Nommé le 5 décembre 2010, en remplacement de Oumar Ibrahima Touré éclaboussé et chassé du gouvernement sous la pression du Fonds mondial, le ministre de la Santé, Dr Badara Aliou Macalou, que le personnel de santé avait commencé à adopter, est en train de décevoir les attentes placées en lui, notamment par de hauts responsables de son département. En effet, le nouveau ministre est en train, comme si sa nomination avait été plus qu’une surprise, de soumettre les directeurs de service à un véritable supplice et les malades, dans les hôpitaux et autres Centres hospitalo-universitaires (CHU), à une attente insupportable et vaine. Résultat : les CHU sont paralysés, durant de longues heures, à cause de la présence de leurs premiers responsables au Cabinet du ministre pour des réunions qui n’en finissent pas.
Si le Fonds mondial n’avait pas tapé du poing sur la table, l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, qui a d’ailleurs laissé le pays dès le lendemain de son départ forcé du gouvernement, serait certainement toujours en poste. Mais ce départ précipité aurait quand même fait un heureux : Dr Badara Aliou Macalou, ministre de l’Intégration africaine et des Maliens de l’extérieur, dont les mauvaises langues disent qu’il a toujours nourri le rêve secret d’occuper, un jour ou l’autre, le portefeuille de la Santé. Ce rêve sera ainsi exaucé le dimanche 5 décembre 2010. Quant à son prédécesseur, il a été remercié avant l’arrivée, le même jour dans la soirée, d’une mission de haut niveau du Fonds mondial conduite par Dr Urban Weber, Directeur de l’Unité Europe de l’Est, Amérique Latine, Afrique du Nord et Moyen-Orient et comprenant également Dr Magdi Ibrahim, Gestionnaire de Portefeuille Mali au Fonds mondial et Mehdi Ben Ammar, Programme Officer. C’est cette équipe qui a scellé le sort de Oumar Ibrahima Touré qui, aux dires du président ATT, lors de la cérémonie de présentation des vœux de la presse au chef de l’Etat, le lundi 27 décembre dernier, " a démissionné pour éventuellement " répondre devant la justice.
Si Dr Badara Aliou Macalou a bien pris fonction, dès le 7 du même mois, force est de reconnaître que Oumar Ibrahima Touré, dont une quinzaine d’anciens collaborateurs parmi lesquels l’ex-DAF et homme de confiance, Ousmane Diarra, croupissent en prison, serait en train de se la couler douce au bord de la Seine, à Paris. D’où il ne court aucun risque de rencontrer, un jour ou l’autre, le procureur anticorruption Sombé Théra. Et pourtant, au Mali l’homme est réclamé par la justice. Car, le procès des personnes inculpées pourrait difficilement se tenir sans le principal présumé coupable, à savoir l’ex-ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, dont des détenus réclament, d’ailleurs, la tête pour pouvoir sauver la leur. Pour le moment, peine perdue.
La santé loin de sortir de l’ornière
Aujourd’hui, le dossier Fonds mondial est loin de connaître son épilogue. Les malades du Sida commencent à manquer d’ARV suite au gel des décaissements du Fonds mondial. Au lieu donc de s’atteler à la résolution de cette crise qui continue à dérégler le secteur de la Santé, le nouveau ministre est en train de perdre son temps, et celui des autres, à des réunions interminables à laquelle sont obligés de participer tous les directeurs de service placés sous son autorité. Pour quel résultat ? Presque nul.
Selon un haut responsable de la Santé, ces réunions, qui commencent souvent le matin pour se terminer dans l’après-midi, sont en train de porter préjudice aux malades car ceux-ci sont parfois obligés d’attendre, des heures durant, les directeurs de service, qui exercent aussi dans leur établissement en qualité de spécialistes. Comment comprendre que des directeurs soient astreints à la corvée d’un Conseil de cabinet qui, comme son nom le dit si bien, ne concerne que les membres du Cabinet et du Secrétariat général, à savoir le chef de cabinet, le secrétaire général, les conseillers techniques et les chargés de mission. Si le ministre Macalou ne le sait pas, il serait utile de lui faire savoir que son prédécesseur avait libéré les directeurs de service de cette corvée de l’examen, par exemple, des dossiers du Conseil des ministres, qui prend souvent une journée entière sous la présidence du ministre lui-même, et du débriefing de ce même Conseil, le lendemain dans la soirée.
La santé n’étant pas un petit département comme l’est l’autre ministère que Dr Macalou dirige également, il est inutile, voire nuisible de convoquer les cadres pour de telles réunions réservées, en principe, aux seuls membres du Cabinet du ministre. Dans les petits départements, le ministre peut se permettre de vouloir mettre tout le monde au même niveau d’information, mais à la Santé, cela serait assez ridicule vu l’énormité de la tâche qui est celle de tous les directeurs et chefs de service.
Personne n’apprendra quand même au ministre de la Santé, lui-même médecin et clinicien, que c’est dans la matinée surtout que la présence des directeurs et chefs de service est plus que sollicitée. Pourquoi choisir, alors, cet instant pour éloigner ceux-ci de leurs services, là où les attendent les malades. Certains parmi ceux-ci arrivant dès 5 heures du matin pour ne pas rater leur rendez-vous. C’est dire combien la " Méthode Macalou " de gestion des cadres et surtout celle des directeurs et chefs de service se trouve aujourd’hui décriée. Certains hauts responsables, qui ont naturellement requis l’anonymat pour des raisons fort compréhensibles, ne cachent plus leur exaspération face à ce qu’ils considèrent comme une perte de temps énorme au détriment de la santé de leurs malades. Car, à part les réunions qui ont été multipliées et rallongées, des hauts cadres de la Santé qui nous ont approchés se demandent réellement qu’est-ce qui a changé depuis l’arrivée au gouvernail de Dr Badara Aliou Macalou ? Au contraire, le moral du personnel, qui avait commencé à se relever, est tombé d’un cran. Le carburant et les autres avantages accordés audit personnel se faisant rare comme l’eau de pluie en ces temps-ci. Comme par le passé, quand tout était réservé d’abord à la satisfaction des desiderata du patron qui, à l’époque, menait un train de vie princier. Tel est loin d’être le cas pour Dr Macalou qui apparaît plutôt sobre et simple. Mais sa maladresse serait de faire perdre leur temps aux cadres par une réunionite d’un temps révolu.
C’est en tout cas, le moment d’écouter la voix de ces hauts responsables qui finiront, tôt au tard, de se faire remplacer (ce que le ministre n’accepte pas) afin d’éviter de soumettre les pauvres malades au supplice des interminables réunions dénoncées par tous.
Ainsi, la trentaine de directeurs de service, convoqués au Cabinet pour un oui ou pour un non, pourront souffler un peu. Quant aux malades, qui souffrent déjà le martyr du fait de cette réunionite, ils pourront, si Dr Macalou adhèrent à cette relecture obligatoire de ses méthodes, également être vite examinés. A défaut, pour l’instant, d’un assouplissement de la " Méthode Macalou ", c’est tout le secteur de la Santé qui continuera d’en pâtir. Et la faute reviendra surement au ministre de la Santé qui semble, malheureusement, manquer de pragmatisme dans la gestion du personnel dirigeant de la Santé. Ce qui fait que le ministre Macalou se trouve aujourd’hui décrié, au sein de son propre département sans que lui-même ne s’en aperçoive.
Mamadou FOFANA
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