Difficile cohabitation entre crise alimentaire et lutte contre le COVID-19 : Le CILSS crie de toutes ses forces

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La pandémie du COVID-19 masque une crise alimentaire et nutritionnelle majeure qui frappe déjà la région et pour laquelle l’urgence d’agir s’impose. L’irruption de la pandémie du COVID-19 pourrait occulter et aggraver une crise alimentaire et nutritionnelle majeure préexistante au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Des dizaines de millions de personnes sont menacées et la stabilité régionale pourrait être en jeu.

La région fait face à une superposition de plusieurs menaces affectant la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations les plus vulnérables. La campagne agropastorale 2019-20 a été globalement bonne avec une production céréalière de 74 millions de tonnes, en hausse de 12 % comparée à la moyenne des cinq dernières années. Cependant, des baisses importantes sont observées au Cap Vert (-80 %), en Gambie (-47 %), en Sierra Leone (-15 %) et au Niger (-6 %).

La situation pastorale est tendue en raison de déficits fourragers dans certains pays comme la Mauritanie, le Niger et le Sénégal, des mesures de restriction de la transhumance transfrontalière prises par certains pays, mais aussi l’inaccessibilité aux pâturages du fait de la crise sécuritaire. Les marchés de produits agricoles connaissent déjà une tendance haussière des prix qui pourrait s’accélérer avec les mesures de lutte contre le COVID-19.

L’environnement économique se dégrade sous l’effet de facteurs multiples. L’inflation et la dépréciation des devises locales affectent l’accès des ménages à une alimentation et une nutrition convenables en Gambie, en Guinée et plus particulièrement en Sierra Leone et au Libéria. De même, la chute des prix du coton et le risque de leur effondrement avec la crise sanitaire pourraient impacter dangereusement les économies locales des pays producteurs et fragiliser les revenus et les moyens d’existence des ménages. Les mesures prises pour limiter la propagation du COVID-19 (fermeture des commerces non essentiels, limitation de la mobilité) viennent aggraver cette situation économique déjà tendue. L’insécurité civile persiste dans le bassin du lac Tchad, au Liptako-Gourma, au nord et nord-ouest du Nigéria. Elle provoque d’importants flux de populations déplacées, la fermeture de nombreuses écoles et de centres de santé. Elle perturbe également le bon fonctionnement des marchés et entrave l’accès aux terres de culture et de pâturage. Dans les pays concernés, les arbitrages budgétaires entre urgences sécuritaires, sanitaires et alimentaires sont de plus en plus difficiles, voire impossibles.

Pendant que les gouvernements de la région affinent leurs stratégies et mobilisent des moyens pour contrer la pandémie du COVID-19, 17 millions de personnes, dont 7 millions pour le Nigéria seul, ont besoin d’une assistance alimentaire et nutritionnelle immédiate. Plus de 1 million d’entre eux sont en situation d’urgence. Si des mesures appropriées ne sont pas prises rapidement, les effets cumulés des crises sécuritaire et sanitaire pourraient faire basculer environ 51 millions de personnes supplémentaires dans une situation de crise alimentaire d’ici la soudure. La situation des pays les plus touchés par la crise économique mérite aussi l’attention des pouvoirs publics. C’est notamment le cas de la Sierra Leone qui, pour la première fois, enregistre près de 1.3 million de personnes en insécurité alimentaire et nutritionnelle. Malgré les efforts des États, la malnutrition aiguë persiste dans la région. Près de 2.5 millions d’enfants de moins de 5 ans sont touchés par le fléau dans le Sahel. La situation pourrait se dégrader rapidement avec les fermetures des écoles et des centres de santé du fait des crises sécuritaire et sanitaire. Les plans nationaux de réponse aux crises alimentaires définis par les pays souffrent d’année en année d’un déficit de financement. À peine 50 % des financements requis ont été mobilisés en 2019. La situation en 2020 nécessite un engagement politique fort et des moyens financiers plus conséquents. Les mesures de santé publique liées à la pandémie du COVID-19 constituent une sérieuse menace d’aggravation de la crise alimentaire et nutritionnelle. La crise sanitaire pèse lourdement sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle et aura de nombreuses implications.

Il est urgent d’agir immédiatement en s’appuyant sur des approches innovantes, anticipatives, flexibles et coordonnées, construites autour d’un leadership fort des organisations intergouvernementales (CEDEAO, UEMOA, CILSS).

Mahamadou YATTARA

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