Maladies rares : Briser le silence

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Peu connues par la population, les maladies rares sont perçues dans la société malienne comme des maladies des possédés ou du mauvais sort. Au Mali, plus de 1 000 personnes vivent sous le poids de la stigmatisation.

Assan Sylla vit dans un quartier périphérique de la capitale, Tièbani. Son mari étant à l’extérieur du pays, elle cohabite avec le frère de ce dernier et leurs trois enfants. Tous atteints d’une maladie rare des nerfs. Une maladie est dite rare lorsqu’elle touche une personne sur 2 000.

Assan Sylla fait la découverte de la maladie de son premier enfant, quelques années plus tôt, au cours d’un petit déjeuner.

« J’ai remarqué qu’il n’arrivait pas à bien tenir le bol. Ses mains étaient toutes tremblantes. Je l’ai vite amené à l’hôpital », raconte la jeune femme. Après plusieurs examens entre les hôpitaux, Assan découvre que sa fille aînée souffre d’une maladie rare qui affecte les nerfs. Au fil des années, ses deux autres enfants développeront la même maladie. Une pathologie qui n’a, pourtant, pas été diagnostiquée ni chez elle ni chez son mari, s’interroge Assan avant de poursuivre. « Des fois, ils ne peuvent même pas prendre les choses de leurs propres mains. Même souvent pour boire de l’eau c’est un problème. Tout se renverse avant que le bol n’atteigne leurs bouches. Mais des fois ça va un peu, car il y a des jours où ils ne ressentent rien ».

S’il y a certaines maladies qui ont des traitements, beaucoup d’autres n’ont pas encore de remèdes. L’un des objectifs de l’Association des maladies rares au Mali est de faciliter l’insertion socioprofessionnelle des personnes atteintes des maladies rares en leur trouvant des activités adaptées à leur handicap.

Ces maladies rares, généralement, n’ont pas de soins appropriés, explique Salif Coulibaly, président de l’Association des maladies rares au Mali. « Quand ça touche une personne, c’est pour la vie. Mais, il y a des soins qui permettent de vivre avec ces maladies avec moins de contraintes ».

 

Maladies orphelines

A la dernière célébration de la Journée internationale des maladies rares, les médecins spécialistes des maladies rares, réunis au sein de la santé malienne génétique au Mali, ont répertorié 430 familles, avec près de 1 030 personnes atteintes de maladies rares.

Selon les données, 80 % des maladies rares, encore appelées maladies orphelines, sont d’origine génétique. Les 2/3 d’entre elles sont graves et invalidantes. Plus de 8 000 maladies rares existent dans le monde, telle que l’hémophilie, mucoviscidose, la maladie de Charcot (SLA), la maladie des os de verre, la myopathie de Duchenne, leucodystrophie, la progéria, syndrome d’Angelman, syndrome de Turner, etc.

La maladie la plus rare est la déficience en ribose-5-phosphate isomérase. Elle est une maladie métabolique pour laquelle le seul patient connu est né en 1984, ce qui en fait virtuellement la maladie la plus rare.

Dr. Edmond Dembélé, médecin généraliste à la retraite, explique quelques notions sur ces maladies. Selon lui « ces maladies font des ravages dans le monde entier malgré qu’elles soient rares, car elles sont méconnues des gens ».

Selon le médecin généraliste à la retraite, les difficultés de ces maladies sont multiples. « Il y a certains sports violents qui sont à proscrire comme les arts martiaux qui peuvent aggraver la maladie du patient. D’autres sports aussi sont autorisés, mais avec des équipements appropriés, chemises à manche longue et vestes raisonnés pour le patient », explique le médecin.

Pour lui, l’un de leurs objectifs aujourd’hui est de briser le mythe autour de ces pathologies qui sont perçues dans la société comme des maladies des djinns. C’est-à-dire les gens qui sont possédés, et les mauvais sorts. « Ce, en établissant biologiquement les causes de ces maladies, le poids de la stigmatisation et du blâme dans les familles et dans la société seront diminués ».

Il faut la création de nombreux centres spécialisés pour le traitement préventif à domicile, préconise Dr. Edmond Dembélé estimant qu’il faut créer un laboratoire local d’hémostase et un centre de transfusion. « L’infirmier doit aussi apprendre aux patients à s’injecter lui-même les produits ».

 

« Quiconque qui osera »

La religion musulmane ne conseille à aucune personne de marginaliser ou de faire souffrir ces personnes atteintes de maladies rares. Ces passages sont sacrés dans l’islam, à en croire Idrissa Diarra. Il est l’imam du Centre islamique de Hamdallaye.  « La maladie est un fait de Dieu. Quiconque qui osera s’en prendre négativement à ces personnes ne fait pas la volonté de Dieu. Les gens se doivent de ne pas mettre à l’écart, mais de leur redonner goût à la vie et les soutenir », ajoute l’imam.

Malgré leur volonté manifeste, les spécialistes des maladies rares sont confrontés à des difficultés de ressources financières. Les maladies rares n’ont pas de traitement spécifique pour guérir complètement le patient. Les médicaments coûtent très chers pour ces derniers.

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SALIF COULIBALY, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES MALADIES RARES AU MALI

« Tout ce qui est rare, est très difficile de gérer »

 

Les personnes atteintes de maladies rares au Mali sont réunies dans une association. Dans cette interview, Salif Coulibaly, président de l’Association des maladies rares au Mali, explique leurs objectifs. Il aborde aussi les difficultés auxquelles sont confrontés les patients atteints des maladies rares et l’état des lieux des recherches au Mali. 

Mali Tribune : Pourriez-vous nous présenter l’AMR-Mali ? 

Salif Coulibaly

Salif Coulibaly : L’AMR-Mali est une association à but non lucratif. Les objectifs sont d’assembler les personnes atteintes de maladies rares, faciliter leur accès aux soins, sensibiliser et informer les patients, leurs familles et la population en général, faciliter l’insertion socioprofessionnelle des personnes atteintes des maladies rares en leur trouvant des activités adaptées à leur handicap.

Nous sensibilisons aussi les décideurs et les philanthropes pour une assistance aux malades et leur famille, pour investir dans la recherche sur ces maladies afin d’améliorer des connaissances sur les maladies rares. D’autres objectifs visent à appuyer le personnel de santé dans le cadre de la formation de la sensibilisation au diagnostic et de la prise en charge des maladies rares au Mali.

Mali Tribune : Quelles sont les maladies rares au Mali ?S. C. : Les maladies rares, pas spécifiquement au Mali, mais dans le monde, sont multiples. Il y a la maladie de Charcot Marietou, la maladie de Duchenne, trisomie 21. Il y en a beaucoup, connues ou méconnues au Mali.

Mali Tribune : Pourquoi les appelle-t-on maladies rares ?

S C. : On les appelle des maladies rares parce que généralement ce sont des maladies qui touchent peu de personnes. Il existe 7 000 maladies rares dans le monde entier.

Mali Tribune : Qui soigne ses maladies rares ?

S. C. : Comme son nom l’indique, ce sont des maladies rares et qui sont en phase de recherche. Généralement, ces maladies n’ont pas de soins appropriés. Quand ça touche une personne, généralement c’est pour la vie. Mais il y a des soins qui permettent de vivre avec ces maladies avec moins de contrainte.

Nous espérons suivre les recherches. C’est pour cela que nous sommes ici au service neurologique de l’hôpital du Point G parce qu’il y a un cadre de recherche ici sur ces maladies rares. C’est à travers ce cadre qu’on a pu créer l’association pour pouvoir réunir toutes les personnes atteintes de maladies rares. Nous comptons sur les chercheurs et sur la technologie qui évolue réellement pour qu’on puisse trouver des soins pour ces maladies. Il y a certaines maladies qui ont des traitements, mais beaucoup d’autres aussi n’ont pas de traitements.

Mali Tribune : Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les patients atteints des maladies rares ?

S C. : Tout ce qui est rare est très difficile à gérer. Déjà il n’y a pas de traitement spécifique pour guérir. Il y a d’abord cette lourdeur psychologique. Un patient qui se dit que sa maladie ne va jamais guérir est déjà un problème. Ensuite, il y a le problème des soins palliatifs, car le médicament coûte excessivement cher pour ces malades, à commencer même par le diagnostic de ces maladies-là, c’est tout un tas de problèmes.

J’en profite pour saluer l’équipe de recherche de l’hôpital du Point G, de la neurologie dirigée par le Dr. Landouré et toute son équipe.

Ils ont un programme dans le cadre de la recherche de ces maladies. Aujourd’hui, ils parviennent à diagnostiquer ces maladies de manière gratuite. Car pour diagnostiquer ces maladies, tu peux te retrouver à payer des sommes de francs minus que le commun des Maliens ne peuvent pas débourser pour payer. Beaucoup de détails et d’éléments rentrent en jeu pour diagnostiquer seulement la maladie.

Mali Tribune : Est-ce que l’État vous apporte des appuis ?

S C. : Pour le moment, ces maladies sont méconnues de la majeure partie de la population. Beaucoup ne savent pas que les maladies génétiques rares existent. Déjà, la population est dans ce problème. Cette même population constitue l’Etat. Pour que l’Etat contribue, il faut que ces maladies rares soient d’abord connues suffisamment.

Pour le moment, il n’y a pas d’aide spécifique concernant ces maladies rares. D’où encore la création de notre association pour vulgariser les informations sur ces maladies, sensibiliser la population, les philanthropes et l’Etat sur les cas des personnes atteintes de ces maladies rares afin qu’ils soient plus réceptifs, plus sensibles aux problèmes de nos malades chaque jour.

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 PORTRAIT

Vivre malgré tout

Korotoumou Mariko et les trois enfants d’Assan sont tous atteints de maladies rares des nerfs. Les deux femmes se battent, chaque jour, pour vaincre leurs maladies.

Korotoumou Mariko habite à Garantiguibougou. Elle est secrétaire à l’Ecole normale supérieure de Bamako. La jeune femme est atteinte de la myopathie. Une maladie génétique des nerfs qui est l’une des maladies rares au monde. Pourtant ses deux parents ne sont pas atteints de cette maladie.

Célibataire sans enfant, Korotoumou a deux petites sœurs qui sont toutes les deux atteintes de la myopathie. L’une d’entre elles s’appelle Djénébou Mariko, mariée et mère de 4 enfants. Elle a pu finir ses études et travaille actuellement.

La maladie de Korotoumou a été détectée très jeune. Elle a été la première personne à être atteinte par la myopathie à bas âge.

« Tout a commencé quand j’étais petite. J’avais des difficultés à marcher. Ma mère croyait que c’était des caprices d’enfant. Je ne pouvais même plus marcher. Mes nerfs me faisaient mal. C’est en ce moment, qu’on a commencé à faire de la pharmacopée qui n’a pas donné de résultat. On a fini par partir à l’hôpital », raconte la jeune femme.

Etant la première dans la famille à développer la maladie rare, Korotoumou explique comment la douleur se manifeste chez elle. « La douleur se manifeste au niveau de ma hanche jusqu’au pied. Il m’est impossible de soulever les objets lourds. Je ne peux pas beaucoup marcher. C’est ça le véritable problème auquel je fais fasse. Je ne peux même pas soulever un seau rempli d’eau pour aller aux toilettes ».

Quant au regard de la société, Korotoumou affirme que la plupart des gens la juge par sa façon de marcher ne sachant pas qu’elle a des difficultés pour marcher. Mais ne se plaint pas du regard des autres.

Malgré les recherches des médecins jusque-là, il n’existe pas encore de médicament spécifique pour guérir concrètement la maladie de Korotoumou. « Nous avons juste des calmants pour atténuer un peu la douleur. Ma famille n’a pas assez de moyens. Souvent, des médecins se chargent de nous accompagner au Point G et nous achètent les médicaments ».

Souffrant également d’une maladie rare, la première fille d’Assan Sylla n’a pas eu la même chance que Korotoumou. A cause de la maladie, sa fille aînée n’a pas pu continuer l’école. Aujourd’hui, elle n’arrive pas à accomplir ses corvées de famille des fois. Ses deux petits frères, pour le moment, se débrouillent peu à peu à l’école avec le peu de moyen qui leur reste, selon Assan.

Assan Sylla doit acheter chaque mois des médicaments pour soulager leur douleur. Le coût des médicaments s’élève des fois jusqu’à 9 750 F CFA par enfant. Une tâche devenue insoutenable pour la maman, à cause de sa situation financière. Elle témoigne: « les médicaments doivent être pris deux fois par jour. Il m’est difficile de subvenir aux frais de médicaments de trois enfants en même temps. C’est pourquoi, des fois mes enfants peuvent passer des mois sans prendre leurs médicaments comme les médecins l’indiquent ».

Parfois le service neurologie de l’hôpital du Point G leur apporte des aides en achetant leurs médicaments, selon Assan Sylla. « Malgré l’achat de ces médicaments, il n’y a pas de médicament spécifique pour complètement guérir les maladies. Selon le médecin qui ne fait que faire des recherches pour trouver le traitement adéquat dans les jours à venir. Le traitement reste indéfini pour le moment », regrette Assan.

Malgré le poids de la stigmatisation de la société, Assan Sylla et Korotoumou se remettent à Dieu. Elles restent optimistes et espèrent que les chercheurs trouveront bientôt des remèdes à ces maladies.

 

Dossier réalisé par 

Marie Dembélé 

(stagiaire)

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