Difficulté sanitaire au Nord Mali : Quand un cscom devient mobile et mixte

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Les programmes de santé au nord Mali sont confrontés à des difficultés liées à l’accès même aux populations et cela est dû à la dispersion de ces populations dans le désert et aussi à la culture des bédouins et de nomades. Pour remédier à ce problème, une association constituée de bénévoles d’origine nomade a réalisé la prouesse de créer un Centre de Santé Communautaire Mobile et Mixte. Objectif : traiter les malades dans des zones éloignées des villes et les animaux en même temps.

Une voiture 4X4 tout terrain capable de gravir les dunes de sables, des panneaux solaires, un frigo, un médecin, une infirmière obstétricienne, un docteur vétérinaire, un guide interprète et un chauffeur, voila l’équipe du Centre de Santé Communautaire mobile et mixte qui sillonne le désert à la recherche des patients. Une tournée de 20 à 22 jours par mois pour donner des prestations sanitaires aux hommes et animaux dans certains sites et campements définis par les communautés. Ce Centre de santé communautaire mobile est unique à son genre au Mali. L’équipe de ce CSCOM travaille dans une zone difficile par le climat et la géographie mais aussi par sa population nomade restée longtemps isolée dans le désert. Le Centre de Santé Communautaire (CSCOM) mobile mixte couvre les zones nomades de la commune de Ber et de Salam. Il s’agit là des zones qui ne sont pas couvertes par le découpage sanitaire du gouvernement malien. Le CSCOM mobile et mixte couvre le site de Hassi Kaya, Tichif, Inistelen, Ingouzman, Tin agalhadj, Tin tehoun, Arozeine, Bahrein… En plus des traitements donnés aux populations sur le terrain, le CSCOM fait aussi de l’évacuation des malades vers les hôpitaux des grandes villes comme Tombouctou en cas de situation d’urgence ou grave. « Le cas qui m’est resté en mémoire est celui de Oumar Ould Wanna. Le jeune homme était sur son chameau entre les campements jusqu’à ce qu’il soit terrassé par la foudre en 2010 dans le secteur N’gouzma. La moitié de son corps a été brulé. Heureusement nous étions à quelques kilomètres, les autres membres du campement nous ont appelés et on l’a évacué tout de suite sur Tombouctou. Il était dans le coma. Après un mois de traitement, il est guéri » témoigne le médecin du CSCOM mobile Dr Salah Garba. Un tour à l’hôpital régional de Tombouctou. Ici se trouve Fatimatou mint Elbachir, elle vient de la localité de Lahweibya près de Tichif (à 120km nord de Tombouctou). Lors de son accouchement, Fatimatou a rencontré des complications liées au travail.  Les femmes accoucheuses traditionnelles n’ont pas pu faire quelque chose. Elle a été évacuée par la voiture du CSCOM mobile sur l’hôpital régional de Tombouctou où elle a pu accoucher avec l’aide des médecins. «  L’équipe du CSCOM étaient à 20km de notre campement, mon mari est parti en chameau pour L’alerter. Ils m’ont amené ici. Dieu merci, l’accouchement s’est bien passé par la suite. Je remercie et Dieu et cette équipe pour m’avoir sauvé la vie et celle de mon bébé » nous confie cette dame. Le CSCOM mobile et mixte traite en moyenne 400 à 500 personnes et 14.000 têtes d’animaux selon le rapport des missions effectuées sur le terrain. Il arrive souvent qu’on soit en rupture de stocks des médicaments qu’on amène sur le terrain alors que la mission n’est pas encore terminée. Alors la voiture retourne à Tombouctou pour ramener les médicaments et autres bandages nécessaires pour les soins.

Un CSCOM légalisé par la réalité du terrain

«Ce genre de CSCOM n’existait pas dans la loi malienne, mais nous avons bataillé fort pour l’avoir afin de répondre aux exigences du terrain » explique le président de l’Association ALfarha/ Talawite, qui a crée ce CSCOM. Au Mali, un CSCOM mobile et mixte n’était pas autorisé par la loi mais par la force des choses, les autorités du pays ont fini par légaliser ce genre de structures. « Nous sommes partis d’un constat qu’un CSCOM normal ne couvre qu’un rayon de 15km d’où son lieu d’implantation. Ce qui fait qu’en zone nomade, un CSCOM normal ne pourra ne pas toucher un grand monde dans une localité précise. C’est comme ça que nous avons fait un projet pour faire un CSCOM mixte qui prend en compte la santé des nomades et des animaux » précise le président de l’association Alfarha Talawitt, M Hadala Ould Ali. Les opérations du CSCOM ont commencé par le choix des sites où les équipes passeront pour les missions. Sur le terrain, le temps que l’équipe doit passer sur un site est en rapport avec le nombre de sa population mais aussi avec la distance entre les différents campements. « Lorsque nous arrivons sur un site, nous pouvons faire 3 à 4 jours sur place. Et de bouche à oreilles les populations nomades apprendront que nous sommes venus au site. Ils feront le déplacement pour venir nous rencontrer afin de bénéficier des soins » raconte Abdel Aziz Ould Mohamed, chef du projet exécutif du CSCOM mobile mixte. Et le Dr Garba d’ajouter

« Aujourd’hui, nous traitons des malades situés à des centaines de Kilomètres de Tombouctou au milieu du désert. Ce sont des gens qui à cause de l’éloignement de Tombouctou n’avaient pas les moyens et souvent le temps d’amener les malades à Tombouctou». Les maladies rencontrées souffrent le plus souvent du paludisme, la grippe et autres maladies liées à la zone. Pour les animaux ce sont des cas de fièvre animale, des ganglions, des tiques… Je suis en train d’acquérir une expérience inédite non seulement sur le plan clinique (une pathologie difficile à voir en ville) et sur le plan humanitaire (se déplacer pour soigner des gens qui échappent au système sanitaire national) », nous confie le médecin du CSCOM mobile.

Difficile de soigner  les nomades

Les opérations du CSCOM mobile ont commencé en juin 2007. Au début, les nomades avaient peur des médecins et des produits pharmaceutiques. « Personne ne voulait qu’il soit consulté ou traité par l’équipe du CSCOM. Les nomades avaient peur des vaccins car pour eux ceci pouvait les tuer.  Mais après les sensibilisations, aujourd’hui, les populations nomades sont même pressées que le CSCOM mobile vienne dans leur localité » raconte le président de l’Association Hadala Ould Ali. Qui ajoute « nous étions obligés de choisir une infirmière et non un infirmier car les femmes nomades n’acceptent pas d’être consultées par les hommes».  Le CSCOM facile l’acquisition des médicaments aux nomades mais aussi le traitement et l’évacuation sur l’hôpital régional de Tombouctou. « Avant seuls ceux qui avaient les moyens pouvaient louer une voiture pour transporter leurs malades vers l’hôpital de Tombouctou à coup de plusieurs centaines de FCFA. Dieu merci, avec la présence de l’équipe du CSCOM c’est devenu pratique et cette population préfère attendre l’arrivée du CSCOM Mobile pour se soigner ou évacuer les cas critiques vers Tombouctou » raconte le chef du Projet Vétérinaire sans Frontière dont le projet participe aux activités du CSCOM mobile. « Toutes les femmes sont consultées aujourd’hui de façon régulière par ce CSCOM, ce qui était inimaginable jusqu’à une date récente » fait remarquer le président de l’Association AL Farha/Talawite. En ce qui concerne les animaux, le vétérinaire Abdoul Aziz El ansari dira que « Grâce à ce CSCOM, nous avons pu sauver des milliers de cheptels. Avant quand une épidémie venait dans la zone, plus de la moitié des animaux mouraient, mais aujourd’hui grâce à cette stratégie adaptée aux nomades, il y a moins de pertes des animaux ». Il est nécessaire de créer d’autres CSCOM mobiles et mixtes dans le Sahara du Mali pour une large couverture sanitaire des populations nomades.
Baba Ahmed,
 Envoyé spécial dans la région de Tombouctou

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