Le Centre hospitalier universitaire du Point G abrite un centre (OISIF) qui interne les femmes soufrant de la fistule. Nous nous sommes approchés d’elles afin de connaître leur condition de vie dans ce centre. Leurs récits suscitent de l’émoi.
A l’hôpital du Point G, ces femmes qui habitent le Centre Oisif sont reconnaissables par leur allure dandinante. La fistule est une maladie qui n’est plus à présenter. Pour preuve, en ces dernières années elle a été au centre de nombreuses campagnes de sensibilisation et autres cérémonies de collecte de dons pour aider les femmes qui en sont victimes. Les habitantes du Centre Oisif, même si elles bénéficient de soins gratuits, méritent d’être dans des conditions encore meilleures de vie.
Chaque mois d’octobre est désigné dans notre pays comme celui de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion. Bonne initiative, mais au constat, est ce que cette action contribue même à conscientiser nos compatriotes sur la question de la solidarité ?
Pour cause, les femmes fistuleuses de l’hôpital du Point G sont en grande partie rejetées par leurs maris, juste après qu’elles aient été victimes de cette maladie.
Elles sont mariées ou célibataires. Mais, ont été toutes amenées au CHU PG soit par des parents, soit par les organismes de bienfaisance, jamais par un quelconque mari. D’autres même, par désespoir ont fini à perdre la raison et sont dans un état de psychopathie.
Au sein de ce Centre Oisif, le quotidien est vécu comme dans un camp de réfugiés.
Courageuses, ces mères de famille, soutiennent que cette maladie ne les empêche pas de travailler. Alors elles se mènent et se démènent pour gagner la ration journalière. En plus des soins gratuits qu’elles reçoivent, il y a d’autres facettes qui froisseraient les bonnes âmes. Elles sont une cinquantaine, et chacune d’entre elle a son propre récit.
Kadia habite ce centre il y a environ quatre ans. Depuis quatorze ans, elle dit avoir négligé les contractions douloureuses d’une grossesse (de 14h à 5h du matin) ; et que arrivée à l’hôpital, elle était déjà affaiblie. N’ayant plus assez de force pour l’épreuve de la poussée lors de l’accouchement, il lui est malheureusement arrivé ce qu’elle ne mérite pas, mais l’enfant est vivant, fort heureusement. Informé de ce fait, le père de l’enfant n’a pas voulu partager les moments de douleur ; il s’est donc contenté des soins de maternité et a ensuite préféré mettre la croix sur la mère. Durant les quatre ans dans ce centre et afin d’assurer son quotidien, elle faisait le tour des bureaux pour avoir à laver des blousons ou les habits de ceux qui accompagnent leurs malades. D’autres se créent de petits commerces comme les petits commerces de cacahuètes, de mangues, bananes selon la période. Car dans le centre, seules ont accès au restaurant pour malades, celles qui ont reçu l’intervention chirurgicale. A notre passage, Kadia était clouée sur son lit avec sa sonde, elle venait de subir cette intervention chirurgicale qu’elle attendait depuis des années. Les raisons que ces femmes donnent comme causes de rejet par leurs maris sont diverses : elles s’insurgent contre une animosité de la part de ces époux qu’elles qualifient de perfides. Certaines parlent d’une méconnaissance de la maladie, de l’ingratitude qui fait allusion au serment tenu devant le maire : vivre pour le meilleur et le pire.
D’autres disent que leur mari en a saisi comme occasion pour se remarier. Bref, rien de positif quand on sait que socialement ces femmes sont stigmatisées. Pour empêcher que ces femmes soient marginalisées, les organismes de prise en charge devraient se prémunir de conseils psychologiques, approcher si possible les hommes dont les épouses en sont victimes afin d’expliquer et de les rassurer que la fistule est une maladie qui peut disparaître sans laisser de traces quelconques. Sensibiliser les femmes, comme certaines malades l’ont dit, de ne pas attendre la dernière minute pour aller à l’hôpital pendant les périodes de grossesse. Une bonne compréhension de ces conduites pourrait diminuer les victimes.
Diakaria BERE