A l’hôpital Gabriel Touré, des informations font état d’une rupture en consommables et en produits d’anesthésie. Au même moment, il est rapporté une panne de 11 machines au centre de dialyse de l’hôpital du Point G. Si à l’hôpital Gabriel Touré la rupture de produits indiqués est avérée, pour le cas du centre de dialyse du CHU Point G, il s’agit de fausses rumeurs, démenties par les responsables du service de néphrologie.
Structure hospitalière de dernière référence au Mali, l’hôpital Gabriel Touré, est de loin l’établissement le plus sollicité du pays. Lors de la crise sécuritaire au nord, il a accueilli 80% des blessés de guerre enregistrés dans les rangs de l’armée. Ce qui atteste de toute son importance dans la chaine hospitalière du pays.
Le syndicat accuse
Malgré l’existence de centres de santé communautaires et/ou de référence dans les quartiers et communes du District, ils sont nombreux ceux qui sans passer par ces structures à la base, se rendent directement au Chu Gabriel Touré, convaincus d’y bénéficier d’une meilleure prise en charge. Un état d’esprit qui contribue à créer un engorgement au Gabriel Touré.
Aux environs de 8h, mardi dernier, lorsque nous nous sommes rendus dans cette structure, c’était toujours la même affluence et un incessant va et vient des usagers. Ici, c’est un père, ordonnance en main, qui fonce vers la pharmacie pour trouver des médicaments prescrits à son épouse malade. Là, ce sont des gens, qui, en dehors des heures de visite, négocient leur passage avec le portier. Sans oublier toutes ces personnes qui attendent (on ne sait qui) des heures durant sur les bancs dans la salle des entrées.
Dans ce tohu-bohu, il y a aussi ceux qui font le pied de grue devant le guichet de la Canam, pour bénéficier des facilités de l’AMO (Assurance maladie obligatoire). Mais, dans cette foule immense, ils sont certainement rares à s’attendre, au bout de tant de débauche d’énergie, à ce que la prise en charge de leur parent, collègue ou ami malade, soit ajourné pour cause de rupture de produits d’anesthésie ou de consommables comme l’alcool ou le coton.
Pourtant, c’est bien ce qui a désagréablement surpris ces jours-ci les usagers du CHU Gabriel Touré. L’hôpital, depuis plusieurs jours, tourne au ralenti par manque de consommables. Une situation face à laquelle certains n’ont pu contenir leur colère. Chez les usagers, chacun exprime son humeur. Pour les uns, la cause réside dans la négligence des responsables de la structure. «C’est la mauvaise gestion », incrimine un autre. «Comment un grand hôpital comme le Gabriel Touré peut justifier une rupture d’alcool ou de coton. C’est le monde qui s’effondre ou quoi ?», vocifère un accompagnateur de malade qu’un infirmier tentait de calmer. «C’est une autre surprise que nous réservent ceux qui nous ont promis « Le Mali d’abord » », ridiculise un autre jeune avant de s’interroger : «l’Hôpital Gabriel Touré manquer d’alcool, de coton ou de gan pour soigner les Maliens ? Il ne manquait plus que ça ». «Cette situation est la preuve que l’Etat doit être désormais plus regardant sur la gestion interne de cet hôpital où maintenant tout peut manquer jusqu’au simple bistouri», fulmine Dramane Sylla, un agent immobilier.
Le personnel exposé
L’épuisement du stock de coton, gants et alcool provoque des grincements de dents au sein du personnel soignant. Le comité syndical des travailleurs, dirigé par le pharmacien, Dr Loseni Bengaly, est sur le pied de guerre. Le syndicat a en effet attiré l’attention de l’administration sur l’épuisement complet des stocks. «Depuis dix ans, notre comité syndical a toujours attiré l’attention sur cette situation, en exigeant que le personnel soit mis dans les conditions de travail », nous a confié Dr Bengaly.
Pour le Secrétaire général, en plus d’aider le personnel dans son environnement de travail, ces produits, en rupture, participent beaucoup dans la sécurisation du personnel. Et pour cause, l’alcool est classé parmi les antiseptiques et les gants sont indispensables dans les blocs opératoires. «Lorsque la situation était devenue insupportable au niveau des pavillons, le syndicat a approché la direction, l’agent comptable, le contrôleur financier pour savoir réellement ce qui se passe », souligne le secrétaire général.
Un autre membre du syndicat fait un témoignage accablant : «Vous savez, dans cet hôpital, l’usager est arnaqué. On fait payer aux gens les prix de consommables comme l’alcool, le coton ou les gants, alors que les prix de tous ces produits sont compris dans le ticket de consultation qu’ils paient à l’entrée. Nous avons toujours lutté contre de telles pratiques. C’est une lutte qui ne peut aboutir si on n’a pas l’accompagnement des usagers ».
Un de ses camarades du bureau décide d’apporter de l’eau au moulin de son collègue. «Nous avons toujours attiré l’attention de l’administration sur le fait qu’il n’est pas normal que des gens soient obligés de sortir de l’hôpital, à 1h du matin, souvent pour aller chercher juste une seringue. La vérité, c’est que nous avons un Etat qui a failli », tranche le syndicaliste
La direction se défend
Au niveau de l’administration de l’hôpital, l’analyse de la situation est tout autre. Pour le Prof Kassoum Mamourou Sanogo, Directeur Général de l’établissement, cette rupture ne constitue pas pour autant un fait nouveau au Gabriel Touré. C’est une situation qui arrive de temps en temps, mais qui a été cette fois aggravée par la crise du nord du pays dont 80% des victimes, cotés malien, ont été d’abord pris en charge au niveau du Gabriel Touré, avant d’envoyer une partie à d’autres structures spécialisées. Pour le Prof Sanogo, il faut faire la part des choses. Selon lui, il y a d’une part les produits d’anesthésie (gants et autres), ensuite les consommables (coton, alcool…). Pour la première catégorie, ajoute notre interlocuteur, la principale difficulté procède du fait que pour s’approvisionner en de tels produits, les structures sanitaires publiques ont un seul fournisseur qui a l’exclusivité du marché. Il s’agit notamment de la Pharmacie populaire du Mali (Ppm). «Pour fournir les hôpitaux, la Ppm importe ces produits, qui ne sont pas fabriqués chez nous », précise le directeur général de l’hôpital.
Pour ce qui concerne des consommables, ajoute-t-il, si la Ppm est également le fournisseur attitré, la possibilité est donnée aux hôpitaux, en cas de rupture, de faire recours à certains privés. C’est à cette solution que l’hôpital a fait recours. Pour le Dg du Chu Gabriel Touré, pour ce qui concerne les consommables, la situation est quasiment réglée, l’hôpital ayant trouvé un opérateur privé qui a tous ces produits. Le Directeur général s’est contenté de nous dire qu’il s’agit d’un privé malien sans nous en révéler l’identité.
Pour le Prof Sanogo, les ruptures peuvent intervenir dans trois cas : soit c’est le stock qui manque à la Pharmacie populaire, soit c’est dû à un retard d’approvisionnement, soit c’est pour cause d’épuisement de la ligne budgétaire. C’est dans ce dernier cas qu’on peut, selon lui, situer l’actuelle rupture de produits d’anesthésies et de consommables. Selon le Directeur général, malgré les difficultés, la Pharmacie populaire s’est engagée à continuer à livrer les produits (anesthésie) pour que l’activité ne s’arrête pas. «Actuellement, les activités ont repris au niveau des différents blocs opératoires, grâce à un approvisionnement que vient de faire la Ppm », indique notre interlocuteur. Afin de prévenir d’autres ruptures, le Gabriel Touré, a décidé de maintenir les contacts avec le fournisseur, confie le directeur général. Selon lui, d’autres voies sont aussi entrain d’être explorées par ses services. Il s’agit de voir dans quelle mesure le Gabriel Touré peut proposer à la hiérarchie une augmentation de la ligne budgétaire qui insuffisante pour couvrir tout l’exercice.
«L’expérience a montré que l’enveloppe disponible sur cette ligne des produits et consommables, n’est pas suffisante pour tenir toute l’année. Nous envisageons de mieux doter la ligne budgétaire, afin d’avoir un montant plus important qui nous permettra de commander un stock plus important. Cela va nous éviter l’épuisement de la ligne et nous pourrons boucler l’année sans tomber en rupture», propose-t-il.
D’un autre coté, le Chu, sous la direction du Prof Sanogo, entend communiquer avec la population, notamment en faisant en sorte que l’usager, avant même d’arriver sur place, puisse déjà savoir les services que l’hôpital est à mesure de lui fournir. «Cela va éviter beaucoup de friction que nous avons avec les usagers. Les gens comprendrons qui nous sommes ; dans quelle situation nous nous trouvons et ce qu’ils peuvent attendre de nous», déclare le Dg.
Les solutions du chef
Autre chose à la quelle pense le Directeur général et qui pourrait largement contribuer à prévenir les ruptures, c’est de lutter contre les gaspillages en faisant en sorte que les équipes qui accèdent aux labos soient ramenées au strict nécessaire.
«Il y a des situations où on n’a pas besoin de dix personnes qui interviennent. Parce que si ces dix personnes doivent mettre la main dans le sang, ça fait 10 paires de gants. Si deux ou trois personnes peuvent le faire, cela économise les paires de gans. Il y a aussi ce genre de gestion, surtout que nous sommes aussi une structure de formation ; nous recevons des étudiants en médecine, des étudiants infirmiers, sages femmes, écoles publiques, écoles privées que le Gabriel Touré forme et qui constitue la relève. Ça fait énormément de personnes dans les blocs. C’est ce genre de gestion qui pose problème. Parce que tous ceux qui entrent dans un bloc doivent se laver la main au savon, doivent utiliser des antiseptiques, ne serait-ce que l’alcool. Mais, l’hôpital, dans son élan de formateur, oublie ces aspects de gestion. L’exercice consiste donc à amener le praticien à être un gestionnaire. Beaucoup de praticiens n’ont pas ces notions de gestion. Parce que dans les facultés nous apprenons la Médecine, comment examiner un malade, poser un diagnostic et enclencher un traitement en laissant la gestion à d’autres », propose le Prof Sanogo.
Quelque soit le produit, une meilleure gestion peut permettre d’éviter les épisodes de rupture. «Nous savons qu’actuellement le Mali traverse de sérieuses difficultés sur le plan financier. En tant que responsable, on ne peut pas ignorer cela. Nous demanderons une augmentation de notre ligne budgétaire, mais nous ferons avec ce qui peut être mis à notre disposition pour gérer au mieux en attendant des jours meilleurs. On sait qu’on ne peut pas avoir tout ce qu’il faut pour tourner comme un hôpital de Tokyo ou de New-York, mais le peu qui sera mis à notre disposition, on va faire avec. Dans la situation actuelle, j’ai demandé que les anesthésistes et les chirurgiens adaptent le programme opératoire à la disponibilité actuelle. Si on a ce qu’il faut pour dix malades, il ne faut pas programmer cinquante. Il faut échelonner. Parce que l’approvisionnement est périodique. On ne prend pas tout le stock d’une année. Ce sont des adaptations de ce genre que nous sommes entrain de faire en ciblant la priorité. La priorité, ce sont les urgences où il faut déjà positionner quelque chose. Le reste concerne les interventions programmées qu’on peut échelonner de manière à éviter des ruptures. Nous sommes à cette gestion. C’est une gestion de crise… », déclare le Dg du Chu Gabriel Touré. Qui insiste sur le cas particulier des gants qui constitue un véritable défi pour les hôpitaux au Mali. Ce produit qui, il y a quelques années ne coûtait que 200 FCFA est monté à 1500 FCFA la paire. Cette situation se justifie, selon le Prof Sanogo par le fait que le gant fait partie des produits que le Mali ne fabrique pas et n’a, en conséquence aucun moyen d’en maitriser le prix.
Point G : les unités de dialyse répondent 3 sur 3
Au même moment où le Gabriel Touré est tombé en rupture de produits d’anesthésie et autres consommables, des informations alarmantes annonçaient, du coté de l’hôpital du Point G, la panne de 11 machines au niveau du centre de dialyse.
Là, nous avons rencontré des responsables, notamment le chef du service Néphrologie, le Prof Saharé Fomboro. Celui-ci est étonné qu’une telle information ait pu être rapportée dans la presse. Pour nous convaincre, le Prof a interrompu ses consultations pour nous faire visiter les différentes machines qui existent au niveau des trois unités que compte le centre de dialyse du Point G. Ensuite, il fait venir Dr Seydou Sangaré, le gérant des stocks. Celui-ci, nous fit donc visiter l’intérieur du magasin où les différents consommables sont disposés, en stocks jugés largement suffisants pour couvrir les besoins du mois en cours. C’est seulement, après que le Prof Fomboro, chef du centre de dialyse, s’est entretenu avec nous.
«Nous avons ici trois unités de dialyse qui fonctionnent toutes. Chaque unité est composée de 10 machines, sauf l’ancienne unité composée de 11 machines. Nous fonctionnons aujourd’hui avec une capacité de 31 machines. Nous réalisons à peu près entre 3 à 90 séances par jour», nous confie le Prof Fomboro. Ajoutant que ce qui a été donnée comme information est une mauvaise compréhension du problème. Cette information fait état de 11 machines en panne pour rupture de cartouches pour les faire fonctionner. Pour le Prof Fomboro, c’est l’unité installée récemment qui connait actuellement une rupture de bibags, une qualité de cartouches différente de celles utilisées pour les deux premières unités. Une commande de 4000 bibags a été lancée depuis deux semaines par le fournisseur, en Algérie où une société fabrique le produit. La cargaison est divisée en deux parties : une première quantité est en route dans un conteneur. Mais pour aller plus vite, le fournisseur a décidé d’envoyer une deuxième quantité (moins importante) par avion. Mais, la période actuelle étant celle des vacances, beaucoup de gens voyagent. Ce qui a posé un problème de disponibilité de place qui fait que depuis la semaine dernière, le transport du produit est à chaque fois reporté sur le vol suivant. «On amène la marchandise souvent jusqu’au niveau de l’avion. Après, on les fait retourner pour manque de place disponible », atteste le Prof Fomboro, qui a profité d’un voyage d’études à Alger, la semaine dernière pour se rendre au siège de la société et être témoin de cette situation qui constitue le seul motif qui retarde la livraison des bibags.
Mais, pendant ce temps, le service de Néphrologie, sous la clairvoyante direction du Prof Fomboro, a pris toutes les dispositions nécessaires pour qu’aucun malade ne souffre de ce retard de bibags. Ainsi, souligne le Prof Fomboro, tous les malades de cette unité ont été sans exception reprogrammés et pris en charge au niveau des deux autres unités. Cela a valu une augmentation du volume horaire. «Pour un travail que nous achevons en temps normal au plus tard le petit soir, avec les nouvelles reprogrammations, nous terminons souvent jusqu’au-delà de minuit». Pour le chef du service, la situation a été bien gérée.
Oumar Diamoye
Merci a ce journaliste pour avoir trouver l’information dans des bouches autorisées. Tout est cohérent. c est du propre.
Ici, c’est un père, ordonnance en main, qui fonce vers la pharmacie pour trouver des médicaments prescrits à son épouse malade.
Le mieux, c’est de remplacer père par mari
Merci le Prof, voilà un des faiseurs du Mali actuel qui agit dans l’anonymat total. Bon courage Prof
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