Gratuité de la Césarienne : De la poudre aux yeux ?

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Depuis un bon bout de temps, la pratique de la césarienne a été déclarée gratuite dans notre pays. Ce qui a apporté une véritable bouffée d’oxygène aux Maliens qui, en général, avaient du mal à faire face aux frais de cette intervention chirurgicale. D’ailleurs, nombreuses sont les femmes qui ont subi une telle intervention et qui y ont « laissé leur peau », faute de moyens. Mais qu’en est-il réellement de nos jours?

Selon la loi, la césarienne est gratuite en République du Mali. Mais sur le terrain, cela se passerait  tout autrement. A en croire des usagers de la plupart des centres de santé, surtout ceux de l’intérieur du pays, la césarienne est loin d’être gratuite.  Selon eux, une fois le patient admis à l’hôpital ou au centre de santé pour une question de césarienne, le médecin se contente de faire une prescription, comme d’habitude. Ensuite, il la remet à l’accompagnateur du patient qui est sommé d’aller se procurer des médicaments de la prescription sans lesquels l’opération n’aura pas lieu. Le montant déboursé à cet effet s’élèverait à 30 000 ou 40 000 FCFA.

Ainsi s’explique de nos jours le retard des interventions dans certains cas, et dans d’autres cas, la mort de patients devant subir une césarienne. Et ce ne sont pas les Centres de santé de référence des communes V et VI qui diront le contraire, d’autant plus que beaucoup de personnes ont payé la totalité des médicaments entrant dans le cadre de la prise en charge de leurs conjointes devant subir une césarienne, tandis que  d’autres ont du entreprendre toutes sortes de démarches pour subvenir aux frais de prise en charge. C’est dire qu’en ce qui concerne le traitement de la césarienne, les tracasseries ont tout simplement repris de plus belle dans nos centres de santé.

A en croire nos sources, dans les centres régionaux de santé, la grande partie des populations n’est même pas informée sur la gratuité de la césarienne. Aussi, pour être traitées, elles sont obligées de mettre toujours la main dans la poche, comme d’habitude. Au Mali, on aura tout vu…

A la question de savoir si la césarienne est gratuite, on répond officiellement « oui ». Ce « discours » est utilisé partout, mais dans la réalité, c’est autre chose. Selon des sources concordantes, les usagers paient d’ailleurs plus qu’avant. Ce qui a amené plus d’un usager à penser que cette faveur de l’Etat à l’endroit des femmes n’est qu’un grand leurre.

Aujourd’hui, la confusion est totale. Ce qui fait que les parents des personnes devant subir la césarienne ne se posent plus de questions : ils mettent la main à la poche sans hésiter. Pour eux, l’essentiel, c’est de sauver leur parent. Pourtant, à en croire nos sources, chaque personne devant subir une césarienne a droit à tous les médicaments qu’on appelle « kits césarienne ».

Dans ce cas, que fait-on des kits de la césarienne ?

Pour en savoir plus sur la gratuité de la césarienne, nous avons approché le Directeur médical de l’hôpital Gabriel Touré, le Professeur Kassoum Sanogo qui a informé qu’avant la gratuité de la césarienne, lorsqu’une femme enceinte arrive à l’hôpital pour accoucher, et en cas de césarienne, le médecin prescrivait tout simplement une ordonnance. Une ordonnance qui était le plus souvent payée en retard faute de moyens. « Ce retard a fait perdre la vie à des dizaines de femmes et d’enfants au Mali. Dans d’autres cas, on enlève l’utérus de la femme. Toute chose qui a engendré pas mal de divorces dans le pays », a précisé le Professeur Sanogo.

Ainsi, pour réduire la mortalité maternelle et infantile, l’Etat a décidé de rendre la césarienne gratuite. Mais avant l’application de cette décision, les gynécologues ont élaboré un paquet minimum dit « kit césarienne » qui est supportable par l’Etat. Bref, tout juste ce qu’il faut pour sortir rapidement l’enfant du ventre de sa mère.

Toujours selon le Professeur Sanogo, l’objectif de la césarienne gratuite n’est pas de traiter l’enfant ou la mère, mais, de faire sortir l’enfant du ventre de sa mère. « La gratuité de la césarienne se limite à l’acte opératoire. En effet, une fois la césarienne effectuée, la femme et son enfant deviennent des patients ordinaires comme les autres. Ce qui doit être compris par l’opinion nationale qui en réalité pense qu’en cas de césarienne, l’Etat doit prendre en charge le traitement avant et après l’opération. Ce qui fait que des usagers n’hésitent pas de s’en prendre au médecin qui n’est qu’un tricheur à leurs yeux », a ajouté le Professeur.

A notre avis, le déficit de communication se trouve à la base de la colère des usagers de nos hôpitaux. C’est pourquoi leurs plaintes par rapport à la gratuité de la césarienne ne peuvent être que des souhaits que l’Etat ne peut réaliser pour le moment.« En ce qui concerne le traitement avant et après l’opération, il doit être pris en charge par le patient ou ses parents », a précisé le directeur médical de l’hôpital Gabriel Touré. Avant d’ajouter que « même le séjour hospitalier en cas de césarienne doit être pris en charge par le patient car cela aussi ne fait pas partie de la gratuité de la césarienne ». Par ailleurs, le directeur médical a indiqué que la gratuité de la césarienne a sans doute considérablement réduit la mortalité maternelle et infantile. Toute chose qui constitue un grand pas accompli dans le domaine sanitaire dans notre pays envié pour cela par beaucoup de pays africains.

Ce qui est sûr, c’est que la gratuité de la césarienne est loin d’être comprise par les populations. D’où l’urgence de mener des campagnes d’information partout dans le pays.

Jean Pierre James

 

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