Lutte contre le Sida : « La jeunesse malienne en danger »

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La recrudescence de cette pandémie du siècle en Afrique n’effraie pas outre mesure sa jeunesse. En faisant un petit round au niveau des établissements scolaires à Bamako, par exemple, on se rend rapidement compte que peu sont ceux d’entre les élèves qui croient à l’existence effective de cette maladie qui ne cesse pourtant de progresser en Afrique et dans notre pays.

Lorsque vous posez la question à un jeune de savoir ce qui le pousse à ne pas reconnaître le Sida comme une maladie, comme le paludisme ou la dysenterie amibienne, il tient un discours prolixe qui vous laissera inquiet et effrayé pendant longtemps. Tellement, celui-ci sous estime le problème. Par contre, en essayant d’analyser ses propos avec minutie, on se rend compte de certaines de leurs inquiétudes qui peuvent ainsi se résumer :

1°) Le Sida est une maladie étrangère, importée.

2°) Le mode de transmission du VIH porte sur un domaine encore tabou dans la majorité des pays africains. Sa transmission par vote sexuelle fait qu’il est moins bien expliqué par les médias et est presque tenu secret dans les familles.

La transmission sanguine ou à travers les objets souillés par le sang du malade ou du séropositif banalise la maladie au regard de la jeunesse…

3°) Les jeunes ne comprennent toujours pas, pourquoi, les prostituées qui constituent la couche sociale la plus contaminée, ne meurent pas et continuent d’ailleurs à exercer leur profession en toute impunité.

4°) Les homosexuels, accusés d’avoir facilité la propagation de la maladie, eux ne sont pas aussi nombreux chez nous que dans les pays développés.

Ils se trouvent tellement marginalisés chez nous, qu’ils sont ignorés dans leurs gestes et leurs mouvements.

5°) Les jeunes ne croient pas au Sida car, disent-ils, ils n’ont jamais vu de sidéens de leurs propres yeux. La télévision est restée longtemps muette sur ce sujet. Pas d’images de malades du Sida, pas de reportages consistants sur la maladie, pas d’émissions animées autour d’un séropositif, encore moins sur les problèmes de cohabitations des parents de sidéens avec leurs malades.

A la radio, on se contente de reprendre certaines diffusions des stations étrangères sur le virus et ses ravages dans les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine.

Quant à la presse écrite, elle n’attend que des occasions du genre « journée mondiale du Sida », pour balancer quelques statistiques inaccessibles à la quasi totalité de la population menacée.

Les jeunes ignorent la maladie en pensant qu’elle n’arrive qu’aux autres.

6°) Certaines chaînes étrangères font passer le témoignage des sidéens sur le petit écran. Ces séropositifs en général, tentent par des mots doux de dédramatiser le Sida à telle enseigne que les jeunes ne lui accordent plus la moindre importance.

Nous sommes de plus en plus exposés au Sida au Mali.

Dans nos hôpitaux qui sont devenus de véritables foyers de propagation du Sida, les femmes enceintes côtoient au quotidien la maladie lors des consultations prénatales avec l’utilisation des « spéculums à usage multiple et insuffisamment stérilisés ».

Les tables d’accouchement laissent traîner des traces de sang fraîchement frottées à la hâte entre deux accouchements.

Ce sang sûrement contaminé et mal nettoyé constitue une poche de propagation rêvée pour le VIH Sida. Actuellement, les femmes en travail préfèrent apporter elles-mêmes leurs gants, leurs nattes en plastique sur lesquelles elles doivent accoucher, plutôt que sur la table de tous les risques.

La femme qui, par malchance, va contracter la maladie dans ces conditions insoutenables sera jugée comme de mœurs légères ; car le Sida n’est mesuré qu’à travers les rapports sexuels.

Les spots publicitaires sur le Sida ne mettent l’accent que sur l’aspect « CONDOM », si bien que les jeunes pensent qu’en sécurisant les rapports sexuels par le port du condom, ils se trouveraient hors de portée du virus du Sida.

Les slogans publicitaires ne doivent pas se limiter uniquement à l’abstinence et à la fidélité qui n’ont trait qu’au sexe.

Ils doivent insister sur les aspects beaucoup plus « caches » des risques de contamination du Sida.

Surtout dans les hôpitaux, dans les kiosques de coiffure pour enfants où on utilise le même rasoir électrique pour tous les enfants du même quartier.

On doit mettre l’accent sur les dangers que les personnes saines rencontrent dans leur vie quotidienne en côtoyant les malades et les séropositifs sans le savoir.

C’est à ce prix que les jeunes verront que Sida n’est pas une simple fiction. Qu’il est loin du paludisme couplé à une dysenterie, mais qu’il demeure une maladie incurable jusqu’à preuve du contraire. Et que la maigre consolation représentée par la thérapie n’est pas encore à la portée d’un Africain.

Le Sida tue, sachons le reconnaître, au lieu de faire une fuite en avant. Mais il ne saurait découler de cette nécessaire prise de conscience et de mesures de protection, le rejet, la mise au ban de la société, des victimes de la « maladie sans remède ». Une problématique que la jeunesse ne peut éluder.

Boubacar Traoré

Un jeune saint

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