GT n’élabore pas de plans d’entretien préventifs des matériels et ne dispose pas non plus de ressources humaines qualifiées pour assurer la maintenance de matériels bio médicaux. Ces insuffisances ne permettent pas au CHU-GT d’assurer efficacement la maintenance de ses équipements et matériels pour offrir aux usagers des prestations de qualité.
Le CHU-GT ne dispose pas d’un plateau technique assurant une prise en charge efficace des patients. Le département de la pédiatrie souffre d’un manque de matériels et d’équipements pour contrôler la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène et la température des patients. Pendant la période sous-revue, sur un total de 19 154 enfants hospitalisés à la Pédiatrie, 4 633 sont décédés, soit un taux de mortalité de 24%. De 2016 à 2017, les décès enregistrés à la pédiatrie sont passés de 64% à 96% du total des décès hospitaliers du CHU-Gabriel Touré.
Par ailleurs, la majeure partie des décès enregistrés au Département de la Pédiatrie concernent le service de la néonatologie. Ainsi, de janvier 2016 à juin 2018, les décès enregistrés dans ce service représentent 83% du total des décès du département de la Pédiatrie. Au niveau du Laboratoire, les équipements sont soit en panne ou ne fonctionnent pas par manque de personnel qualifié. Il souffre aussi d’une insuffisance de réactifs pour réaliser les analyses. Sur un total de 81 types d’examens réalisables, compte tenu des équipements disponibles, le Laboratoire du CHU-GT n’en réalise que 20 actuellement. Ainsi, les activités du laboratoire ont baissé de 62%, passant de 71 331 examens en 2016 à 27 018 en 2017.
Concernant le Département d’imagerie médicale, les équipements d’échographie et de mammographie ne sont pas fonctionnels depuis plusieurs années. Le Département n’a pas réalisé de fibroscopie en 2017. En outre, il ne dispose pas d’appareil d’Imagerie par résonance magnétique (IRM), ce qui constitue une limite à l’approfondissement de certains examens. Les activités de ce département ont ainsi baissé de 13,74%, entre 2016 et 2017.
Ces insuffisances affectent la performance médicotechnique de l’hôpital.
André Traoré