Et dans le souci de revenir avec la bonne information, il fallait, coûte que coûte, aller à la réalité, peu importe le risque à courir, pour la toucher du doigt en s’y approchant de très près. Et c’est ce qui fut fait. Car dès l’arrêt de notre véhicule de reportage, à 12h 52 mn à l’entrée du village, les journalistes, assoiffés de l’info, décident de visiter la frontière dont les barrières étaient à peine visibles à environs 200 mètres du lieu de la cérémonie tenue éloignée, pour des raisons de sécurité. Pas question que le bus de reportage nous y amène, l’ordre n’étant pas donné par le chef de la délégation. Et naturellement il fallait s’y rendre à pied. Le trajet entre le lieu de la cérémonie et la frontière n’a pris que 12 dix minutes. A notre approche de la frontière, aucun signe de panique à la grande mosquée de Kourémalé, côté malien, sise en plein marché du village où les musulmans se préparaient activement pour répondre à l’appel du muezzin. Première impression! Malgré le beau monde tassé autour de cette mosquée, aucune disposition sanitaire n’était perceptible. Pas de désinfectants, pas de lavage de main au savon. Interrogé sur les mesures sanitaires au niveau de la mosquée, un fidèle répond tout tristement : « Ici, chacun se débrouille pour se protéger ». A quelques mètres de la mosquée, l’on pouvait déjà percevoir la ceinture de sécurité mixte tenue par la douane, les militaires et les agents sanitaires. Arrivée à destination, l’équipe de reportage fut accueillie par le chef de poste de la douane Kourémalé Mali qui nous invita immédiatement au lavage des mains et à la prise de température. La règle est claire. Il ne faut pas dépasser 38 degré pour échapper à la mise en quarantaine automatique. Et les forces de l’ordre veillent à cela pour canaliser les plus réticents. Malgré quelques petits pincements au cœur, tous les hôtes du jour réussissent à cette épreuve. Premier constat des visiteurs au niveau de la frontière, les habitants du village vaquaient tranquillement à leurs occupations de part et d’autre de la frontière. Et cela sans aucune complication mesquine seulement à condition que tout passant soit soumis au test après avoir lavé les mains. Là aussi, aucune trace de panique. Curiosité oblige, les journalistes décident de pousser leur investigation pour aller voir la réalité de l’autre côté de la barrière à Kourémalé Guinée. Nous contournâmes ainsi la barrière malienne pour nous mettre juste à côté de la marque départageant les deux territoires. Là, n’étant pas des natifs du village, il fallait demander une autorisation d’entrer en Guinée. Nous fîmes alors appel à un agent des forces de la défense de la Guinée habillé en civil. Malgré un accueil chaleureux, pas question qu’il nous laisse traverser la frontière sans l’aval des chefs. Et il fallait attendre qu’il remonte nos vœux au chef de poste. Et pour cela les visiteurs devraient s’armer encore de patience d’au moins 5 mn. A son retour il s’adresse ainsi aux journalistes : « Les chefs disent que le Mali et la Guinée sont comme deux poumons d’un même corps. Faîtes comme chef vous », a lancé l’agent de sécurité tout heureux de voir que la Guinée n’est pas boudée par son voisin. Mais avant, il fallait encore se soumettre aux mesures de sécurité sanitaire. A savoir se laver les mains et accepter la prise de température. De l’autre côté aussi de la barrière (Guinée Kourémalé), le constat est tout aussi alarmant. Là également, à l’exception de la frontière, aucune mesure hygiénique n’est de mise au niveau des points de rassemblement malgré le risque de contamination très élevé dans la zone. C’est donc dire que les habitants de Kourémalé vivent, aujourd’hui, avec le danger de contracter à tout moment le virus Ebola plané sur leur tête faute de mesure sanitaire adéquate. Et ne sachant à quel saint se vouer, ils semblent se résigner de leur triste sort.
Youssouf Z KEITA
Envoyé spécial à Kourémalé
Opportunistes
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