Epidémie de la fièvre Ebola en Afrique de l’ouest : L’isolement de la Guinée expose le Mali

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Epidémie de la fièvre Ebola en Afrique de l’ouest : L’isolement de la Guinée expose le Mali
Un laboratoire canadien installe en RDC pour étudier le virus Ebola, en 2007

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’épidémie de fièvre hémorragique continue de s’étendre. En cinq mois, indique l’OMS, le virus d’Ebola a fait plus de 1 350 morts.

Les ONG, dont Médecins Sans Frontières (MSF), s’inquiètent de la détérioration de la situation et du manque de moyens pour y faire face, et appellent à une mobilisation mondiale. Et aujourd’hui, le Mali doit aussi craindre la mise en quarantaine d’un pays comme la Guinée-Conakry avec qui il une large et poreuse frontière. La crainte d’une catastrophe humanitaire sur une vaste échelle amène aujourd’hui des pays, des organisations et même des compagnies aériennes à prendre des mesures qui isolent les populations des pays comme la Guinée-Conakry.

Ainsi, les musulmans de ce pays sont cette année privés du hadj (pèlerinage) par les autorités saoudiennes. Et ils n’ont plus accès aux vols de certaines grandes compagnies qui sont d’ordinaire très prisés par les opérateurs économiques guinéens parce que desservant les plateformes d’affaires comme Dubaï (Emirats Arabe Unis). Même sur le plan sportif, la Confédération africaine de football (CAF) est déjà débordée par les demandes de reports de matches contre la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria, dans le cadre des éliminatoires des CAN «Sénégal 2015» (juniors) et «Maroc 2015» (seniors).

L’isolement de la Guinée expose notre pays. En effet, mis en quarantaine, nos frères Guinéens vont sans doute se rabattre sur les pays voisins, notamment le Sénégal et le Mali. Pour contourner le «blocus sanitaire» qu’on leur impose, il leur sera plus facile de se rendre à Bamako ou Dakar par la route et ensuite prendre des vols pour vaquer à leurs affaires ou accomplir leur devoir religieux (hadj), avec les agences de voyages privés en quête de clientèle en cette année de galère financière au Mali. On se rappelle que pendant la longue crise politique en Côte d’Ivoire, beaucoup de musulmans ivoiriens se rabattaient sur le Mali afin d’aller accomplir le rite du pèlerinage. Ce n’est aussi un secret pour personne que l’axe Conakry-Bamako, malgré le calvaire par une route en piteux état, est très fréquenté de tout temps. Une densité qui va sans doute s’accroître pour approvisionner les villes guinéennes en diverses denrées. Comme le disait une spécialiste de cette maladie au taux de mortalité très élevé, dans une interview à la presse française, pour «lutter contre le virus d’Ebola, on ne peut compter sur aucun traitement spécifique, ni sur un vaccin». Il faut donc privilégier les préventions par un contrôle rigoureux aux frontières et aussi promouvoir les bonnes pratiques par une campagne de communication bien dosée.

Les autorités maliennes ont d’autant intérêt à redoubler de vigilance que notre système de santé est extrêmement fragile avec un personnel qui n’est pas forcément habitué à faire face à ce genre de situation. On l’a vu au début de l’épidémie avec les premiers cas suspects dans notre pays. C’est le personnel sanitaire qui, en premier, a semé la peur.

Comme l’experte citée plus haut, nous sommes d’avis qu’il faut renforcer les méthodes et stratégies de communication qui ont jusque-là permis à notre pays de se mettre à l’abri de cette épidémie. Il faut aussi renforcer les politiques de contrôle et de prévention. Une petite négligence peut réduire à néant l’immense travail de prévention jusque-là accompli.

Moussa BOLLY

 

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Une maladie de pauvres négligés par les laboratoires pharmaceutiques

«Il y a clairement eu un défaut d’anticipation. Nous n’avons aucun traitement, alors même que la faisabilité existe. D’un point de vue technique, nous ne sommes pas en train de parler de choses extrêmement difficiles. C’est un échec de la société basée sur le marché, celui de la finance et des profits. L’Ebola est une maladie de pauvres gens, dans des pays pauvres, et qui concerne très peu de personnes. En Europe des traitements sont développés pour des maladies rares, comme par exemple les maladies génétiques, même si cela touche peu de monde, puisque les patients ou la sécurité sociale peuvent payer. Mais là, les gens n’ont pas d’argent, donc il n’y a pas de stimulation. Surtout que le développement des médicaments coûte très cher, plusieurs centaines de millions d’euros. Néanmoins, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. Des académiques et des petites sociétés ont travaillé sur le virus d’Ebola. Des financements du gouvernement des États-Unis, dans le cadre de recherche contre le bioterrorisme, ont permis d’avancer. Grâce à cela, des molécules prometteuses ont été amenées jusqu’à un stade de développement relativement avancé. Malheureusement, les laboratoires ne sont pas allés jusqu’au stade ultime de développement, à savoir l’essai clinique sur l’homme, parce que, justement, cette phase de R&D est la plus coûteuse» !

Dr. Marie-Paule Kieny, Directrice générale adjointe de l’OMS pour les systèmes de santé et l’innovation (Libération, France)

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