Dr. Abdoul M. Poudiougou, Anatomiste : « Les patients qui ne doivent pas jeûner »

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Les personnes atteintes des maladies gastriques doivent-ils jeûner ? Les avis sont partagés présentement sur la question. Le médecin anatomiste et étudiant en spécialisation de chirurgie générale, Dr. Abdoul M. Poudiougo, dans cette interview, tranche. Le spécialiste explique aussi les maladies gastriques, les causes et les mesures de prévention.

Mali Tribune : C’est quoi un problème gastrique ?

Dr. Abdoul M. Poudiougo : Le mot gastrique se réfère de l’estomac qui est le segment le plus dilaté du tube digestif compris entre l’œsophage abdominal et le duodénum. L’une des fonctions est la transformation du bol alimentaire en chyme par la production des acides chloridriques. La quantité produite varie de 1,5 à 2 litres par jour, mais peut accroitre au cours des repas.

Cette production des acides est permanente 24/24h et est assurée par la stimulation des branches des nerfs vague. Cet organe présent à décrire plusieurs couches des périphéries vers la lumière : à savoir la séreuse (la plus superficielle) la sous séreuse, la muqueuse puissante, la sous muqueuse et la muqueuse (une couche qui protège l’estomac de la sécrétion d’acide).

On parle de problème gastrique, si l’ensemble des signes de ces problèmes gastriques ou malaises sont ressentis par un patient. Les causes les plus fréquentes sont la gastrite et les ulcères.

Mali tribune : Comment distinguer une gastrite de l’ulcère ?

Dr. A. M. P. : Une gastrite est une inflammation de la paroi (muqueuse) de l’estomac. Les causes les plus fréquemment rencontrées sont les infections, l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens(AINS), l’abus d’alcool, le stress etc. Cette inflammation peut être aigue ou chronique.

Contrairement à  l’ulcère gastrique qui est une ulcération, donc une plaie qui se forme sur la paroi interne de l’estomac. Il faut noter que les gastrites et les ulcères sont les pathologies gastriques les plus diagnostiquées au Mali.

Mali Tribune : Quelles sont les causes ?

Dr. A. M. P. : les causes les plus fréquentes rencontrées sont presque les mêmes : l’infection l’helicobactère pylorique, les AINS, maladie de Biermer etc.  Le diagnostic de ces deux pathologies est anatomopathologique. C’est-à-dire c’est la réalisation d’une fibroscopie Oeso-gastro-duodénale (FOGD), qui va visualiser la paroi de l’estomac. Au cours de cette fibro, le médecin doit donc faire une biopsie sur la partie enflammée ou ulcéreuse pour un autre examen (Anapath).

Mali Tribune : Les personnes souffrant de gastrique ou d’ulcère doivent-t-elles jeûner ?

Dr. A. M. P. : Tenant compte des complications et conséquences à cours et à long terme, nous dirons que les personnes atteintes de gastrique ou d’ulcère gastrique sont déconseillées de jeûner, car c’est la gastrite qui s’évolue vers l’ulcère. L’ulcère à son tour vers la cancérisation. Une pathologie qui devient de plus en plus fréquente et ne respectant plus d’âge. Tenant aussi compte de la production permanente des acides chloridriques, un patient qui a déjà une gastrite ou ulcère ne doit jeûner car cet acide va aggraver davantage les symptômes et la maladie par la destruction de la muqueuse vers les couches superficielles.

Mali Tribune : Il y a-t-il un traitement à proposer aux jeûneurs qui ont des cas moins graves ?

Dr. A. M. P. : Certains médecins proposent l’utilisation des IPP (inhibiteurs de pompe à protons) qui va diminuer la production des acides et les pansements gastriques. Mais partant des demi-vies de ces médicaments et l’heure du début du jeûne et la rupture, nous verrons que l’effet des médicaments prendra fin. Alors l’estomac sera vulnérable contre la reprise de la production des acides gastriques.

Il faut que les gens comprennent que notre objectif n’est guère de les démotiver à jeûner, mais plutôt de prévenir les complications et les conséquences.

Déjà sans jeûne, nous constatons une augmentation accrue de taux de cancer de l’estomac chez les personnes âgées que chez les jeunes de 24 à 35 ans.

Dans un pays où la plupart des patients atteintes des pathologies gastriques suivent seulement un traitement pour calmer les plaintes et non la pathologie elle-même, je dirai que le mieux serait de passer à une sensibilisation pour se débarrasser de ces pathologies pour mieux jeûner que de déconseiller le jeûne et s’attendre au pire.

Mali Tribune : Quelle est la fréquence  des cancers gastriques au Mali ?

Dr. A. M. P. : Le cancer de l’estomac est le deuxième cancer le plus fréquent au Mali.  Une étude rétro perspective a été menée, de janvier 1999 à décembre 2008, sur toutes les malades reçues pour cancer gastrique dans le service de chirurgie générale du Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré par le Pr. Togo Adégné et collaborateurs. Les recherches ont trouvé 342 cas de cancers gastriques dont 53,7 % des cancers digestifs.

Deux tiers des malades étaient du sexe masculin. L’âge moyen était de 51 ans. Les extrêmes : entre 24 et 98 ans.

Une autre étude réalisée en 2021 au CHU du Point G par Dr. Sanogo Souleymane et collaborateurs ont identifié 380 cas de cancers digestifs, dont 193 cas de cancers de l’estomac. Une étude transversale avec recueil rétrospectif de janvier 2008 à juin 2018 soit une durée de 126 mois. L’âge moyen était de 57 ans à 13 ans.

Mali Tribune : Comment prévenir ces pathologies ?

Dr. A. M. P. : Alors la prévention de ces pathologies passe par l’arrêt du tabac et une consommation modérée d’alcool voire son arrêt. Apprendre à gérer son stress, éviter l’utilisation à longue durée, sinon prolongée, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de l’acide acétylsalicylique (Aspirine). Il faut bien mastiquer les aliments, varier son alimentation et avoir une alimentation saine. Il faut éviter les repas copieux, ne pas boire en mangeant et éviter de manger tardivement. Il faut limiter les aliments gras, épicés, acides et gazeux. On peut aussi conseiller de limiter la consommation de poivre noir et les graines de moutarde. En plus des anti-inflammatoires, la cortisone, on peut citer également les biphosnates et le chlorure de potassium.

Recueillis par

Marie Thérèse Coulibaly

(stagiaire)

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