Pour son rapport pour l’année 2017, le Bureau du Vérificateur Général a initié une mission de vérification de performance des établissements de santé privés des Districts Sanitaires de Bamako et de Sikasso pour la période 1991-2016. Cette mission a relevé de nombreux dysfonctionnements qui se sont caractérisés par des manquements dans les procédures de délivrance des autorisations de création et d’exploitation des établissements de santé privés et des insuffisances dans les mécanismes d’appui, de contrôle et de suivi.
Pour le rapport 2017 du Bureau du Vérificateur général, l’Ordre National des Médecins ne procède pas à la matérialisation du rejet des dossiers incomplets de demande de création des établissements de santé à but lucratif. En effet, au lieu de les enregistrer et demander le complément des dossiers suivant la voie administrative, il informe verbalement les demandeurs des pièces manquantes et ceux-ci complètent leur dossier avant que l’Ordre ne les traite et ne les transmette à la Direction Nationale de la Santé. Ce qui ne permet pas de se prononcer sur l’efficience et l’efficacité de l’Ordre dans le traitement des dossiers de demande de licence. Aussi, les autorités ont irrégulièrement autorisé des créations de CSCOM. Ainsi, contrairement aux dispositions réglementaires, les demandes de création de CSCOM ne sont pas accompagnées de toutes les pièces exigibles, comme la copie de la demande adressée au Maire, la note de présentation et le plan de financement. Car, la création d’un centre de santé communautaire en absence de pièces exigibles est de nature à favoriser l’ouverture de centres non conformes. En plus de ces manquements constatés, la mission a décelé de nombreuses insuffisances dans les mécanismes d’appui, de contrôle et de suivi.
Insuffisances des mécanismes d’appui, de contrôle et de suivi
Ici, on note que toutes les structures chargées du contrôle de la création et de l’exploitation des établissements de santé privés ne disposent pas de procédures formalisées. Tandis que l’Inspection et la Direction nationale de la Santé disposent de procédures et de guides préétablis pour les missions d’inspection et de supervision, l’Ordre national des Médecins et la Direction régionale de la Santé ne disposent d’aucune procédure pour les contrôles devant être effectués, en violation des dispositions réglementaires. Quant aux mairies de Bamako et de Sikasso, elles n’ont pu fournir de preuve de l’existence de procédures de contrôle des ASACO et de leurs CSCOM.
Il y a aussi une absence de procédures de contrôle qui n’assure pas une harmonisation des pratiques. Là, des insuffisances et incohérences réglementaires et législatives existent dans les textes de création et d’exploitation des centres de santé privés. Rappelons que l’Arrêté fixant les délais de délivrance des autorisations d’exercice à titre privé des professions socio-sanitaires et des licences d’exploitation d’établissement privé, charge l’inspection de délivrer les attestations de conformité ; alors que l’Ordonnance de création de l’Inspection de la Santé ne fait ressortir aucune mission en lien avec cette attribution. En outre, il n’existe pas d’arrêté d’application du Décret portant création des services régionaux et subrégionaux de la santé. Par ailleurs, il est également ressorti dans ce rapport que les polycliniques sont créées de fait, car elles ne figurent pas sur la liste des types d’établissements prévus par les textes en vigueur. De ce fait, les incohérences entre les textes sont de nature à créer des situations d’interprétations diverses.
En plus, les activités de contrôle et de supervision des différentes structures ont permis la fermeture de certaines structures de santé privées installées anarchiquement et amélioré les conditions d’hygiène.
Des Mairies et ASACO n’assurent pas les contrôle et suivi requis
Contrairement à la réglementation en vigueur, les Mairies de Bamako et de Sikasso n’assurent aucun contrôle et suivi de la gestion des CSCOM à travers leurs ASACO. À l’interne, durant la période sous revue, les comités de surveillance ne fonctionnaient pas excepté ceux des ASACO de Mancourani, Hamdallaye, Banancoda, Kouoro, Momo, Sanoubougou 1, Wayerma 1 et Kaboïla 1 à Sikasso et Boulkassoumbougou II, Sikoroni et Médina-coura à Bamako. Cette absence de contrôle ne permet pas de s’assurer de la qualité de la prestation que ces établissements offrent.
Le rapport souligne aussi que les structures chargées du traitement des demandes de licence ne respectent pas les délais réglementaires. Or, l’analyse des délais de traitement au niveau des différents intervenants a fait ressortir que les délais de délivrance dépassent les 45 jours prévus par la réglementation en vigueur. En effet, de 2014 à 2016, sur 63 dossiers transmis, 36 n’ont pas été traités dans le délai réglementaire. A titre illustratif, six dossiers ont pris 1067 à 1697 jours entre le dépôt de la demande et la signature de l’arrêté. En outre, il ressort que la détermination de ces délais est fixée par des textes qui remontent à plus de 25 ans. Le non-respect des délais peut favoriser l’installation irrégulière des promoteurs.
Aussi, le bureau du Vérificateur souligne que le ministre en charge de la Santé ne met pas en œuvre toutes les recommandations des rapports d’inspection. Ainsi, en 2013, des missions d’inspection ont recommandé la fermeture d’établissements de santé privés ne disposant pas de licence. Cette recommandation n’a pas été mise en œuvre, bien que la mission de suivi effectuée en 2015 ait révélé la même constatation. Or, sur 257 établissements de santé privés répertoriés en 2013 et qui ne disposaient pas de licence, seulement 48, soit 19% environ, en disposaient. Par conséquent, des établissements continuent de fonctionner sans autorisation. La non mise en œuvre des recommandations issues des rapports d’inspection peut encourager une anarchie dans la création et l’exploitation des structures de santé privées.
En outre, les mairies ne respectent pas leurs obligations. En effet, selon le rapport, contrairement aux dispositions du décret fixant les détails des compétences transférées de l’Etat aux collectivités territoriales aux niveaux commune et cercle en matière de santé, dans le district sanitaire de Bamako, la convention d’assistance mutuelle n’est pas signée entre la Mairie de la Commune II du district de Bamako et les 12 ASACO relevant de son aire de santé. En plus, des ASACO n’ont pas bénéficié de la dotation initiale. Parmi celles qui l’ont reçu, la nature de la dotation varie d’une ASACO à une autre. Certaines ont bénéficié de matériels roulants tandis que d’autres ont bénéficié de produits pharmaceutiques. Par ailleurs, il est également ressorti que les mairies n’apportent pas de financement dans les travaux de construction de leur CSCOM et n’exercent aucun contrôle ni suivi sur les activités des ASACO. La plupart des maires ignorent les responsabilités qui leur incombent en matière de contrôle et de gestion des ASACO. De plus, elles n’assurent pas toujours les charges salariales des agents de tous CSCOM. Le non-respect des engagements remet en cause l’application de la politique en matière de santé communautaire.
A suivre…
Dieudonné Tembely