Éducation sexuelle des jeunes : Le défi générationnel

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Par pudeur ou à cause des stéréotypes culturels et religieux, beaucoup d’adultes notamment des parents sont gênés de parler de sexualité avec les enfants. Pour beaucoup, l’éducation sexuelle des jeunes est une incitation à la dépravation. Cependant, des études scientifiques, des professionnels de santé et des défenseurs des droits, pensent au contraire qu’une éducation sexuelle complète de qualité permet de maintenir les jeunes sur le bon chemin sans oublier qu’elle constitue une grande contribution à la santé publique.

-maliweb.net- « Même si je sais que les enfants d’aujourd’hui connaissent déjà tout sur la sexualité grâce à Internet et aux réseaux sociaux, je n’arrive pas à parler avec mes enfants de sexualité. J’en suis gênée et j’ai peur de les encourager au libertinage », déclare Massan Diarra, mère de 5 enfants dont 3 adolescent (es). Son avis n’est pas partagé par cette autre maman, enseignante de 1er cycle pour qui il est important de parler de sexualité avec ses enfants. Une façon pour elle de les mettre en garde contre les risques et dangers liés à une sexualité précoce et non maîtrisée. Elle est renchérie par Chiaka Traoré, un administrateur civil de la place qui déclare : « Par pudeur, ma femme et moi n’avions jamais parlé de sexualité avec nos enfants qui d’ailleurs ont été bien éduqués. J’en ai 6 et 4 ont terminé leurs études, 2 filles mariées ainsi qu’un de mes garçons. Dieu merci je n’ai pas eu de problème particulier. Si j’ai changé d’avis et me suis mis à communiquer de sexualité avec les enfants, cela est dû à une de nos filles adoptives, qui d’apparence très sage, a fini par contracter une grossesse alors qu’elle avait à peine 15 ans. Dès lors je parle de sexualité avec les enfants car ma femme et moi hébergeons très souvent des neveux et nièces qui viennent à Bamako pour leur scolarité ou formation ».

Le président du Réseau des jeunes ambassadeurs pour la santé de la reproduction et de la planification familiale du Mali, Boubacar Diarra, estime que l’éduction complète à la sexualité permet aux jeunes de prendre des décisions éclairées et responsables sur leur sexualité. « Cela contribue à leur bien-être, à leur santé et à leur bonne éducation » soutient Mme Kéïta Mama Sy, sage-femme et responsable clinique à l’AMPPF (association malienne pour la protection et la promotion de la famille).

A ses dires, les jeunes filles amenées par leurs parents pour besoins de PF, reçoivent des conseils lors des séances de consuling. Boubacar Diarra explique qu’une éducation sexuelle complète de qualité permet non seulement aux jeunes de mieux connaître leur corps, mais rend également de décider de façon éclairée.

Malgré tout, des adultes restent réfractaires à aborder le sujet de la sexualité avec les adolescents. « Notre grand défi reste la compréhension et l’adhésion des parents, des leaders religieux et des chefs traditionnels. Car beaucoup de personnes pensent que nous allons enseigner aux enfants la dépravation. Nous leur apprenons juste la sexualité dans le sens d’être plus responsable, d’éviter les grossesses non désirées, d’éviter le mariage avant l’âge de 18 ans », défend ainsi Boubacar Diarra pour qui leur grand défi est d’amener les leaders religieux, les chefs traditionnels et certains parents à adhérer à leur vision.

« Il s’agit de leur faire comprendre que parler d’éducation sexuelle des jeunes et des adolescents ne signifie mettre l’accent sur un fléau qui détruit les jeunes à petit feu, faire comprendre aux chefs coutumiers qu’au-delà des coutumes et traditions la santé compte plus que tout », plaide le président des jeunes ambassadeurs pour la PF.

Pour Khalilou Cissé du réseau islam population et développement (RIPOD), l’Islam n’interdit pas l’éducation sexuelle des adolescents et des jeunes. Selon lui, tout dépend de la manière dont le sujet est abordé. « Tout comme dans nos culture et tradition, l’enseignement sexuel est fait aux enfants mais tout dépend de la façon d’aborder le sujet. C’est fait en islam comme dans nos traditions mais pas forcément de la même façon », déclare M. Cissé.

Pour Gogo Dicko, traditionnaliste et conseillère nuptiale, l’éducation sexuelle des jeunes est une vieille tradition de notre société. De ce fait, elle cite les cérémonies d’initiations et autres habitudes traditionnelles qui prennent en charge l’éducation sexuelle des jeunes. A ses dires, cette tâche revenait très souvent aux grandes mères, aux tantes, oncles et Hommes de castes.

A l’instar de Khalilou Cissé du RIPOD, Gogo Dicko soutient que le sujet doit être abordé conformément aux valeurs et convictions socioculturelles de notre pays pour ne pas créer de dysfonctionnement sociétal.

Le Mali a pris des engagements en matière de SDSR dans sa constitution et ses engagements nationaux, régionaux et internationaux. Par ailleurs, le Mali s’est engagé à l’atteinte de l’agenda 2030 des ODD (objectifs de développement durable), lesquels engagent les Etats à s’approprier la capture du dividende démographique.

Khadydiatou SANOGO, Ce reportage est publié avec le soutien de JDH et FIT en partenariat avec WILDAF-Mali et la Coalition des OSC/PF

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