Coronavirus : Etre particulier et intermédiaire

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Après tant d’années de développement économique, humain, scientifique, nous constatons que nous partageons certaines valeurs, mœurs, coutumes, communes. Nos sociétés sont régulées par des institutions ou des structures sociales qui ont comme caractéristique une certaine stabilité et durabilité. De toute évidence, des spécificités existent en commun entre les institutions ou structures sociales au niveau mondial.

 

Par le biais de nos croyances, de nos modes de pensée, des formes d’organisation, des habitudes, des règles de conduites, nous voyons que les institutions sont des agents régulateurs de nos interactions et de nos rapports sociaux. Elles peuvent être considérées comme des moyens d’accomplissement des volontés individuelles. Notre adhésion à elles apporte d’autres relations, de la sécurité. Elles participent à l’amélioration de nos situations humaines, nous socialisent ou sociabilisent et nous humanisent.

Par nos actions nous les faisons évoluer. Leur perpétuation passe par nos interactions multiples. Les institutions ont donc une influence sur notre manière d’exister. De façon générale, nos existences sont impactées et connaissent les mêmes mécanismes dans les différentes institutions qui nous abritent. On arrive au constat que les institutions évoluent entre actions et adaptations, influences et réciprocités.

Les différentes institutions structurant nos comportements sont des loges d’acteurs agissant dans la coopération et la compétition. Les concurrences, les tensions dans les relations, les rapports humains relèvent de l’évidence.

En cette période de pandémie du coronavirus, on peut s’interroger sur l’émergence de nouvelles orientations des doctrines économiques. Quelle conséquence aura la pandémie sur le plan humain et économique ? Nous traversons une période de stimulation intellectuelle, de redéfinition des rapports de force sur le terrain idéologique et politique, des lignes de conduite, de reconstruction de nos économies, de nos liens sociaux.

Quelles que soient les issues de cette confrontation, la spécificité du coronavirus est que les acteurs du champ économique auront des comportements dirigés par de nouveaux principes.

Les systèmes et modèles économiques actuels perçoivent l’importance de l’humain et de sa place. Les valeurs et principes de cette période de confinement sur le plan humain, social, aideront-ils une transformation, une prise de conscience de notre façon de concevoir les rapports de production ? Cette pandémie ne remet pas en cause le travail qui est un vecteur d’intégration sociale, d’ennoblissement de l’individu.

Le coronavirus, avec ses conséquences économiques, se traduit par des destructions d’emploi et par une hausse du chômage. La fermeture des frontières a des répercutions désastreuses sur les économiques des pays du sud. Les travailleurs étrangers dans les pays du Nord sont les espoirs pour des milliers de personnes. Les éboueurs, les agents d’entretien pour ne citer que ceux-ci semblent plus exposés. Ils vivent dans des souffrances diverses, voire subissent des peines multiples. Ils se sont exilés de leur pays d’origine, ont migré pour se porter en soutien aux leurs restés sur place. Il arrive qu’avec leur salaire mensuel ils nourrissent, scolarisent, soignent dans leurs villages et villes vingt, trente voire quarante personnes. La mauvaise gouvernance dans les pays de départ, les difficultés économiques des parents laissés sans espoirs, la peur d’attraper le virus dans les lieux de travail, l’impossibilité d’être présents pour faire leur deuil lors de la perte d’un parent ou d’un être cher sont encore des difficultés qu’ils traversent au quotidien. En plus des restrictions de mobilité, les pays et les individus doivent faire face aux risques de virus informatiques, de divulgation de données sensibles.

Le coronavirus impose sa particularité dans les échanges mondiaux. Les cours de matières premières produites dans les pays du Sud risquent d’en prendre un coup. Des pays comme le Mali a produit 60,8 tonnes d’or en 2018 soit 23 % d’augmentation. Cette matière première fournit les trois quarts des recettes d’exportation du pays. Avec 13 mines actives, l’industrie minière emploie 12 000 salariés. L’orpaillage artisanal en emploierait 200 000 avec une production annuelle entre 5 à 20 tonnes. L’exploitation de l’or est chiffrée à 1200 milliards de F CFA en cette année soit près de 70 % des exportations totales du pays. L’or reste un moteur dans l’économie malienne. Son sous-sol est riche en calcium avec une réserve de 122 tonnes, du marbre (60 millions de tonnes), de la bauxite (1,5 milliards de tonnes), le manganèse (150 millions de tonnes), le plomb et le zinc (1,7 millions de tonnes), le fer (2 milliards de tonnes). Selon des études de préfaisabilité, la production du Lithium avoisinerait 362 000 tonnes de concentré annuellement durant 16 ans.

Avec 725 000 tonnes de coton graine annuels, le Mali est placé au rang de premier producteur de coton en 2018. Cette filière représente 15 % de PIB (Produit Intérieur Brut) du pays. Quatre millions de Maliens vivent directement de la culture du coton. La compagnie malienne de textile CMDT exporte 97 % du coton fibre pour un chiffre d’affaire environ 215 milliards de F CFA soit 328 millions d’euros. Le Mali utilise juste 3 % de sa production de coton dans son industrie. En cette pandémie de coronavirus, le coton malien peut-il connaître une meilleure valorisation ?

Ces différentes ressources et productions constituent un apport essentiel dans les budgets des pays producteurs, une attention particulière mérite d’être portée aux échanges commerciaux pour éviter des déséquilibres entre les êtres humains de la même planète. La pauvreté, la misère ne sont pas des fatalités. Elles peuvent être liées aux doctrines économiques, aux rapports et enjeux géopolitiques, aux perceptions portées sur les autres cultures. Les populations de ces pays – dans lesquels le sous-sol regorge ces potentialités économiques -sont-elles considérées comme des êtres humains au même titre que les autres ? Leurs populations ont-elles droit à la vie, au bien être, à une éducation, à la santé ?

Faut-il fermer les yeux sur ces inégalités, ces injustices qui menacent notre humanité, cohésion sociale, le vivre ensemble ? Bien que plus faibles dans la structuration de l’économie mondiale actuelle, ces pays du sud peuvent-ils tirer bénéfice de cette situation particulière qui traverse l’humanité ? L’enrichissement des pays du Sud poserait-il un problème aux pays industrialisés ? Si l’humanité traverse les mêmes difficultés sanitaires et humaines avec cette pandémie du coronavirus, il serait regrettable qu’elle ne soit pas une opportunité dans ces pays classés sous-développés et vulnérables économiquement pour faire face aux dégâts des phénomènes climatiques qui accentuent les migrations. De même que tous les scientifiques du monde s’activent pour contenir ce virus, n’est-il pas temps pour les hommes politiques de prendre conscience de la détresse de l’humanité ?

Cette pandémie peut être un espoir pour ces pays, pour chaque individu. Elle dope notre capacité de créativité, d’innovation. C’est une opportunité offerte pour comprendre notre infrastructure humaine, personnelle, individuelle, intellectuelle. Le coronavirus impulse nos capacités d’imagination, d’innovations, de productions, de transformations, de potentialités de sociabilités, d’humanités.

Cette crise fait émerger de nouveaux individus ayant conscience de leur existence. Longtemps sous l’emprise des réseaux sociaux et de la nouvelle technologie, les individus ont pris conscience de la dimension humaine dans leur approche avec l’autre. Le combat qui semble actualité maintenant est celui de la sociabilité. Des configurations individualistes peuvent laisser place à des visions humanistes. A travers cette crise sanitaire, le monde se conçoit en unités, en liens, où tous peuvent gagner s’ils restent ensemble. Les leçons de courage et d’humanité des agents de santé donnent espoir pour aller vers un monde plus humain.

Être intermédiaire, le coronavirus ou Covid-19 a la capacité de faire le lien entre des espaces d’action et de production, entre le global et le sectoriel. Nous le constatons à travers les multiples interactions des services sanitaires, entre le monde économique et le monde de la santé. Cette pandémie voit la mobilisation des acteurs divers qui ont la possibilité de mettre en commun leurs connaissances pour donner espoir aux milliers de malades de pouvoir un jour partager les mêmes bonheurs. Les agents de la santé tiennent à donner sens à la vie par vocation, mais aussi par le fait de leur connaissance de la vie humaine. Ils nous aident à être maître de notre existence, à croître et à participer à la croissance humaine et économique. Ils nous donnent la vie pour qu’à notre tour nous arrivions à faire vivre le cycle de l’humanité, à être une courroie de transmission de la vie et de l’espoir. A travers eux nous devenons des acteurs de communication, de mise en relation. Ils induisent un mécanisme générateur de liens sociaux.

Le temps actuel nous est donné pour gérer de manière collective et responsable l’avenir de l’humanité quelle que soit la différence de culture, de couleur, de religion. Quant aux pays du sud à faible développement économique actuellement, leur destin est entre la solidarité ou la cohésion sociale et les enjeux géopolitiques.

Moïse Diawara

Sociologue

Centre Max Weber- Lyon

diawaramoise@gmail.com

 

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