Autour du globe 52 pays sont touchés par le Covid 19 et totalisent plus de 115000 décès. C’est à partir du 8 décembre 2019 que des cas se sont révélés depuis Wuhan en Chine. D’une chauve-souris, le nouveau virus aurait atteint un pangolin, dont la chaire a été consommée par un humain. Il s’en est suivi une cascade de trépas. Asie, Europe, Afrique, Etats-Unis nul n’y échappe (les Américains en sont contraints à monter des morgues mobiles et à creuser des fosses communes). A l’observation, les spécialistes repèrent que l’interaction sociale est un facteur de propagation. Aujourd’hui donc, tarder à se confiner multiplie les risques. A titre d’exemple : le taux de mortalité du Covid 19 est entre 0,5 et 5%. Mais grâce à un rapide et strict confinement, celui de la Corée du Sud est de moins de 1 %. Heureusement très loin de la situation locale. Au Mali, les deux premiers cas testés positifs l’ont été dans la nuit du 24 mars 2020 ; il s’agit d’une dame de 49 ans résidant à Bamako (Ina Maiga est guérie depuis le 10 avril dernier) et d’un homme de 62 ans se trouvant à Kayes. Tous deux étaient rentrés respectivement de France les 12 et 16 mars .Aussi à la date du 9 avril 2020, le bilan était de 5 morts pour 56 malades dont 16 sont rétablis. La situation est préoccupante et incite à trois interventions du Président de la République en moins de trois semaines. Le 10 avril, Ibrahim Boubacar Keita a fait une troisième adresse à la nation après celle du 25 mars instaurant l’état d’urgence sanitaire et un couvre- feu de 21h à 05h du matin à partir du lendemain jeudi 26 mars 2020.
Dans les trois discours, le Chef de l’Etat a préconisé les mesures de prévention de la maladie et le maintien des élections législatives réclamées par le Dialogue National Inclusif. Contre vents et marées, le premier tour a eu lieu quatre jours après la première allocution, soit le 29 mars. Avec plus de 2 millions 726 mille votants, le taux de participation a atteint 35 ,58% selon la Cour Constitutionnelle. Il fallait s’y attendre tant les candidats étaient nombreux et les Maliens incrédules du Covid19. On doit reconnaître que le Président a eu un courage historique et politique alors que plusieurs voix s’élèvent encore pour brandir le spectre de la contamination la ou les mesures barrières n’ont pas toujours été convenablement appliquées. Apres coup – dans sa dernière adresse à la nation- le Chef Suprême a assurer que les dites mesures seront renforcées pour le second tour le 19 avril 2020 .
MIEUX VAUT PREVENIR QUE GUERIR.
La réunion extraordinaire du conseil supérieur de la défense nationale avec les experts du comité scientifique du ministère de la santé et des affaires sociales et ceux de la défense du mardi 17 mars 2020 décrétait l’état d’urgence sanitaire. Avant cela tous les cas testés s’étaient avérés négatifs . « A compter du 19 mars 2020, les vols commerciaux sont suspendus, les écoles et medersas fermées pendant trois semaines, les ateliers et meeting populaires suspendus, les mariages et regroupements sportifs de plus de cinquante personnes interdits sous resserve de respect des gestes barrière et fermeture des boites de nuit et bars dancings ».Malheureusement le communiqué finit par dire que le gouvernement « engagera incessamment des consultations avec le Haut conseil d’islamique, la ligue des imams, des églises catholiques et protestantes ainsi qu’avec d’autres autorités religieuses et cultuelles du Mali afin de convenir des mesures appropriées pour assurer la santé des fidèles ».Personne n’est dupe, une communauté semble au-dessus des autres au pays qui se veut laïc. Les fidèles musulmans comptent peu, les leaders religieux et les opérateurs économiques sont si puissants.
DISCOURS NON COVIDIEN ?
Si à quelque chose malheur serait bon, le discours présidentiel est de plus en plus audible en ce sens que des décisions en sortent – l’application en est une autre paire de manches- et qu’on a nettement l’impression que l’homme de la rue est entendu. Les préoccupations du citoyen lambda seraient désormais remontées a Koulouba. On attendait depuis belle lurette que le pouvoir donne l’exemple, l’opposant et le contribuable l’ont réclamé et redit depuis le déclenchement de la crise sécurito – politique en 2012.La survenue du Covid 19 était une opportunité d’autant plus que dans plusieurs pays, les membres de la classe dirigeante mettent la main au portefeuille. Aussi, après la décision présidentielle d’octroi de 6 milliards 300 millions du budget national à la lutte contre le virus et les six millions offerts par les présidents d’institutions (nul ne se sauvera tout seul),les dernières annonces sont des plus propices.Ibrahim Boubacar Keita décide d’offrir trois mois de salaire pour la bonne cause, le Premier Ministre consentira deux mois et chaque membre du gouvernement un mois. Ce n’est pas trop tôt.Le pactole servira certainement à prévenir des souffrances, à condition qu’il ne soit géré par ceux-là mêmes qui viennent de le débourser. Bien sûr que pour se consoler, on pourrait en dire qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, alors qu’en fait les lenteurs et hésitations sont sources de drames dans le cas du nouveau virus.
Dans tous les cas, il nous semble encore fondé de déplorer que si l’exécutif a pris des décisions salutaires, leur application reste un défi majeur. Tant on a peu l’impression que le pouvoir assume ses prérogatives, tant il subit des chantages, tant une méfiance s’est installée entre dirigeants et populations. La raison en étant que corruption et favoritisme continuent d’avoir pignon sur la rue malgré les efforts du gouvernement et des institutions judiciaires. Paradoxalement a la crise sanitaire mondiale les principaux lieux de rassemblements à travers le Mali restent les marchés approvisionnés par de gros importateurs et les mosquées, les stades étant fermés .Pourtant la fermeture du lieu de culte n’est pas décrétée, les mesures barrière encore moins respectées dans ces lieux .Quant aux marchés, ils sont loin d’être décongestionnés. Le 7avril 2020 le ministère du commerce et de l’industrie a timidement décidé « l’ouverture des alimentations et supermarchés de 8h à 19 h et les boutiques de quartiers de 6h à 20h ».Avec le couvre-feu à 21H cette mesure semble un coup d’épée dans l’eau alors que le problème est bien ailleurs. Dans les boutiques et supermarchés le mouvement est fluide il n’ y ’a pas d’attroupements et les promoteurs peuvent bien assainir les lieux et les articles. Le plus important ce sont les mesures de prévention qui sont à observées par commerçants et clients plutôt que de divertir avec des heures d’ouverture ou de fermetures connues de tous. Le département ferait meilleure figure en maintenant les prix des denrées de grande consommation, surtout que le Chef de l’État se réfère à la perspective du mois de ramadan pour inviter les revendeurs à cela. Une autre gageure quand on sait qu’aucun régime depuis l’instauration de la démocratie n’a pu stabiliser les prix malgré les milliards de subventions consentis chaque année à la même période. Des membres de gouvernement ont même souvent investi le plateau de la télévision nationale pour défendre les opérateurs économiques. Toutes choses qui en apportent au discrédit des dirigeants. Pour sûr, les mesures d’accompagnement – telles la réduction des tarifs d’eau et d’électricité et des taxes sur le riz et le lait -dont pourraient bénéficier les moins nantis sont propices .Même s’ils persistent des doutes quant à une meilleure attribution ou sélection des bénéficiaires. En fin de compte, le discours présidentiel a gagné en concision et en clarté. « Dr IBK » est au chevet de ses compatriotes, autant que le mâcon, le Président sera jugé au pied du mur.
Moise TRAORE