« Quand le propriétaire se meut en spectateur, c’est le festival des brigands », disait l’ancien Président de la République, Modibo Kéïta. Et ces propos du père de l’indépendance décrient parfaitement aujourd’hui l’attitude peu orthodoxe du département en charge de la santé qui, après quelques actions entreprises pour mettre sous veilleuse la crainte des Maliens face au ravage du virus en Guinée voisine, s’est résolue à baisser les bras croisés face à la menace d’Ebola en attendant de voir les Maliens pleurer leurs premières victimes de l’épidémie, ne plaise à Dieu.
Car de sources médicales bien informées, le risque de la propagation de la maladie dans notre pays est de 95%. Et on pointe du doigt le ministre de la Santé qui, en plus de mettre un semblant ceinture de sécurité au niveau de la frontière avec la Guinée, a aujourd’hui décidé de surseoir à toutes campagnes de sensibilisations auprès des populations mettant ainsi en danger des milliers de vies humaines parmi ses compatriotes. « C’est le comble de l’irresponsabilité », lance un agent sanitaire qui en bon médecin estime qu’il vaut toujours mieux de prévenir que de guérir. A l’en croire, à la date d’aujourd’hui aucune mesure de préventions sérieuse contre la maladie n’est prise par le département de la Santé. « C’est l’insouciance totale des autorités face aux inquiétudes des professionnels de la santé », s’indigne-t-il.
Selon lui, tout manque aujourd’hui aux hôpitaux de la capitale comme de l’intérieur du pays pour une prise en charge efficace et efficiente d’éventuel cas de maladie du virus Ebola. « Rien n’a été préparé : Les salles d’isolement des cas suspects, les gangs, les couvre-nez, les masques, et le ministre donne l’air d’avoir d’autres chats à fouetter », témoigne un autre agent de santé. D’où toute l’inquiétude des professionnels de la santé qui pourront se retrouver face au danger sans arme pour le combattre efficacement. Dans cette foulée, la plus part des médecins rencontrés concluent : « Un seul cas de victime Ebola en territoire malien aujourd’hui entraînerait une hécatombe à travers le pays ».
Car, de l’hôpital de Kati en passant par le Gabriel Touré et le Point G, les professionnels de la santé restent unanimes que le ministère de la Santé a baissé les bras depuis que l’épicentre du virus s’est déplacé de la Guinée Conakry en Sierra Léone. Et depuis, plus de campagne de sensibilisation : ni à la radio ni à la télé. Pour dire court, le chef du département a tout simplement rangé les armes et attend d’être à nouveau menacé par l’épidémie pour riposter, le couteau sous la gorge.
Pas de médecins spécialistes en la matière
En effet, à cette inquiétude des professionnels de la santé s’ajoute aussi l’absence de formation à leur intention pour s’occuper d’éventuels patients victimes du virus. Là aussi le ministre de la Santé a décidé de fermer les yeux. Car selon nos sources, à la date d’aujourd’hui aucune équipe de médecins n’a été formée dans la gestion de cette maladie et le seul service d’infectiologie du Point G, capable d’assurer la prise en charge du cas d’espèce, n’est pas aussi doté de moyens conséquents. Et plus étonnant encore, c’est un ancien guichet de l’hôpital Gabriel Touré qui sert aujourd’hui de salle d’hébergement en cas d’éventuelle victime. Contacté face à ces inquiétudes exprimées par les professionnels de la santé, le ministère de la Santé à travers un membre du département, soutient le contraire.
Selon le département, « les dispositions ont été prises depuis le mois de mars lorsque le virus a été détecté en Guinée et elles continuent d’être renforcées ». Selon lui, « des équipes mixtes composées d’agents de la santé et des forces de défense et de sécurité veillent au niveau de toutes nos frontières avec la Guinée depuis cette date et font chaque semaine la situation épidémiologique ». Notre interlocuteur du département ajoute : « … il n’y a pas de travail populiste mais l’efficacité du travail sur le terrain nous rassure ». En ce qui nous concerne, c’est un adage qui dit : mieux vaut prévenir que guérir.
Youssouf Z KEITA