Les Maliens étaient de retour aux urnes, hier dimanche 29 mars, pour élire les 147 députés de la 6e législature pour les cinq prochaines années. Deux fois reportées, ces élections législatives, qui s’inscrivent en droite ligne des résolutions du Dialogue National Inclusif, se tiennent dans un contexte particulièrement marqué par une insécurité grandissante dans le pays en proie également à l’épidémie de coronavirus. Et comme annoncé, le scrutin s’est manifestement caractérisé par une faible affluence des électeurs.
A mi-journée, selon l’observation de la synergie des organisations de la société civile et de la CNDH 93,3% des bureaux étaient ouverts, 98% des présidents de bureaux de vote également présents tout comme les assesseurs de la majorité et de l’opposition à 90%. Quant au matériel électoral, il était disponible à 97%.
En ce qui concerne les mesures de préventions contre le Coronavirus, toujours selon le rapport de la synergie des organisations de la société civile et de la CNDH, seul 87% des agents étaient protégés et seulement 2% des bureaux de vote équipés de désinfectants. Et si les 92% des votants désinfectent leurs mains à l’entrée et à la sortie des bureaux de vote, il n’existait pas d’affichage des gestes-barrières devant les bureaux et les bureaux de vote étaient désinfectés à 26%.
Par ailleurs, nos équipes de reportage ont fait état à la mi-journée midi, d’un calme révélateur dans les différents bureaux de vote. En effet, un vide de cimetière caractérisait les différents centres de vote visités où observateurs, agents électoraux et de sécurité étaient tous animés du besoin de mettre quelque entre leurs dents. C’était la désolation surtout du côté des parkers de motos. Oumar Touré, un tenancier d’un parking de Lafiabougou, explique que les recettes pouvaient atteindre jusqu’à 250 000 francs CFA par jour de scrutin et que rien ne lui annonçait plus du tiers de ce montant cette année.
Le Président de la République, à l’instar des membres du gouvernement, a accompli son devoir citoyen et en a profité pour inviter ses concitoyens à lui emboîter le pas dans l’observance des mesures sanitaires pour le bien de chacun et de tous. Sauf que les mesures préventives précédemment annoncées n’étaient point au rendez-vous. C’est en tout cas ce qu’a confié un électeur du centre de vote de l’école fondamentale Ismael Diawara de Quinzambougou, en CII. «On nous avait promis des mesures de sécurité pour prévenir le Covid-19, malheureusement ce n’est pas le cas. Les hautes autorités voulaient seulement la tenue de ces législatives, pour ce qui concerne notre santé ce n’est pas leur problème», a-t-il fulminé. Effectivement dans le bureau de vote concerné il n’y avait ni gants ni masques de protection mais seulement une bouteille de gels. C’est le même constat au centre Aminata Diop de Lafiabougou, en comme IV, où un président s’est vu dans l’obligation d’acheter lui même son gel.
Au titre de la participation, le taux moyen était de 17,2%, selon la synergie des organisations de la société civile et de la CNDH. Cette faible participation ne découle pas forcément d’une désaffection des urnes et de la chose politique chez les Maliens, mais fort probablement d’un instinct de survie qui eut raison des urnes. En effet, avec l’avènement des cas de Covid-19, les habitants de la capitale malienne, qui ne votaient déjà pas d’habitude, n’ont voulu prendre le moindre risque. Beaucoup d’entre eux, notamment des jeunes, ont préféré le confinement autour de leur traditionnel thé. Interrogés par nos soins, ils ont presque tous pointé du doigt la pandémie pour justifier leur posture. Cependant, certains sont allés très loin en accusant les plus hautes autorités de vouloir organiser ces législatives à tout prix.
En attendant, les premières tendances dont on disposait au moment où nous mettions sous presse, des incidents et dysfonctionnements ont émaillé le scrutin surtout au centre et au septentrion du pays. On peut en effet noter qu’il n’a pas eu de vote bdans la commune de Sarayémou (cercle de Diré), les villages de Kalengué et Rabédjé (commune de Soboundou), dans la commune de Banikane (cercle de Niafunké) et les communes de Hamza Coma et Séréré (cercle de Gourma Rharous) ainsi que dans plusieurs villages et hameaux de Bankass. Les électeurs des villages de Ndiogué, Goundam-Touskel et Babdengo dans la commune de Soboundou (cercle de Niafunké) ont été empêchés de voter par des groupes armés.
Au centre, on n’a pas voté au village de Ngomi dans la Commune de Socoura (cercle de Mopti) ou encore dans celle de Ouatagouna (cercle d’Ansongo). Un camion a sauté sur une mine à N’gorkou (cercle de Niafunké) faisant 12 morts. Le chef du village de Kalengué (cercle de Niafunké) et le président du bureau de vote de la localité ont été enlevés dans la foulée. L’accès des bureaux de vote a été refusé également aux observateurs du POCIM à Kidal.
Il y’a eu par ailleurs des cas d’achat de conscience à la pelle à Yirimadio, au centre de vote de 759 logements, ainsi qu’à Lafiabougou au centre Aminata Diop. Au centre de Missira, en commune II du district de Bamako, par contre un électeur qui, de surcroît se trouve être un assesseur avait plusieurs cartes d’électeurs en sa possession. Les responsables ont été arrêtées par les FAMAS pour être remis à la justice.
En définitive, on peut conclure que le scrutin d’hier aura été surtout entaché par la faible mobilisation à Bamako ainsi que dans toutes les grandes villes dont les échos nous sont parvenus. On peut donc s’attendre à un taux de participation beaucoup moins enviable dont la conséquence serait d’avoir une législature moins légitime que celle qu’on a voulu remplacer à tout prix.
Amidou Keita