Des tours dans l’enceinte des Urgences, service névralgique de l’hôpital, constats de terrains, échanges avec les malades, agents de santé, Le Nouveau Réveil, livre des témoignages poignants sur le mauvais état de santé de l’Hôpital Gabriel Touré (HGT) que certains appellent « l’internat de la mort » en plein cœur de Bamako.
À ras le sol, des malades entassés, parmi lesquels un homme brûlé le corps rouge rescapé visiblement d’un incendie. Des cartons ou pagnes de propreté douteuse comme lits d’hospitalisation, des accompagnateurs assis à même le sol, des agents de santé faufilant dans les sinueuses allées séparant les malades mal en point et des agents de nettoyage s’efforçant d’essuyer ce qu’il reste du contigu espace. Nous sommes, le 16 octobre 2015 aux environs de 11 H, heure locale, dans les couloirs du Service des urgences du CHU Gabriel Touré, l’un des plus grands hôpitaux de référence du Mali.
« L’incurie au CHU Gabriel Touré »
Rencontrée bien avant notre déplacement sur les lieux, Mme A. Médecin au CHU-Gabriel Touré à la retraite affirme avec chagrin « Tout le monde est conscient de l’incurie de l’Hôpital Gabriel Touré ». Les constats et témoignages recueillis ne sont pas de nature à la contredire. « Il n’y a pas assez de lits. Quand de nouvelles personnes viennent on ne peut pas déplacer les autres. Les gens se couchent sur des pagnes par terre et c’est là qu’on leur fait les soins », explique un infirmier de la traumatologie qui reconnaît que « lorsqu’un patient est par terre, cela empiète sur la qualité du soin ». Dans cette condition inqualifiable d’hospitalisation, des spécialistes manquent à l’appel des malades. « Après 20 jours d’hospitalisation, nous rentrons sans avoir jamais vu le spécialiste », se plaint une dame dont le père, un octogénaire, avait besoin des services d’un neurochirurgien. « Il arrive parfois que le neurochirurgien ne soit pas là », confirme l’infirmier qui a requis l’anonymat. Pourtant en neurochirurgie, la Direction du Gabriel Touré informe : « il y a 2 spécialistes » en service. À en croire ce responsable, ces spécialistes sont « réguliers » à leur poste. Témoignage que ne goberait pas l’ancienne employée de l’hôpital qui dénonce à son tour l’absence des médecins au poste. « J’ai passé trois semaines là-bas, je n’ai pas vu le chef service. Il a fallu que je l’appelle pour l’engueuler avant qu’il ne vienne me présenter des excuses », rappelle-t-elle au moment où elle a conduit son feu-père en urgence sur les lieux où elle avait travaillé.
« Le CHU est en train de mourir »
Sur place, guidé par un syndicaliste du Gabriel Touré, ont a pu voir des chariots vétustes rembourrés de cartons et des fauteuils roulant sans pose-pieds servant au déplacement de malades invalides. « Le CHU est en train de mourir », houspille le syndicaliste qui nous conduit au service de radiologie qui « tourne au ralenti » faute de « clichés » comme l’a pu laisser comprendre un agent de ce service. Au Gabriel Touré, « il y a beaucoup de problèmes », poursuit-il.
Un cadre de l’administration hospitalière, renchérit : « les besoins du CHU-Gabriel Touré sont multiples et multiformes, d’ordres matériels, infrastructurels, organisationnels et de ressources humaines ». En matière de besoins, selon notre responsable, il y a insuffisance de salles de consultation, problème de prise en charge, et paradoxalement « absence de fiche de température ».
« L’Hôpital Gabriel Touré, un mouroir »
Quand on dit l’Hôpital Gabriel Touré, pour le commun des Maliens, la mort n’est jamais loin. Mme A. ne dit pas le contraire. « L’Hôpital Gabriel est devenu un mouroir », dit-elle, tout en ajoutant que « le CHU doit être fermé ». Dans cet hôpital de référence, elle assure qu’ « il y a beaucoup de personnes qui meurent alors qu’elles ne doivent pas mourir ».
Après plusieurs jours passés à dormir dans les couloirs du service des urgences aux chevets de son père, Birama apprend qu’« au moins trois personnes décèdent dans une nuit » et c’est « des pleurs, des grincements de dents chaque jour ». Dr A. dénonce un défaut de compétence chez des agents de santé « formés au rabais ». En exemple, image à l’appui, elle rappelle le cas de son papa qui a eu les bras enflés à cause d’un mauvais traitement à lui administré au CHU par une infirmière. « Quel médecin forme-t-on aujourd’hui à l’Université du Mali ? », interroge-t-elle, dénonçant le fait que la théorie aurait pris le pas sur la pratique. L’ancienne employée du CHU dénonce également « un manque de respect de la personne humaine. On se désintéresse des malades ». Cet état de chose, selon des témoignages internes, est favorisé par l’impunité qui régnerait au sein du centre hospitalier. La méfiance est de mise dans cet hôpital de renom. Les uns surveillent les autres. Sur le point de faire des révélations, un agent bien placé du service des urgences a été dissuadé par un de ses supérieurs assurant qu’il doit le préserver de commettre une erreur fatale.
Rançonnement des malades
Quand on ne meurt pas au Gabriel Touré, on est victime d’un autre mal qui a pour nom « le rançonnement ». Ce mal, petit à petit, prend place sur les lits aux côtés des malades. Selon divers témoignages, les personnes à la quête de rétablissement de leur santé dégradée sont souvent l’objet d’actes de rançonnement au CHU. Notre guide, un syndicaliste du CHU, le confirme. Preuves à l’appui, le syndicaliste a informé de plusieurs cas de vol d’alcool, de médicaments mais surtout de rançonnement de malades. Selon lui, ces actes de rançonnement sont l’œuvre d’agents occasionnels que le Gabriel Touré recrute pour des missions temporaires.
« Ce sont les agents occasionnels qu’on recrute qui grugent les malades », rassure un travailleur de l’administration de l’hosto. À l’en croire, plusieurs agents occasionnels ont été pris dans le sac. Il explique que ces agents occasionnels, bien que leur contrat soit expiré, continuent de venir à l’Hôpital Gabriel Touré, « la blouse dans la poche ». Et une fois, dans l’enceinte du CHU, ils se font souvent passer pour des médecins et soutirent de l’argent aux malades. Quelque fois, ils se proposent d’aider les malades en allant payer pour eux, tel ou tel autres frais à la caisse et disparaissent avec les sous. Mais, il n’y a pas que les agents occasionnels du CHU qui se rendent coupables de ces actes répréhensibles de rançonnement de malades. Des agents à des postes de responsabilités sont également épinglés.
En août dernier, le major d’un pavillon de l’Hôpital Gabriel Touré, a été interpellé pour fait de rançonnement. Il a grugé un malade, victime d’un accident et qui a séjourné aux urgences. Notre homme, un major de pavillon du CHU a encaissé la somme de 100.000 F CFA chez le patient qui n’est ni fonctionnaire ni assuré par une structure et n’a versé que 43.000 FCFA. Cela, après avoir frauduleusement fait enregistrer le patient dans le registre d’autorisation de sortie comme tiers payant sous le couvert du Ministère de la Santé. La différence, notre major-voleur l’a simplement empoché. Mais le plus grave, c’est que le patient devrait payer un peu plus de 200.000 FCFA pour son séjour au CHU-Gabriel Touré.
Selon nos sources, le major qui n’a pas été sanctionné, du moins pas à la hauteur de sa faute, puisque toujours à un poste de responsabilité, n’est pas à son premier acte. Avant lui, d’autres agents de l’Hôpital Gabriel Touré s’étaient malheureusement illustrés par des actes similaires. Un cas de vol d’alcool, des cas de faux et usages de faux et même de détournement auraient déjà été enregistrés.
Les médecins acculés
Au CHU-Gabriel Touré tout n’est pas mauvais. Dans le rang du personnel, il y a des agents qui honorent encore leur serment d’Hippocrate. Dr A. reconnaît un agent qui fait bien son travail mais dont elle se garde de donner le nom par crainte de le livrer à des coups-bas. « Tous, on se connaît. Il y a des gens qui ne sont pas compétents». Notre cadre de l’administration hospitalière assure que la compétence est disponible au Gabriel Touré. Le problème explique-ton, c’est que les malades subissent des sévices.
Nous y reviendrons dans notre prochaine parution.
Youssouf Konaré
Source : Le nouveau Réveil
Merçi Mr Konaré de mettre le doigt sur l’une des plaies de notre societé . La santé au Mali est un panier a crabes on y entre cahin-caha et on y ressort les 2 pieds devant Vivement que la passion du service public ns fasse un publi-reportage sur les structure de la santé et organise un debat sur la Santé ouvert au public
Le préfet de Hollande en service à Bamako a déçu les maliens dans tous les aspects de la vie nationale ……. Le pays va à la dérive certainement pas pour le bonheur des maliens…… comme promis par cette grande gueule pourrie de latrine publique….
Je ne pouvais imaginer le spectacle que j’ai vu il y a deux jours au Gabriel…. Aucun mot ne peut le décrire….. Je dirai simplement il n’y a plus d’état ….
Comments are closed.