Désormais, les personnes infectées voient leurs droits de plus en plus observés. Par voie de conséquence, elles mêmes ne rechignent plus à se faire connaître publiquement. Alors qu’auparavant elles restaient très discrètes sur leur état, aujourd’hui, elles font des déclarations publiques à la télévision et des témoignages dans les fora et grandes rencontres initiées dans le cadre de la sensibilisation sur cette maladie. En ce mois de décembre traditionnellement consacré à la lutte contre le sida, notre reporter est allé passer une journée parmi des personnes vivant avec le VIH.
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Au Mali, les statistiques des personnes infectées par le virus du sida sont incontestablement parmi les plus encourageantes. Ces résultats, consécutifs à la dernière enquête menée sur la maladie, font état d’un recul de l’infection de 1,7% à 1,3%. Cette avancée significative est pour beaucoup le fruit de l’engagement soutenu, mais aussi et surtout de l’accompagnement des plus hautes autorités du pays qui ont bénéficié, à leur tour, de l’entière disponibilité des partenaires techniques et financiers qui ont toujours inscrit la lutte contre le sida dans leurs priorités.
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Cette somme d’efforts a aussi contribué pour beaucoup dans le changement des mentalités vis-à-vis de la personne infectée par cette maladie du siècle. Ainsi, même si elles n’ont pas totalement disparu, la stigmatisation et la discrimination des personnes malades du sida ont connu un grand recul dans notre pays. Sans doute dans le cas de notre pays certaines institutions comme le Haut conseil national de lutte contre le sida (Hcnls) qui a émergé sur les restes du l’ancien Pnlc, programme national de lutte contre le sida ; mais surtout la vision politique ayant conduit à l’institution d’un mois de lutte contre le sida, célébré chaque décembre, ont été autant de mesures qui ont concouru à faire que le sida n’est plus un sujet tabou.
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Ces bons résultats retenus par notre pays dans la baisse du taux d’infection entre 2001 et 2002, n’auraient sans doute pas été obtenus sans l’accompagnement des personnes infectées elles mêmes, qui ont décidé de briser la chaîne de la peur et de l’isolement pour assumer à visage découverte leur sort. Faut-il préciser que c’est ce réarmement moral des Pvvih qui a conduit à la mise en place d’associations de personnes vivant avec le Vih. Cela était inimaginable il y a quelques années, du fait précisément de la très grande discrimination dont elles faisaient l’objet.
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Aujourd’hui, deux associations sont déjà opérationnelles sur le terrain. Il s’agit de l’Association malienne d’assistance et de soutien aux Pvvih (Amas) créée en 1995 et au sein de laquelle militent les hommes. Et de l’autre coté, l’Association féminine d’aide et de soutien aux veuves et orphelins du sida qui a vu le jour en 1997 avec plus de 400 membres.
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Hébergées au départ par le Cesac (Centre d’écoute, de soins, d’animation et de conseil) ; ces deux associations qui se sont finalement organisées en réseau, occupent aujourd’hui leur propre siège, sis derrière le jardin zoologique, non loin du stade Omnisports. C’est ici que, dans le cadre du mois de la lutte contre le sida, nous les avons rejoints pour échanger avec eux sur le sens qu’ils donnent à un tel mois et les difficultés auxquelles ils font face à ce jour. C’est dans une cour bien spacieuse que les deux associations sont aujourd’hui logées. Le moins que l’on puisse dire est que l’endroit est pourvu de toutes les commodités permettant à une association de bien fonctionner. Dans les bureaux qui se tiennent au milieu de la cour, on peut ainsi remarquer du matériel de pointe comme des ordinateurs, une photocopieuse, des dossiers bien tenus dans des armoires, un véhicule 4×4 pour les déplacements du coordinateur des deux associations…
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C’est avec ce dernier que nous nous sommes entretenu en premier lieu. Jeune, d’une trentaine d’année, il est le 4è coordinateur à qui revient la charge de diriger les deux associations des personnes vivant avec le Vih.
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Ces deux associations, nous a t il confié, ont été créées pour limiter la propagation du Vih et mettre en place un réseau de prise en charge médicale et psychosociale des personnes infectées.
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C’est un peu à l’écart que nous avons eu notre séance de causerie avec le coordinateur. L’échange a été souvent interrompu par les éclats de rires et le tapage effectué par un groupe de femmes porteuses du Vih et qui sont membres de l’association. Ces femmes animent le siège pratiquement tous les vendredis où l’association offre gratuitement à manger à tous ses adhérents qui font le déplacement.
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La bonne disponibilité du coordinateur a permis de faire le tour de certaines questions comme la prise en charge des personnes infectées, la gratuité et la disponibilité des Arv…
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« Les personnes vivant avec le Vih sida et militant au sein de nos deux associations, sont très soulagées par tout ce que les autorités publiques ont effectué dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie des personnes vivant avec le Vih », a-t-il souligné avant de dire toute sa satisfaction de l’action du chef de l’Etat qui a permis aujourd’hui de rendre les Arv gratuits pour les malades du Sida. « Sans ce soutien de nos autorités beaucoup de Pvvih n’auraient pas vécu jusqu’à ce jour ». Pour le coordinateur, les médicaments qui revenaient avant à 500.000 voire 600.000 FCFA par mois, n’étaient pas à la portée des personnes infectées. « Si un fonctionnaire malien devait débourser un tel montant chaque mois pour se soigner, ce n’est pas évident qu’il puisse vivre long temps », a –t-il souligné. Heureusement que nos pouvoirs publics ont été inspirés à rendre les Arv gratuits. Cette gratuité porte également sur l’analyse et le suivi biologique de même que sur les médicaments opportunistes.
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Les médicaments au plus près des malades
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Depuis le premier jour où il a présidé le lancement officiel des activités du mois de la lutte contre le sida au Mali, le Président de la République, Amadou Toumani Touré a été très claire en indiquant que pour offrir plus de facilité de traitement à nos compatriotes malades, il faut inverser la tendance, faisant en sorte que ce soit désormais les médicaments qui aillent vers les malades. Pour que cela soit une réalité, aucun sacrifice ne saurait être de trop. A la faveur du 1er décembre dernier, cette même volonté a été réaffirmée par ATT qui a clairement précisé que ces médicaments iront (en camion, en voiture, par train, à dos de chameau…) aux malades, quelque soit le coin du territoire où ils se trouvent.
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Cette décision du Président de la République a été suivie d’effet, constate le coordinateur de Amas/Afas pour qui, cette volonté politique a permis de décentraliser les structures de prise en charge des malades qui ne sont plus obligés, comme ce fut le cas auparavant, de se rendre jusque dans la capitale pour se faire soigner. Cette décentralisation des structures de prise en charge est une vraie révolution dans les conditions de vie des personnes vivant avec le vih sida, a reconnu le coordinateur qui ne cache pas certaines difficultés inhérentes au fait que, malgré ces centres de soins décentralisés, certains patients se déplacent encore jusqu’à Bamako pour se faire soigner. Une fois sur place à Bamako, ils restent au siège de l’association pendant plusieurs jours. Ce qui, constate notre interlocuteur, n’est pas sans nécessité des coûts supplémentaires pour les responsables de l’association.
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Une des plus grandes fiertés du coordinateur réside, selon lui, dans l’institution par notre pays, d’un mois entier pour multiplier la sensibilisation contre le sida. Malgré les grandes avancées qu’un tel mois a permis d’effectuer, il est important, suggère-t- il que cette campagne s’étende sur les douze mois de l’année. « Certains pensent que la campagne de lutte contre le sida ne se fait que durant le seul mois de décembre ; de sorte qu’ils sont nombreux ceux qui changent de comportement aussitôt que ce mois passe ».
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En d’autres termes, il faut donc que la sensibilisation se poursuive au-delà de ce mois car c’est sur l’ensemble des douze mois de l’année que s’effectue l’infection, a expliqué le président de Afas qui conclut en invitant ceux qui ne sont pas encore dépistés à le faire. C’est une disposition que chacun doit prendre pour éviter les surprises, a-t-il conseillé.
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Secrétaire à l’organisation de l’association Afas et non moins conseillère en V.A.D (visite à domicile) pour le compte du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, Mme Sabou Sidibé est une femme séropositive que nous avons rencontrée au siège de l’association. La dame qui est depuis 2002 sous Arvs, nous confie : « C’est en 1999 que j’ai pris connaissance de mon statut sérologique. J’étais avec mon mari qui était gravement malade. Malgré tous les efforts pour le soigner il ne guérissait pas. Finalement il est décédé. Par la suite, ma coépouse aussi est tombée gravement malade. Malgré le fait que je n’avais encore aucun signe de malaise, j’ai pris volontairement la décision de me faire dépister. Depuis que j’ai su que j’étais séropositive, je n’ai plus perdu du temps. Je me suis inscrite en même temps que mes trois fils qui ont aussi le virus, au niveau de l’association».
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Depuis cette date, confie-t-elle, la dame s’investit toujours dans les différentes campagnes de sensibilisation contre le vih sida. La première fois, se souvient-elle, c’était à la faveur de la journée du 08 mars 2002 qui avait pour thème « femme et vih sida ». Depuis, confie-t-elle, « je me suis décidée à m’employer autant que je le peux pour sensibiliser ceux qui sont encore sceptiques quant à la véracité du Sida ».
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En tant que personnes vivant avec le Vih, nous bénéficions effectivement de la gratuité des Arvs. Et les autres médicaments nous sont gracieusement offerts au niveau de la pharmacie du Cesac, reconnaît-elle avant de se plaindre quand même du fait que les autres aspects de leur prise en charge ne sont pas encore effectifs. C’est, indique-t-elle, le cas de la prise en charge de leur alimentation, de leur dotation en habillement et même d’un peu d’argent de poche. On nous a dit que nous bénéficions d’une prise en charge globale et je pense que tout cela doit être inclus, a-t-elle indiqué.
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En tant que militante de Afas/sida, l’un des éléments positifs à mettre au bénéfice de son association est, selon elle, les V.A.D qui sont menées de concert avec le Fonds mondial de lutte contre le Sida. Les résultats de ces visites domiciliaires, observe-t-elle, sont aujourd’hui très impressionnants pour la simple raison, poursuit-elle, que ces visites nous permettent chaque fois qu’un membres s’absente long temps, de nous rendre chez lui pour nous enquérir de son état.
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« Le plus souvent nous trouvons la personne dans un état de dépression avancé du fait de sa discrimination par ses propres parents. Dès que la personne nous voit, elle retrouve tout de suite le sourire». Pour notre interlocutrice, il n’est pas rare que les absences de la personne soient dues à la gravité de son état. Auquel cas, les autres membres du réseau se mobilisent tout de suite pour le transporter au centre de soins afin qu’elle puisse bénéficier le plus rapidement possible d’une prise en charge.
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Recul des partenaires
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Pour notre interlocutrice, en plus des autorités de notre pays qui leur apportent une aide et une assistance de qualité, il y a également l’appui non négligeable de certains partenaires étrangers qui apportent une solide assistance aux Pvvih de notre pays. Cette aide qui s’est, selon elle, manifestée dès les premières heures, commence malheureusement à se faire rare. Si elle n’est pas totalement arrêtée, se désole Sabou qui ajoute ne plus comprendre le comportement de certains de leurs plus grands partenaires comme ‘Solisida’ de France et le Fonds Mondial de lutte contre le Sida. Le premier a habitué les personnes vivant avec le virus du Vih à ses dons qui leur permettent de faire face à leur besoin de nourriture. Pourtant depuis un certains temps, cette association bienfaitrice ne s’est plus manifestée, constate elle avec désespoir.
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De son coté, le Fonds Mondial qui accordait jusque là une allocation symbolique aux différents conseillers en V.A.D, joue également au partenaire mystérieux. Pour cause, ce grand soutien des Pvvih a également, et cela depuis trois mois, coupé cette aide sans aucun préavis.
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Pour Sabou, l’accompagnement de ces partenaires offrait aux Pvvih des conditions de vie relativement acceptables. Mais avec cette rupture à la quelle elles n’ont pas été préparées, il est certain que le coup sera très dur à supporter.
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Contrairement à Sabou Sidibé qui ne s’est nullement opposée à l’idée de mentionner son nom dans notre journal, la deuxième femme séropositive qui a accepté d’échanger avec nous n’a pas accepté que son identité soit divulguée. Ainsi, appelons-la Aminata pour la circonstance. Comment a-t-elle appris son état sérologique ? « C’est à la télévision que j’ai appris, pour la première fois, l’existence du Sida. Ce jour, j’étais en train de suivre une émission quand subitement on a passé un spot sur le sida. Mon mari, qui était également là s’était aussitôt énervé et a changé de chaîne en soutenant que ceux qui font passer le message ont pris de l’argent pour faire ce vilain travail ».
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Et notre Aminata du jour de poursuivre : « Malgré le fait que je tenais à suivre le reste du spot, il n’a pas accepté. J’ai dû donc me rendre chez ma voisine d’à coté pour suivre le reste du message. Deux mois après, j’ai proposé à mon mari de se faire dépister. Ce qu’il a énergiquement refusé. Même si, par la suite, et sans me le dire, il est parti faire le test qui s’est révélé positif ». Pour notre interlocutrice, c’est sur insistance d’un de ses amis que son mari lui a finalement avoué son statut. « Après mon test qui a également été positif, je me suis inscrite sur la liste des membres de l’association et depuis lors je suis régulièrement les traitements », a-t-elle indiqué.
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Oumar Diamoye
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