Gouvernance et santé publique : Il urge d’arrêter le désordre dans la distribution des matériels médicaux

0
Mme le ministre de la Santé,Marie M. TOGO

Les règles les plus élémentaires ne sont pas respectées  dans le secteur de la vente des matériels médicaux : des non-pharmaciens vendent des médicaments, des médecins responsables de cliniques s’improvisent vendeurs de ces matériels. Des fonctionnaires d’Etat, dirigent des structures de vente privée… Un désordre auquel il faut mettre fin.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreux secteurs économiques se métamorphosent, grâce à l’essor d’internet, à la grande diversification des offres des fabricants, et à la concurrence des opérateurs locaux.

La distribution de matériel médical est la caricature même de ce phénomène.

Les hôpitaux, structures de santé et cliniques privées trouvent leur bonheur dans cette concurrence, la qualité des produits et les prix devenant très diversifiés.

L’intérêt du malade est bafoué, alors que c’est bel et bien lui qui devrait en premier bénéficier de ces nouvelles opportunités. Il ne sait dans quelles conditions sont réalisées les analyses médicales et ne connait pas la valeur des résultats qu’on lui fournit. La déontologie n’a plus sa place.

Aucune compétence spécifique n’est requise pour vendre du matériel médical ou des produits pharmaceutiques au Mali. Le citoyen lambda exerce en toute tranquillité. Force est de constater que les règles, établies par l’ordre national des pharmaciens, sont bafouées.

Si certaines sociétés de vente de matériel médical, établies depuis plusieurs années, sont réputées et crédibles, les « bana bana » (vendeurs ambulants sans aucune compétence) ont aussi une large place dans cette activité. Mais, ne leur demandez surtout pas ce qu’est la chaîne du froid !

Les règles les plus élémentaires ne sont pas respectées : des non-pharmaciens vendent des médicaments, des médecins dirigeants de cliniques s’improvisent vendeurs de matériel. Des fonctionnaires d’Etat, dirigent des structures de vente privée. Certains participent même aux appels d’offres de la structure étatique qui les emploie ! Et des employés volent leurs propres services pour revendre les produits à des distributeurs. La boucle est bouclée !

Depuis plusieurs mois, l’ordre national des pharmaciens a décidé de mettre les règles en application, alors qu’elles étaient ignorées depuis 2 décades.

On dépoussière les lois No 85-41/AN.RM et 86-36/AN.RM, les décrets No 91-106/PRM et 92-050/PRM ainsi que l’arrêté No 0712.

Ces textes ne sont même pas maîtrisés par qui que ce soit, leurs interprétations diffèrent, ils ne sont pas appliqués de manière identique pour tous. Que le plus influant gagne !

La concurrence n’étant pas la bienvenue pour tout le monde, tous les coups sont permis pour écarter un concurrent. Les délations ont la cote ! Les abus de pouvoir aussi ! Les manipulations, les dénonciations, puis les menaces, suivies de mises en demeure, pleuvent ! Savamment orchestrées ! Toutes exhibant l’article 34 du Décret No 91-106/PRM.

Agrément, licence, les mots sont sur toutes les lèvres. Ainsi que les fameux réactifs de laboratoire, Le produit que le pharmacien ne connaît même pas mais s’est auto-désigné à en fixer les règles de vente.

Bon nombre d’opérateurs du domaine ne sont pas favorables à ces règles, qui confèrent pouvoir aux pharmaciens. Alors qu’un biologiste connait davantage les analyses de laboratoire et les réactifs qui servent à les mettre en œuvre, qu’un pharmacien.

D’autres dirigeants peu scrupuleux ne recrutent un pharmacien que pour sauver les apparences, et ne versent pas les dividendes à leur employé le moment venu. Il est même arrivé qu’une structure exerce ses activités avec l’agrément d’un pharmacien décédé ! Plusieurs cas ont été portés en justice.

Pour les néophytes : l’agrément d’un pharmacien (son diplôme en quelque sorte) permet l’obtention d’une seule licence. Un pharmacien fonctionnaire engage son agrément avec l’Etat et ne peut donc l’engager en parallèle dans une structure privée. En théorie.

La théorie, OUI, la pratique, NON.

L’arrêté no 0712 du 12 Mars 2014 limite le nombre de licences de distribution de produits pharmaceutiques du groupe C à 1 pour 250.000 habitants. Disons une dizaine pour la ville de Bamako. Le quota est déjà explosé !

Second petit détail : tout détenteur de licence (du groupe C) n’exerçant aucune activité liée (distribution de produits pharmaceutiques) pendant deux années consécutives, peut se la voir retirer, afin qu’elle soit attribuée à une autre société qui en aurait réellement besoin.

Pure théorie, application zéro.

Depuis un an, c’est le remue-ménage dans les rangs de l’Ordre national des pharmaciens. Chacun choisit son camp. Mais aucune voix officielle n’a mis fin à ce capharnaüm, ni même tenté de calmer le jeu. Dieu seul sait jusque à quand ce désordre va durer.

B D S

Commentaires via Facebook :