Maux de ventre, diarrhées, vomissements, douleurs intestinales etc…tels sont, entre autres, les maux diagnostiqués chez la plupart des patients, accueillis dans nos hôpitaux, après consommation de ces Eaux, dites potables. Ou minérales.
Pour la plupart, il s’agit de l’eau de robinet, mise en sachet dans des conditions qui donnent froid dans l’estomac. Notre enquête.
Certaines unités de fabrique de ces Eaux, dites minérales, ne disposent pas du matériel adéquat. D’autres, usent de bassines, au milieu d’un bataillon de mouches et de cafards. Plus grave, pour échapper au contrôle des Services d’hygiène, la plupart de ces « unités industrielles » choisissent la périphérie de notre capitale pour s’installer.
Et le plus souvent, dans des baraquements, en dessous des normes requises.
Première destination : la société « Unique Eau » SARL, située à Banankabougou, cette unité de commercialisation d’Eau potable est logée dans une villa. Elle dispose d’une quinzaine d’employés. Réputée, comme la première société de commercialisation d’Eau potable en sachet, « Unique Eau » ne dispose pas d’un laboratoire interne, pour le contrôle de sa production. Mais d’un matériel de filtrage de l’eau, cueillie au robinet. « Un seul filtre coûte 35.000 CFA. Et il ne peut être utilisé plus de deux fois » nous confie, Augustin et Jerry, ses promoteurs, d’origine nigériane. Sur la qualité de leur produit, ils se veulent rassurants : « Ce n’est pas de l’eau minérale, mais de l’eau filtré. Et périodiquement, nous envoyons nos échantillons au laboratoire National de la Santé pour analyse », assurent –ils. Avant de poursuivre : « Avant d’entamer le travail, les lieux et les machines sont nettoyés avec de l’eau de javel. Histoire de garder notre produit sain ».
A les en croire, les rumeurs circulant sur la qualité de leur produit sont l’œuvre d’une concurrence déloyale. « Unique Eau est la seule à payer ses impôts, à déclarer son personnel à l’INPS », ajoutent –ils. Avant de conclure : « Nous avons appris ce métier à la Représentation de Coca –Cola, au Nigeria où, nous avons travaillé, une décennie durant, avant d’implanter notre société au Mali ».
Sur les fiches d’analyse, délivrées par le laboratoire National de la Santé, on peut lire : « l’échantillon analysé est de bonne qualité physico –chimique et bactériologique ». Seul hic : la date de fabrication qui ne figure pas sur les sachets.
Qualité douteuse
A 500 mètres de là, se trouve une autre fabrique d’Eau, dite minérale : Aqua fill. Initiée, au départ, par un chinois, elle aurait été revendue à un malien. Là, les consignes sont fermes : pas question de nous laisser fourrer notre nez dans leurs affaires. Les employés, que nous avons rencontrés, se refusent à tout commentaire. Son Directeur commercial, Seydou Tall, n’y va pas par quatre chemins : « le patron n’est pas là. Il est à Ségou pour des affaires. Donc, je ne peux rien vous dire, sauf si vous êtes là pour des affaires », nous a t –il dit. Avant de nous inviter à débarrasser le plancher.
Mais avant de tourner les talons, nous remarquons que cette unité industrielle ne dispose que d’un matériel rudimentaire d’ensachage. Quand aux conditions d’hygiène, elles laissent à désirer. Des bataillons de mouches aux aguets. Un sol mouillé, parsemé de sachets usagers. Et des ouvriers travaillant dans des conditions, à la limite du tolérable. Le produit, commercialisé par « Aqua fill » est –il contrôlé par le laboratoire National de la Santé ? Mystère et boule de gomme. Alors, pourquoi cette réticence à notre égard ? Que se reproche t –il ? Le mystère reste entier.
La vente de l’eau en sachet est devenue une activité lucrative dans notre capitale. Outre ces fabriques d’Eau potable, cette activité est menée par des familles, qui en tirent des revenus. Vendues par des bonnes, ces Eaux sont de qualité douteuse. Les impuretés, contenues dans les sachets, sont visibles à l’œil nu. Pire, elle sont exposées au soleil. Soit dans des sceaux, soit dans des thermos. Avec, pour tout emballage, une feuille de plastique, chauffée à blanc, par la canicule.
Ces Eaux, vendues en sachet, ne sont pas à confondre avec les sachets d’eau minérale, commercialisée par la Société des Eaux Minérales du Mali (S.E.M.M.).
Plus connue sous le nom de village de Diago, cette eau minérale est tirée d’une source, située sur les hauteurs de Kati. Plus précisément, dans le Diago, dont le nom a été donné au produit. Qu’elles soient en sachet ou en bouteille, cette eau est soumise au contrôle d’un laboratoire interne. Avant d’être envoyée au laboratoire National de la Santé pour un ultime contrôle.
Elle subit, au sein de l’usine, 25 tests avant d’être mise en bouteille.
Mieux, l’usine Diago reçoit, périodiquement, la visite inopinée des Services d’hygiène.
Résultat : l’eau minérale Diago s’est vue décerner un trophée. C’était à l’occasion de la journée Nationale de l’Eau souterraine et des ressources invisibles.
Le silence coupable des Autorités compétentes
Seconde destination : les grottes du nouveau marché de Médine où, nous tombons sur une autre fabrique d’Eau, qui n’est potable que de nom : « Alsaha Dji » ou l’eau de la santé en Soninké. L’usine, comme il faut l’appeler ainsi, se résume à une autre grosse bassine, bourrée d’eau de robinet, sur laquelle flotte une plante verdâtre, au milieu des mouches et des moustiques.
Ici, il n’y a ni matériel de filtrage, ni matériel d’ensachage. Tout se fait à la main : le remplissage des sachets et leur fermeture. Les conditions d’hygiène sont, à la limite du supportable. Partout grouillent des mouches. Bien plus, la bassine servant de réservoir, est un véritable cimetière d’insectes. La liste des fabriques d’Eau visitées, est loin d’être exhaustive. Partout, le même constat : le manque d’hygiène.
Mais curieusement, les Autorités compétentes restent sourdes. Mais aussi aveugles. Les contrôles sont rares. Comme la neige à Kidal. Qu’attendent –elles pour mettre fin à l’hécatombe ? Un génocide ?
Au moment où nous mettons sous presse, les victimes de ces « Eaux pourries » défilent à l’hôpital. Maux de ventre, vomissements, diarrhées etc… sont les principales causes de leur hospitalisation.
« Ces eaux en sachet se vendent, comme de petits pains, même devant les hôpitaux. Mais ce qu’ignorent beaucoup de gens, c’est qu’elles sont sources de nombreuses maladies », nous confie un toubib de l’hôpital Gabriel Touré.
Chrystelle
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