42 % des centres de santé dans le monde ne disposent pas d’équipements d’hygiène sur le lieu des soins, selon les conclusions du rapport conjoint de l’OMS et de l’UNICEF intitulé « WASH in health care facilites : global baseline report 2019 ». Au Mali, il est difficile d’accéder aux chiffres sur le manque d’hygiène dans les structures de santé, mais le phénomène saute aux yeux.
Bureau des entrées de l’hôpital Gabriel, gel et masque sont obligatoires pour tout visiteur. En face de l’entrée principale, une porte, ouverte en permanence, mène aux « toilettes visiteurs » comme l’indique l’écriteau, à moitié décollé et suspendu au-dessus de la tête de ceux qui empruntent ce passage des toilettes.
A l’entrée des toilettes, deux portes métalliques persiennes portent chacune la mention « Hommes », « femmes ». En réalité, seule la porte « Hommes » est ouverte. L’autre est fermée à clé. Visiteurs, patients, hommes, femmes et enfants entrent tous par la seule porte ouverte qui laisse entrevoir des urinoirs accrochés au mur. Quelques rares hommes, non intimidés par la présence des femmes, s’en servent.
Ce mardi 14 décembre, la fréquentation de l’hôpital a chuté à cause d’une grève d’une partie du personnel. Cependant, en cette période de fraîcheur, les toilettes sont très sollicitées, surtout en ce début de matinée. « C’est comment à l’intérieur ? ». « Si tu peux faire autrement, fais-le, sinon ce n’est pas bon hein », répond une dame, aux allures pressées, qui venait de sortir de là où nous nous apprêtons à entrer. Question inopportune puisque la forte odeur d’urine nous avait alerté bien avant.
« La principale conséquence du manque d’hygiène dans un centre de santé est l’infection nosocomiale », explique Abdoulaye Maïga, hygiéniste au CHU hôpital Gabriel, avec qui nous avons rendez-vous. Il s’agit, a-t-il détaillé, d’une infection que le patient contracte au cours de son passage dans un centre de santé. L’infection peut être due au lit d’hospitalisation, au matériel comme le cathéter ou encore à l’environnement hospitalier notamment les toilettes impropres.
« Le vrai problème avec le manque d’hygiène dans les centres de santé, c’est le comportement des gens », affirme l’hygiéniste Abdoulaye Maïga. Avec le Covid-19, explique-t-il, des kits de lavage de mains ont été installés un peu partout au CHU Gabriel Touré. Aujourd’hui, force est de constater que la plupart de ces kits se sont dégradés faute d’utilisateurs. « Nous aurons beau avoir tout le matériel tant que les gens ne changeront pas, il n’y aura pas d’hygiène », a conclu Abdoulaye Maïga, promettant de résoudre le problème des toilettes « femmes » fermées au CHU Gabriel Touré.
« Beaucoup d’efforts ont été faits… »
« L’hygiène dans les centres de santé a pour objet la prévention des maladies infectieuses dans les établissements de soins », a expliqué Dr Daou Oumou Diakité, Directrice générale Adjointe de l’Agence nationale d’Evaluation des Hôpitaux (ANEH). Pour l’agence qui vient de publier son dernier classement annuel des hôpitaux, l’hygiène est d’une « importance particulière ». Ainsi, a informé la directrice adjointe, l’hygiène est prise en compte dans deux types d’évaluation à l’ANEH à savoir: l’évaluation de la performance des hôpitaux et l’évaluation de la qualité des soins.
A la 72e Assemblée mondiale de la Santé qui s’est tenue à Genève du 20 au 28 mai 2019, le Mali à l’instar de plusieurs autres pays s’est engagé à améliorer l’hygiène dans les centres de santé. « Beaucoup d’efforts ont été faits depuis cette assemblée », défend Moussa Ag Hamma, sous-directeur de l’Hygiène publique et Salubrité à la Direction générale de la Santé et de l’Hygiène publique. A titre d’exemple, indique Ag Hamma, le nombre de sources d’eau potable fonctionnelles dans les structures de santé au Mali est passé de 1523 en 2017 à 1873 en 2020.
Depuis quelques mois, a expliqué le sous-directeur de l’Hygiène publique et Salubrité, un outil de suivi des conditions d’hygiène dans les établissements de santé appelé WASH FIT, développé par l’OMS, est en cours d’utilisation. WASH FIT permet aux établissements de santé de « s’autoévaluer régulièrement et de pouvoir déceler les insuffisances en matière d’hygiène ». Sur les engagements de Genève, Moussa Ag Hamma est confiant. « Nous sommes bien partis pour honorer nos engagements », a-t-il assuré.
« On doit mieux faire pour accélérer les progrès dans la mise en œuvre du plan d’action pays”, s’inquiète Issaka Sangaré, chargé de communication et des campagnes de l’ONG WaterAid. Ce dernier reconnaît que des efforts ont été faits, mais ils sont insuffisants. Selon Issaka Sangaré, les évaluations complètes afin de quantifier la disponibilité, la qualité et les besoins concernant les services WASH et Prévention et Contrôle des Infections (PCI) dans les établissements de santé ne sont pas encore faites. “Aussi l’élaboration de la feuille de route connaît un retard » a-t-il conclu.
Pour atteindre l’accès universel à l’hygiène conformément aux engagements de Genève, il convient au Mali de relever le niveau de l’engagement politique d’une part. D’autre part, le respect des bonnes pratiques d’hygiène incombe à la fois aux responsables des établissements de santé, au personnel soignant, et aux usagers des centres de santé.
Mamadou TOGOLA/Maliweb.et