Pour éclairer l’opinion nationale et internationale sur le rapport du Fonds mondial de Lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose, concernant la prévention et le soin du VIH/SIDA au Mali, publié le 06 octobre courant, l’ARCAD-SIDA et le Groupe Pivot Santé population ont animé une conférence de presse, hier mardi 14 octobre 2014. C’était au Grand Hôtel avec comme animateurs la présidente de l’Association de Recherche de Communication et d’accompagnement à Domicile des personnes visant avec le VIH et le SIDA (ARCAD-SIDA), Dr. Dembélé Bintou Kéita, le président du Groupe Pivot Santé population, Dr. Souleymane Dolo, le représentant du Haut Conseil National de Lutte contre le Sida, Dr. Youssouf Diallo…
En fait, ledit rapport du Fonds Mondial porte sur l’accord de doncodifié sous le numéro MAL-405-G02-H connu sous l’appellation “Subvention Fonds Mondial Round 4 VIh” et a porté sur le financement de l’expansion des réseaux intégrés de prévention et de soin du VIH/Sida et des maladies sexuellement transmissibles dans la capitale et dans les différentes régions du Mali. Les activités y afférentes ont été exécutées de 2005 à 2010 à travers deux phases de 2 ans, puis 3 ans, avec un budget de 452 millions de dollars US. La convention a été mise en oeuvre par le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida comme récipiendaire principal avec 3 récipiendaires secondaires que sont :
– ARCAD-SIDA et ses 14 sous-bénéficiaires que sont des associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA;
– la cellule sectorielle de lutte contre le SIDA du Ministère de la Santé et ses 9 sous bénéficiaires que sont la plupart des structures publiques;
– et le Groupe Pivot Santé population et ses 39 sous bénéficiaires que sont 37 ONG nationales, santé sud et le réseau des intervenants auprès des orphelins et enfants vulnérables;
Le système de gestion des fonds de subvention mis en place par le HCNLS a utilisé un cabinet d’expertise comptable à titre d’agence de gestion financière et une agence de gestion de contrats pour faire les passations de marchés et suivre les contrats durant la première phase.
Le processus qui a duré de 2010 à 2014, entre le début des investigations et la publication du rapport, a placé le Mali sous “mesures de sauvegarde additionnelle des fonds”. Selon les explications des conférenciers, avant la publication de ce rapport, le Fonds Mondial avait porté des accusations sur la gestion des subventions VIH en annonçant des montants faramineux qui auraient été détournés par les acteurs de mise en oeuvre.
DES FACTURES SUPPOSÉES NON CONFORMES D’UNE VALEUR DE PLUS DE 2 MILLIONS US DOLLARS
Les conclusions du rapport font ressortir un montant final injustifié de 3.050 dollars US soit 0,007 % du budget, des factures supposées non conformes d’un montant 2.207.055 dollars US soit 4,88 % du budget. Selon les explications des conférenciers, ces opérations dites non conformes font généralement l’objet de recommandations d’amélioration du système de contrôle interne, mais ne sont pas considérées comme détournement ou autres utilisations frauduleuses.
Il convient de noter que le bureau de l’inspection générale du Fonds Mondial (BIG) a jugé “irrégulière” une grande partie de ces opérations parce que : n’ayant pas pu entrer en contact avec les fournisseurs et prestataires pour les raisons suivantes :
– la détérioration de la situation sécuritaire à partir de 2012 ne permettant pas les visites des équipes du BIG sur le terrain;
– les changements de numéro de téléphone;
– les déplacements et changement ou cessation d’activités (faillite, décès…)…
Aussi la mise en oeuvre ainsi jugée irrégulière devrait-elle faire l’objet de points de recommandations d’amélioration du système de contrôle interne dans l’architecture d’exécution et non confondue à une volonté manifeste d’utilisation frauduleuse des dons aux populations pendant que les résultats extraordinaires sont salués par tous les partenaires à tous les niveaux.
Enfin, il faut rappeler que l’instance de vérification financière officielle de la République du Mali a fait les mêmes enquêtes de vérification sur la même subvention en se rendant sur le terrain, jusque dans les zones d’exécution les plus reculées et a confirmé l’exécution réelle des activités. Selon les conférenciers, les accusations du Fonds mondial à partir de 2010 ont eu pour conséquences entre autres de déshonorer le Mali et ses instances de mise en oeuvre de programmes de santé au profit des populations avec des allégations de type “la fraude est systémique au Mali”:
– faire perdre à la société civile malienne sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds;
– fermer plus d’une cinquantaine d’ONG et Association maliennes œuvrant pour le bien-être des populations avec des résultats salués techniques et financiers sur plus de 20 ans;
– mettre au chômage plus d’un millier de chefs de famille;
– déstructurer l’architecture de la lutte contre le SIDA au Mali;
– démobiliser les acteurs nationaux, notamment ceux de a société civile;
– arrêter les appuis directs aux patients (AGR, repas quotidiens, aide scolaire, etc);
– régression des résultats (A1 à B1 selon la notation du Fonds mondial) et perte des acquis en matière de lutte contre la maladie.
Toujours aux dires des conférenciers, un comité de relecture a été mis en place par le Fonds mondial pour revoir les montants annoncés dans le présent rapport et examiner les correctifs à apporter. Il convient également de préciser que le BIG du Fonds mondial a considéré que la cause fondamentale des irrégularités exposées dans son document résidait dans la faiblesse du dispositif de contrôle au sein duquel les récipiendaires de la subvention ont exercé leurs activités.
Le Bureau du Vérificateur Général a, lui, mis en exergue “la question fondamentale d’adéquation du système de gestion mis en place avec l’environnement général dans lequel évoluent les acteurs concernés”. Les conférenciers ont soulevé le problème selon lequel les exigences de transparence du bailleur ne sont pas toujours compatibles avec le tissu socio-économique du pays, qui est essentiellement composé d’acteurs non alphabétisés et travaillant dans l’informel.
En conséquence, vu que les irrégularités relevées sont du ressort du contrôle interne et que les résultats programmatiques sont satisfaits à tous les niveaux, le HCNLS, l’ARCAD-SIDA, le Groupe Pivot Santé populations ont joint leurs voix pour inviter les autorités nationales, les partenaires techniques et financiers ainsi que les populations à une redynamisation de la lutte contre le SIDA, à travers la mise en place d’un Fonds national au profit de la lutte contre le SIDA alimenté par les ressources internes.
Modibo KONÉ