Sans être totalement confinés, les Maliens sont frappés de plein fouet par la nouvelle cadence imposée par le Covid-19 à l’ensemble de la planète ou presque. A la fermeture des écoles s’ajoute celle des frontières puis les restrictions infligées à la circulation des personnes et leur corollaire de contrecoup à l’activité économique. C’est la conséquence des réponses conjoncturelles que les autorités maliennes, à l’instar de beaucoup de pays voisins, ont apportées face à la propagation du virus qui fait des ravages à travers le monde. Avec un plateau sanitaire manifestement inapte à contenir une éventuelle affluence, c’est l’hécatombe assurée au Mali à moins qu’une immunité naturelle des personnels atteintes ne vienne à la rescousse. C’est pourquoi l’accent a été mis sur les mesures préventives à travers des gestes barrières manifestement peu adaptés à nos réalités : distanciation d’1 mètre au moins, limitation des rassemblements à 50 personnes au plus, interdiction de se serrer la main et de partager par conséquent les mêmes objets, etc. Evidemment pénible pour une société où tout est collectif, tout est partageable et où la paupérisation oblige la majorité des consommateurs à s’approvisionner en tout au détail au jour le jour. Et dire aussi que les revenus pour ce faire s’acquièrent par le même procédé et que rares sont les activités génératrices de subsistance qui ne soient affectées par la cadence voire la psychose imprimée par la pandémie. C’est ainsi que le marché est par ailleurs approvisionné de gels et de masques plus que de tout autre produit, tandis que les stocks de denrées plus vitales s’épuisent chez les grossistes et que leurs relais de l’informel n’en ont plus à proposer aux consommateurs tout aussi désœuvrés et dépourvus de sources de revenus. Certains d’entre eux consomment déjà leurs ultimes économies en tentant de noyer leur ennui dans les parties de thé, au point d’en avoir à peine pour les blanchisseurs dont les ateliers se transforment en consignes d’habits. Plus d’envois d’argent au parent du village déjà affectés par règne et qui résisteront difficilement à la tentation de rejoindre massivement les centres urbains où le phénomène démographique rend déjà très complexe la gestion de la pandémie. Ce faisant, ils auront cédé à un instinct de survie que partageront très bientôt leurs hôtes des zones urbaines probablement guère moins fragilisés par la pénibilité du nouveau régime. Et pour cause, les mesures barrières, le couvre-feu et tout ce qui s’en suit impliquent un coût assez insupportable pour ne pouvoir être compensé par la batterie de mesures d’accompagnement promises par les hautes autorités : une réduction des tarifs d’eau et d’électricité auxquels n’a accès qu’une frange minoritaire, distributions massive de masques lavables, etc. Tout annonce, en tout état de cause, une victoire imparable de la fatalité dans la bataille de survivance contre le Covid-19. Faute de moyens pour en supporter les exigences, les Maliens préfèrent mourir au front contre la pandémie que de subir le siège de famine qu’elle leur impose.
A KEITA