Le monde entier est confronté à une grave crise due à la pandémie Covid-19 qui continue de gagner du terrain en Afrique. Son impact sur les femmes, en particulier, suscite des inquiétudes. Au Mali, les femmes qui sont les plus pauvres voient leur pouvoir économique baissé considérablement. En raison de cette pandémie, elles accèdent difficilement aux services de santé et le nombre de violences basées sur le genre ne cesse de croître.
L’Association femmes Leadership et Développement Durable(AFLED) et la Fédération Nationale des Collectifs d’Organisations féminines du Mali (FENACOF) attirent l’attention des Décideurs sur les répercussions de la Covid-19 à l’endroit des femmes et filles maliennes. Cette interpellation s’inscrit dans la mise en œuvre des activités des Initiatives COVID-19 du Projet Voix et Leadership des Femmes (VLF-Musoya) financé par le CECI-Canada, à travers SOCODEVI.
Selon une récente étude du PNUD (juin 2020), la récession économique globale et ses conséquences sur l’économie nationale vont entraîner une chute anticipée de la croissance du Produit Intérieur Brut de plus de 80%. Celle-ci va passer de 5% à 0,9% en 2020. Une augmentation brutale des pertes d’emploi est observée, en particulier dans les secteurs tertiaires et secondaires. Les mesures d’appui à l’économie, particulièrement pour les petites entreprises, risquent d’être insuffisantes pour mitiger l’impact de la crise. La crise économique va augmenter la pauvreté et le nombre de personnes en besoin d’assistance alimentaire va croître à court terme. La Covid-19 approfondit la vulnérabilité des femmes et leur résilience dans un contexte de crise sécuritaire auquel s’ajoute une crise sanitaire.
Les femmes sont plus affectées que les hommes dans la mesure où elles évoluent, majoritairement, dans le secteur informel. Qu’elles soient restauratrices, vendeuses « ambulantes » ou dans les marchés, actives dans le commerce transfrontalier, les femmes subissent les effets de la crise économique liée à la Covid-19.
Selon le Directeur Général de l’OMS, Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, la pandémie fragilise encore plus les perspectives de développement du capital humain. En effet, la forte mobilisation des agents et services de santé a des conséquences sur la vaccination, la santé maternelle et la santé reproductive.
Les femmes et les enfants ont déjà du mal à accéder aux services de santé, les effets de la Covid-19 touchent durement celles qui courent un risque accru de perdre la vie, lié aux complications de la grossesse et de l’accouchement. En raison de la crise, plusieurs établissements de santé peinent à maintenir les services essentiels.
Les experts en santé sexuelle et reproductive sont unanimes sur l’inaccessibilité des services de santé. Selon Dr. Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la Population : « Pour des millions de femmes, les soins de santé maternelle de haute qualité n‘étaient pas disponibles en temps voulu : ils étaient inaccessibles ou ils n‘étaient pas abordables. Et maintenant, avec la pandémie, nous assistons à une exacerbation de l’accès déjà limité aux soins, mettant en danger la santé et la vie des femmes”.
Par ailleurs, les distanciations physiques, les longs séjours à domicile et la crise économique ont contribué à exposer d’avantage les femmes aux violences domestiques. Au Mali, la Violence Basée sur le Genre (VBG) est très répandue, systémique et culturellement ancrée. Selon EDSM-VI 2018 (Enquête Démographique et de Santé-Mali, 2018), près de la moitié des femmes (49 %) de 15-49 ans en union ou en rupture d’union ont subi, à n’importe quel moment de leur vie, des actes de violence émotionnelle, psychologique, physique et sexuelle. Parmi les femmes qui ont subi des violences physiques ou sexuelles, 68 % n’ont jamais recherché d’aide et n’en ont jamais parlé à personne. Pour mars 2020, 304 cas de VBG ont été rapportés, avec une forte proportion de violences sexuelles (25%) dont 15% de viol et 10% d’agressions sexuelles.
Face à cette situation alarmante, la réponse apportée par l’Etat s’adresse au secteur formel avec peu de précisions sur la part attribuée aux femmes. Au regard des difficultés spécifiques rencontrées par les femmes dans cette crise sanitaire, il semble opportun pour l’Etat d’apporter des réponses pour ces millions de femmes dont la vulnérabilité et la résilience sont fragilisées. En outre, les services de prises en charge de la santé maternelle doivent recevoir les femmes en état de grossesse et maintenir les services d’accès à la contraception. Il est important aussi de sensibiliser les hommes et les communautés par rapport aux rôles qu’ils doivent jouer pour prévenir les violences. La crise économique, les tensions et les défis de l’heure ne peuvent être des prétextes pour martyriser les femmes. Les services de sécurité et de protection de l’Etat doivent redoubler d’efforts pour faire face à la multiplication des violences basées sur le genre.
AFLED et Fenacof