Il a été constaté que les sportifs maliens, surtout des footballeurs et des athlètes, utilisent de plus en plus des substances prohibées (plantes, médicaments, drogues) pour améliorer leurs performances. Plus de 50 plantes sont utilisées par les sportifs maliens pour se doper. Cette révélation a été faite le 23 novembre 2009 par le Dr. Bréhima Coulibaly, médecin spécialisé en médecine du sport.
C’était au cours d’un séminaire sur le dopage organisé au salon d’honneur du stade omnisports Modibo Kéita à l’intention des journalistes sportifs. Initié par le Commissariat au développement institutionnel (CDI) en partenariat avec la Direction nationale des Sports, le séminaire avait pour but d’informer les hommes de médias de l’existence au Mali d’une Commission nationale de lutte contre le dopage dans le sport.
Selon les révélations de Dr. Coulibaly, les footballeurs maliens occupent la première place des consommateurs des substances dopant. Ils sont suivis par les athlètes et les basketteurs. Et plus de 50 plantes utilisées par les sportifs maliens pour se stimuler. La plante la plus utilisée par est le « Almoucaïcaï » (natura en français).
Préoccupées par les conséquences du dopage sur la santé des sportifs et conscientes que les pouvoirs publics et les organisations de sports ont des responsabilités dans la garantie du bon déroulement des manifestation sportives sur la base du principe de l’esprit sportif, les autorités maliennes ont décidé de mettre un terme à cette pratique qui est une tricherie dans le sport. Cette lutte contre le dopage, aux dires de Dr. Coulibaly, doit nécessairement passée par l’information et la sensibilisation des sportifs sur les dangers des produits dopants.
Pour mieux combattre le phénomène du dopage, il a été créé auprès du ministre chargé des Sports une Commission nationale de lutte contre le dopage. Institué par le décret n° 03-247/PM-RM du 27 juin 2003, cette commission qui est un démembrement au plan local de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), a pour mission d’entreprendre des actions d’information, d’éducation, de sensibilisation et de formation en matière de prévention du dopage ; de procéder à l’inventaire périodique des produits traditionnels dopants ; de proposer au gouvernement des actions et mesures en matière de lutte contre le dopage ; de donner son avis sur les projets de textes législatifs et règlementaires en matière de lutte contre le dopage. Le secrétariat de la commission nationale de lutte contre le dopage est assuré par la Direction nationale des sports et de l’éducation physique.
Le Mali fait partie des pays qui ont ratifié la convention internationale contre le dopage dans le sport. Le Mali est membre de l’Organisation Régionale Antidopage (ORAD) pour l’Afrique de l’Ouest francophone (Zone II et III) qui vise à augmenter les capacités de contrôle dans le monde et à promouvoir les contrôles et la sensibilisation au dopage. Elle fait en sorte que les sportifs soient sujets aux mêmes protocoles et procédures antidopage partout dans le monde, quels que soient leur sport, leur nationalité et le pays dans lequel ils se trouvent.
Siaka Doumbia
Dr Bréhima Coulibaly parle du dopage :
« Sur 500 sportifs maliens, 415 prennent quelques choses »
Médecin spécialiste en médecine du sport, Dr. Bréhima Coulibaly est le chef du bureau médecine du sport et de la lutte contre le dopage à la Direction nationale des sports. Dans l’interview qu’il nous a accordée le mardi 15 décembre 2009 en marge du lancement de la journée d’éducation antidopage en milieu scolaire au lycée sportif Ben Oumar Sy, Dr. Coulibaly nous parle de dopage.
Le Sportif : Pourquoi une journée d’éducation antidopage en milieu scolaire ?
Dr. Bréhima Coulibaly : En ma qualité de membre au Comité éducation mondial antidopage dont le Mali est membre, il me revient de droit d’organiser dans mon pays des journées d’éducation antidopage dans le but que les sportifs sachent que tous les produits qu’ils prennent peuvent être nuisibles tôt ou tard. Un sportif n’a pas besoin de prendre un médicament, une substance alimentaire ou autres substances pour avoir la performance. La performance se requiert par l’entraînement, par le travail.
La journée était initiée pour les scolaires. On a débuté la journée par les jeunes talents, en occurrence les élèves du Lycée sportif Ben Oumar Sy de Kabala. Mais on va étendre cette journée à tous les jeunes des écoles du district de Bamako. Parce que ces jeunes sont l’avenir du sport malien. Et c’est à eux de comprendre que le sport peut se faire sans prendre quelque chose.
Le Sportif : Qu’attendez-vous de cette journée ?
Dr. Coulibaly : Nous voulons que les jeunes soient sensibilisés par rapport aux conséquences du dopage. Nous voulons que les jeunes sachent et comprennent que le dopage est une tricherie. Cela ne peut se faire que par les hommes de média. Ce n’est pas une seule journée qui peut sensibiliser les gens. C’est en multipliant les journées de sensibilisation que nous atteindrons nos objectifs.
Le Sportif : Quel est l’état actuel du dopage au Mali ?
Dr. Coulibaly : A la suite d’une enquête menée, il y a deux ans, des athlètes maliens ont été reconnus positifs. Mais ce nombre est très peu par rapport à d’autres pays. Seulement, ce que nous déplorons, sur 500 sportifs, il y a à peu près 415 qui prennent quelques choses ou des médicaments. Même si ces médicaments ne sont pas dopants, les sportifs les prennent sans contrôle. Et ces médicaments peuvent être nuisibles. C’est ce qu’on veut éviter.
Le Sportif : Quels sont les produits considérés comme dopant ?
Dr. Coulibaly : Ils sont nombreux. Et nos athlètes ne les connaissent. Il y a une liste de produits dopants. L’essentiel aujourd’hui, c’est de dire aux sportifs de ne rien prendre pour faire le sport. Aujourd’hui, on considère qu’il n’y a pas de produits dopants. Mais on demande aux sportifs de ne rien prendre pour faire la pratique sportive. Et c’est par là qu’ils vont éviter le dopage et la tricherie.
Le Sportif : Pourquoi un sportif se dope ?
Dr. Coulibaly : Il y a plusieurs causes dont la première est la recherche de la performance. Comme on le sait, le sport, ce n’est plus la santé, c’est la course effrénée vers l’argent. Donc, un sportif se dope pour être performant et avoir beaucoup d’argent.
Le Sportif : Quelles peuvent être conséquence du dopage ?
Dr. Coulibaly : La première conséquence, c’est la mort. Un sportif, en se dopant n’est pas à l’abri de la mort. Sur le terrain, il peut tomber et mourir. Nous avons vu beaucoup d’exemples de ce genre. Donc, à force de prendre des produits dopants, un athlète peut tout perdre en un jour.
Le Sportif : Pour se doper, les sportifs ne sont-ils en complicité avec les docteurs traitant ?
Dr. Coulibaly : Pas seulement les docteurs. L’entourage du sportif peut être complice. Mais le plus souvent l’entourage est mis de côté par les sportifs qui veulent avoir la performance et la richesse. Bien sûr que l’entourage est souvent ignoré mais il pousse aussi le sportif à aller vers la consécration. Ce qui les pousse au dopage.
Le Sportif : Quel appel à l’endroit des sportifs et des dirigeants ?
Dr. Coulibaly : Mon appel est très simple. Je demande aux dirigeants de ne pas pousser les sportifs vers une automédication qui peut être nuisible. Et aux sportifs, je leur demanderai de ne rien prendre qui peut être nuisible pour leur sport et leur santé.
Interview réalisée par Siaka Doumbia