Pendant deux longs jours (19 et 20 févriers), l’ensemble des hôpitaux et centres de santé publics du Mali a été paralysé par une grève décrétée par les différents syndicats des médecins et autres cadres médicaux, au ridicule motif que leur ministère de tutelle a muté un des leurs.
Cette fois, c’est l’Amicale des médecins en spécialisation du Mali (AMESMA) qui a organisé une marche pour réclamer entre autres, la création d’un statut pour les médecins en spécialisation, la révision des arrêtés et règlements régissant la spécialisation des médecins au Mali. C’était le mercredi 26 février dernier.
Partie du parc national de Bamako, la troupe en blouses blanches était composée de plusieurs médecins dont certains portaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire :« Nous sommes aussi les fils du pays ! » «Nous voulons un statut !».
Les élèves et étudiants, pardon, les médecins, fous de rage n’hésitaient pas à expliquer aux passants : «aujourd’hui l’AMESMA estime avoir fait tout ce qu’elle pouvait pour attirer l’attention des plus hautes autorités pour trouver la solution à un problème qui n’a que trop duré». Toute chose qui explique selon eux, cette marche pour dénoncer la situation du médecin en spécialisation au Mali.
Finalement, la meute de blouses blanches que nombre de curieux suivaient, termina sa marche devant l’Assemblée Nationale où ses leaders, après lecture de leur « manifeste » ont remis le document au 1er Vice-président de l’Institution, l’honorable Mamadou Tounkara qui leurs a promis de transmettre le message au premier responsable de l’hémicycle à savoir M. Issaka Sidibé. C’était en présence de l’honorable Kalilou Ouattara, président de la Commission Santé de l’Assemblée Nationale.
En effet dans leur « manifeste » nos médecins proposent comme solutions à leurs problèmes, la création d’un statut de certificat d’étude spécialisé(C.E.S) en spécifiant les conditions d’affectation dans les établissements publics hospitaliers (EPH), leurs rémunérations ou autres prébendes dans ces structures ; La révision des règlements et d’arrêté visant sur la spécialisation au Mali en termes de durée, d’organisation des évaluations, du contenu de la formation, de supervision de l’encadrement, d’outils de formation. Le déficit en spécialiste étant criard au Mali, pour l’AMESMA, il est de l’intérêt national que la production puisse continuer à hauteur de souhait, et seule la prise en charge des frais d’inscription et pédagogique peut de façon efficace faire atteindre cet objectif. Enfin, l’amicale propose l’octroi de bourses de subsistance par le ministère de l’enseignement supérieur aux C.E.S. qui sont aussi des étudiants.
Et à l’honorable Pr Kalilou Ouattara, président de la Commission Santé de l’Assemblée Nationale d’’ajouter qu’il ne faut pas que les gens soient maximalistes. Car, dit-il, l’Etat malien paie les frais pédagogiques et d’inscriptions des C.E.S des étudiants qu’ils soient publics ou privés et cela reste pour le Pr Ouattara un grand pas.
«On peut trouver un arrangement pour que l’établissement qui utilise les C.E.S puisse les rémunérer avec les gardes, mais je pense que ce n’est pas une obligation pour l’Etat de les prendre en charge» a ajouté le Pr Kalilou Ouattara président de la Commission Santé de l’Assemblée Nationale.
Le linge sale des médecins maliens
Notons que s’il y a un secteur d’activités des plus sensibles dans un pays, c’est bien celui de la Santé.
C’est pourquoi, dans tous les Etats modernes, des efforts constants sont déployés pour mettre les médecins et autres agents de la Santé dans des conditions acceptables de travail.
Et, au Mali, personne ne peut nier les efforts forts remarquables que déploient nos plus hautes autorités, en faveur de la Santé Publique.
L’inauguration du service de l’accueil des urgences du CHU Gabriel Touré, la construction de l’hôpital régional de Sikasso, l’hôpital du Mali et de nombreuses autres structures (CESCOM et autres) à travers le pays en sont des preuves.
Cependant, combien de fois, par des bistouris maladroits, inexpérimentés et incompétents, des procédés anachroniques, nombre de patients ont rejoint leur dernière demeure ?
Combien, sont-ils, nos concitoyens “assassinés” par l’incompétence, l’irresponsabilité, la hâte de terminer un travail, souvent mal commencé, dans nombre de nos structures de Santé ?
Combien sont-ils, ces parents de patients morts (ou plutôt tués) dans nos différentes structures de Santé et qui se sont à jamais résignés, alors que, les leurs ont été arrachés à leur affection à cause de la négligence d’hommes et de femmes comme eux ?
En effet, les négligences dans l’exercice de la fonction médicale au Mali sont légion. Au point que, plusieurs patients ou leurs proches (nantis généralement) rechignent à aller dans nos structures sanitaires publiques.
Ils choisissent les cliniques privées. Très chères, mais tout de même, rassurantes.
Alors même que, nos médecins et autres agents de santé sont gracieusement et colossalement payés par l’Etat pour, non seulement accomplir la mission qui est la leur (apporter les meilleurs soins possibles aux patients), mais aussi, transmettre leurs expériences et savoirs aux internes [NDLR : étudiant en médecine]. Hélas ! La plupart des médecins maliens (surtout à Bamako) généralistes ou spécialistes n’exercent, depuis déjà des années, que dans leurs propres structures sanitaires (privées) pour y faire fortune. A noter qu’ici, les consultations sont dans les fourchettes de 6.000 F à 20.000 F CFA en moyenne.
Nul n’est au-dessus de la loi
Lorsque le patient prend rendez-vous avec ce docteur ou Professeur pour tel ou tel problème de santé, le porteur de cette blouse sacrée, se précipite pour lui dire « Viens me voir à la clinique. »
Et, sans aucune gêne, nombre de ces adeptes du “Serment d’Hippocrate”, se précipitent dans leurs véhicules (mal acquis généralement) avec sous le bras, des cartons de produits pharmaceutiques, souvent chipés à la pharmacie de “l’hôpital ou du centre de santé ; direction : sa clinique où l’attendent les riches patients.
Dans cette situation, lorsque l’autre patient, abandonné sur le grabat de l’hôpital public, venait à succomber pour défaut de soins diligents et qu’une action publique est lancée contre le criminel de médecin, les “blouses” montent au créneau pour clamer : «les praticiens subissent des tracasseries, voire des contraintes de corps accompagnées de campagnes médiatiques. Dès lors, il devient difficile de travailler car, il n’y a pas de sérénité»
De quelle sérénité et spécialisation peut-on parler, lorsqu’il y a fuite de responsabilité ?
Dieudonné Tembely
Boubacar Sankaré