Dépôts anarchiques de médicaments: Des pharmaciens indignés, tapent du poing sur la table

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Des pharmaciens dénoncent le silence des autorités devant l’entêtement des dépositaires qui foulent au pied les textes réglementaires de la profession.

Le processus de privatisation du secteur pharmaceutique enclenché par l’Etat malien dans les années 1980 a vu la création aussi bien dans les villes que dans les campagnes de dépôts de produits pharmaceutiques à côté des officines.

Toutefois, le décret n°91-106/PRM du 15 mars 1993 portant organisation des professions sanitaires en son article 54 stipule que « une autorisation d’exploiter un dépôt de produits pharmaceutiques devient caduque dans un délai d’un an à compter de la date d’ouverture d’une officine de pharmacie sise dans un rayon de 10 km à la ronde ». Aujourd’hui, cette disposition n’est pas appliquée sur le terrain au vu et au su des autorités compétentes qui n’ont pas daigné lever le petit doigt pour rétablir l’ordre dans le secteur.

Indignés, de jeunes pharmaciens tirent la sonnette d’alarme devant la violation flagrante des textes portant création et fonctionnement des dépôts et officines. « Les jeunes pharmaciens cohabitent avec des dépôts de produits pharmaceutiques en situation irrégulière. Entre deux officines, il faut un minimum de 500 m. Par contre, entre une officine et un dépôt de produits pharmaceutiques, il faut un minimum de 10 km à la ronde. Au cas où c’est l’officine qui venait de trouver le dépôt dans la localité, le dépôt a 1 an pour se délocaliser. Mais les textes tranchent avec la réalité sur le terrain », explique écœuré Dr. Abdoulaye Konaré, pharmacien à Yélimané et membre du Collectif des jeunes pharmaciens. Pour lui, cette situation est voulue et entretenue par certains de leurs confrères approvisionnant des dépôts en médicaments sans se soucier des textes au grand dam des officines.

Conspiration du silence

Au-delà de la concurrence déloyale dont ils sont victimes, Dr. Konaré affirme ne pas comprendre le silence radio des autorités compétentes. « Tout le monde sait que les dépôts appartiennent à des gens de la corporation. Les autorités compétentes n’ont jamais pipé mot pour mettre le holà sur ce qui se passe. L’entêtement des dépositaires ne s’explique ni plus ni moins que par le soutien de certains qui ont en charge l’application des textes réglementaires de la profession. Il faut de la bonne foi pour faire appliquer la loi », insiste-t-il.

Pour rendre à la profession ses lettres de noblesse, Dr. Konaré appelle les autorités compétentes à l’application correcte et scrupuleuse des textes. Aux membres de la corporation, il réclame un examen de conscience. « Le métier de pharmacien n’est pas une course à l’argent. C’est d’abord assurer la bonne distribution des médicaments ».

Comme pour apporter de l’eau à son moulin, Dr.Talhata Haïdara, excédé par le comportement de ceux qui sont les fournisseurs de médicaments aux dépôts et qu’ils avaient malheureusement d’ailleurs pris pour référence, pense qu’avec « l’Initiative Bamako » les dépôts pharmaceutiques doivent mettre la clé sous la porte pour la simple et bonne raison que les centres de santé du pays disposent actuellement des médicaments génériques.

« Nous décrions l’inapplication des textes. La profession doit se préoccuper de comment absorber les jeunes pharmaciens. Le problème nous intrigue ».

Les chiffres de répartition des officines au plan national en 2002 laissaient comprendre que plus de 70 % d’entre elles étaient basées à Bamako. Naguère accusés de vouloir rester à Bamako, des jeunes pharmaciens, qui ont pris le courage de s’installer dans d’autres localités du pays, se sentent malheureusement abandonnés à leur sort.

Mohamed Daou

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