Protagonistes et victimes, qui mieux que des excisées pour éclairer la lanterne sur ce qu’elles vivent depuis dans leur chair ? Des femmes parlent de la vie d’après.
-maliweb.net- « Je ne sais pas quand est ce que j’ai été excisée. Je n’en ai aucun souvenir. C’était à l’enfance. Par contre, ce que je ne vais jamais oublier, c’est ma première fois avec un homme. La douleur que j’ai ressentie lorsqu’il m’a touchée, cette même douleur qui revient à chaque fois qu’il a besoin de moi. Je suis obligée de supporter car nous sommes mariés et je dois accomplir mon devoir conjugal ». Ce témoignage est de Mata, une jeune dame, la vingtaine, excisée et mariée.
Selon elle, sa première nuit dans la chambre nuptiale a été un cauchemar. « J’ai été déchirée », affirme-t-elle. « Cela veut dire qu’elle avait subi l’infibulation », explique Dr Modibo Dicko, gynécologue/obstétricien au Csref de la commune I.
Mariam Traoré est mère de deux filles, toutes les deux excisées. « C’est vraiment par conformisme et par crainte de ma belle-mère, que je les ai laissés les exciser. Je sais que ce n’est pas bien. Toute ma jeunesse, j’ai eu de terribles maux de ventre, des séquelles de mon excision, selon mon médecin. En plus, j’ai très souvent des infections et je suis obligée de tout le temps consommer des herbes aphrodisiaques pour me soumettre à mon devoir conjugal. Je ne voulais vraiment pas infliger cela à mes filles, mais, hélas, je n’avais pas la décision. Surtout qu’elle a dit que c’est une exigence de la religion, que puis-je en ce moment ? », laisse entendre Mariam d’une petite voix résignée.
« Je trouve la pratique inhumaine et barbare ! Petite, je pensais que c’était normal, une recommandation de l’islam. Mais, aujourd’hui, voir la pratique perdurer m’horripile. Je n’ai aucun souvenir pour mon cas. On m’a appris que ma grande sœur et moi avons été excisées par une vieille à Bozola Lampanikoro sur instigation de ma grand’mère. Il semble que j’ai eu des saignements qui ont obligé ma grand’mère, paniquée, à me ramener d’urgence chez l’exciseuse. Mais, en réalité, je n’ai aucun souvenir. Ce que je sais surtout, ce sont mes maux de ventre persistants, ma sécheresse vaginale et mes multiples infections. J’ai tout le temps des problèmes avec mon mari qui pense que je ne suis pas assez sensible au lit. Avec tout ce que j’ai entendu sur l’excision, je crois qu’elle est la cause de mes problèmes », explique Kadi Berthé d’un ton révolté.
Le Dr Modibo Dicko, gynécologue/obstétricien au Csref de la commune I, déclare avoir reçu ce mois-ci au centre de référence, deux cas d’urgence, des petites filles dont l’excision s’était soldée par des complications. Et elles ont été amenées en toute urgence au Csref pour leur prise en charge.
Khadydiatou SANOGO, Ce reportage est publié avec le soutien de JDH et FIT en partenariat avec WILDAF-Mali et la Coalition des OSC/PF