Parlons de la grève, la question la plus délicate qui se pose à nous, surtout celle des médecins avec sa cruelle réalité et ses répercussions sur les couches les plus vulnérables de notre Société, les pauvres, ceux qui ne peuvent se payer des soins en clinique ou à la première alerte se rendre en Tunisie, au Maroc ou même en France, en Turquie, et j’en passe encore. Pas moins dramatique celle qui touche à répétitions le milieu scolaire depuis des lustres et dont on sait les conséquences sur la qualité de la formation, faisant de nos écoles de véritables usines à gaz avec des diplômes pour la plupart voués au chômage ou à des emplois sous qualifiés, sauf ceux qui, le népotisme aidant, viennent gonfler le rang de ces responsables incompétents qui sont une véritable calamité. Analyse !
Il ne nous appartient pas de condamner ou d’approuver une grève, mais il est sûr qu’une décision aussi extrême et lourde de conséquences pour toute la Société, y compris les grévistes eux-mêmes et leurs familles, ne peut être prise à la légère ou sur un coup d’humeur par ses décideurs et meneurs, ni même par une quelconque hostilité vis à vis du pouvoir. Les grèves sont reconnues par la loi et sont un moyen légitime pour une corporation de revendiquer ses droits. Peu importe ses protagonistes, et même lorsqu’elles mettent en cause des intérêts privés entre des employés contre une société privée, ces grèves ont néanmoins un impact social qui pousse tout état responsable à intervenir pour contribuer à la recherche d’une solution équitable.
Pour revenir à la situation qui nous hante tant l’esprit, avec toutes ces images cruelles et ces cris de détresse qui parviennent à nos impuissantes oreilles, on est néanmoins surpris par le blocage de la situation qui donne l’impression d’une guerre des ego plutôt que d’une réelle volonté de parvenir à une solution satisfaisante qui soulagerait les bénéficiaires d’un service public aussi vital que celui de la santé. Le problème est encore plus alarmant dans le cas d’une grève illimitée, la plus extrême décision que des responsables syndicaux peuvent prétendre et qui ne devrait en aucun cas s’analyser en un jusqu’auboutisme ni en une volonté de répondre définitivement les négociations. Cette mesure intervient toujours après une première grève dite d’avertissement et son caractère infructueux. Cela a été le cas pour les magistrats, et maintenant les médecins leur emboîtent le pas et cet exemple risque d’être suivi par bien d’autres si des mesures d’apaisement et de l’assainissement de l’atmosphère sociale n’étaient vite prises par les autorités.
Pour ma part il m’est difficile de voir le pouvoir se montrer moins intransigeant avec des rebelles qui foulent aux pieds toutes nos valeurs, se livrent à des actes cruels, au banditisme le plus abject tel que le narcotrafic, qu’avec ses citoyens qui par la voie pacifique cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail, et sont prêts certainement en raison de la difficile conjoncture que le pays traverse à se contenter du minimum.
Pour le cas des magistrats, on s’est bien rendu compte que le temps sur lequel on comptait pour fléchir la détermination des grévistes n’a servi en rien, ni même l’intermédiation de toutes ces forces d’appoint, religieux, griots et autres. Les maliens, tout comme les magistrats grévistes, ont été surpris de l’absence de réactivité du gouvernement qui a peu apprécié cette gifle, un crime de lésé majesté qui vient ternir l’événement grandiose, le plus marquant après l’indépendance, l’inoubliable sommet France Afrique dont la brillante réussite nous fait entrer dans le cercle ferme des pays les plus en vue. Le Gouvernement a bien fini par se résoudre à négocier. Le même scénario intervient, et l’acteur gouvernemental, loin de se douter que le temps joue en sa défaveur, et qu’il est tout aussi moralement responsable de tout ce gâchis humain que les grévistes qui, le dos au mur, n’ont d’autre choix que de continuer à défaut d’une porte de sortie honorable. Comme avec les magistrats, et malgré des positions jugées inconciliables au départ, les deux parties ont bien fini par attendre, et rien n’interdit de penser que la même chose puisse se reproduire avec les médecins.
Il ne s’agit pas pour le Gouvernement de céder à un quelconque diktat, mais seulement d’entendre la voix de la raison et de prendre ses responsabilités pour trouver une issue raisonnable à cette tragédie. En négociant, le pouvoir, loin de faire montre de la moindre faiblesse y gagnera certainement en crédibilité, et ce sera plutôt faire preuve d’une grande force de caractère en surmontant son ego et en mettant avant tout en avant son attachement à l’intérêt national.
En définitive, il est malheureusement clair que le Gouvernement aura à faire face à une recrudescence des revendications tant qu’il y’aura cette distorsion entre les déclarations sur une santé florissante de notre économie et la précarité qui touche les couches socio professionnelles, et tant que le gouvernement ne réduira pas son train de vie.
TAPO ABDOULAYE GARBA
Avocat au barreau
Ancien ministre