Bien que néfastes, la jeunesse malienne est de plus en plus accrochée aux drogues. Elle ne cède devant rien pour assouvir l’envie malsaine en niant totalement les conséquences liées à la consommation.
Pourtant, ces produits psychotropes sont des substances nocives et créent un problème de dépendance. Ils sont constitués de manière à modifier la conscience et le comportement de l’utilisateur.
La consommation régulière est perçue pour certains comme une transgression de l’interdit à caractère initiatique. La drogue en soi véhicule une double dimension. Négative de par le risque et les conséquences graves que peut entraîner sa consommation. Positive en raison de la puissance symbolique de l’interdit qu’elle exerce chez les jeunes, selon les psychologues.
Disponible dans tous les coins et recoins de Bamako, ces produits font l’objet d’une consommation généralisée observable chez les jeunes de 15 à 20 ans. Ce qui fait que le Mali figure désormais sur la liste des pays où le taux de consommation des stupéfiants est le plus élevé selon une étude récente menée par l’OMS.
L’adolescence est une période privilégiée, de quête et d’expérimentations nouvelles, propices à l’adoption de comportement à risque. La consommation des stupéfiants appartient à cette panoplie de comportement dont les adolescents sont particulièrement friands. “Le façonnement de l’enfant doit être fait par les deux parents. La tendresse, l’amour, la délicatesse… sont transmis par la mère. Le caractère, la bravoure, la lutte pour un meilleur avenir sont inculqués par le père”, explique le psychologue Chérif Cissé.
“Le relâchement dans l’éducation crée le vide dans l’existence de l’enfant. La nature ayant horreur du vide. Ce vide sera comblé d’une manière ou d’une autre. Il souhaitera intégrer un groupe auquel il pourra s’identifier pour réduire les tensions psychiques, attirer l’attention des parents. Ce sont là des raisons qui poussent le plus souvent l’enfant à passer à l’acte. Déjà en rupture avec son milieu familial, toujours immergé dans les milieux où la consommation de la drogue est importante. C’est ainsi que la drogue commence à avoir droit de cité. Encore plus rapidement lorsque la recherche de repère et d’identité se révèle difficile” ajoute Chérif Cissé un psychologue.
L’avancée de la consommation, jusque-là visible dans les milieux favorisés (expatriés, commerçants libanais et fils de la grande bourgeoisie africaine…), devient de plus en plus inquiétante. Elle touche de nos jours les milieux populaires.
Selon le psychologue Chérif Cissé, cette avancée de la consommation de la drogue dans les milieux populaires est due à la mondialisation. C’est un phénomène qui favorise tout. Dès lors, il nous faut des capacités d’adaptation, car la drogue se démocratise. Au moins une formule intermédiaire, précise-t-il. La drogue s’habitue aux catégories de personnes. La stratégie des trafiquants est d’abord de l’offrir à des prix très bas qui sont progressivement relevés. Lorsqu’il existe une clientèle “accrochée”. Comme ailleurs, les toxicomanes, pour se procurer l’argent nécessaire, doivent entrer dans la délinquance.
Dans les pays en développement, les activités illicites profitent à la déliquescence des Etats qui ont tous les peines du monde à affirmer leurs souverainetés. La mondialisation contribue largement à l’expansion des mafias. Car à chaque fois que le capitalisme gagne du terrain, les mafias se multiplient et communiquent entre elles. Une connexion est ainsi créée entre elles à travers tous les continents. Ils créent des réseaux afin de s’échanger les marchandises.
L’alcool, le cannabis, le chanvre indien, la cocaïne, la cigarette… puisque c’est d’eux dont il est question, sont des produits psycho actifs. Des produits agissant sur le fonctionnement du cerveau. Ils modifient la conscience et la perception, et aussi surtout le comportement.
Prendre l’apéritif entre amis, boire un verre après le travail, fumer une mèche de cigarette pour calme les nerfs sont des actes anodins pouvant aboutir à la dépendance, selon les psychologues. Ces produits ne calmeraient pas les nerfs. Autrement, ils n’ont aucun effet sur nos états d’âme.
Selon S. Konaté, “les jeunes consomment la drogue pour le plaisir. Au début, ils le font pour frimer et impressionnent les gens. Par la suite ils y sont piégés” or une fois qu’on est accroc, c’est comme se trouver à un point de non-retour.
Et si pour S. Konaté la consommation procure du plaisir aux jeunes, par contre pour Moussa Koné, c’est un problème de conscience. “Les jeunes amateurs sont d’une vacuité sans limites. Ils oublient que l’avenir, leur avenir, celui de leurs familles et celui de leurs pays, ne passera pas par les boites. S’amuser est vitale pour l’esprit, mais pas au point de sacrifier l’avenir”.
“L’adduction commence avec la concentration de la drogue dans le sang. Elle dépend de la quantité consommée, de la vitesse de la consommation et le fait d’avoir mangé ou non. De plus, chaque individu réagit différemment selon son état de santé, de fatigue, d’humeur, témoigne la spécialiste Djénéba Sora, qui ajoute qu’une consommation abusive peut causer de nombreux problèmes.
Des recherches démontrent que le risque de subir des dommages cérébraux durables dus à une consommation abusive de la drogue est plus élevé chez les jeunes, dont le cerveau est toujours en développement, que chez les adultes. Parmi les conséquences figurent la mort, les blessures et la violence.
“La consommation régulière de la drogue peut progressivement entraîner soit une tolérance qui est la nécessité d’augmenter les doses pour ressentir le même effet. Ou encore plus grave une dépendance qui est l’impossibilité de s’abstenir de consommer sous peine de malaise, de souffrance psychologique et/ou physique. Plus on est amené à consommer ces substances psychotropes jeunes, plus on a de la chance d’en être dépendant à l’âge adulte et même développer une dépendance sévère”, fait savoir Djénéba Sora.
A nos jours, le Mali ne dispose pas de structure digne de ce nom pour la prise en charge des drogués. La prévention est alors notre plus belle arme contre ce fléau. Nous devrons mener une lutte à mort contre ces tueurs silencieux.
Plus d’une dizaine d’association au Mali milite pour la cause désormais. Ainsi au cours de notre enquête, nous avons rencontré le réseau de lutte contre le tabac et les autres stupéfiants au Mali (Relutas-Mali). Créé le 4 aout 2010 grâce à l’appui technique et financier de l’OMS et du ministère de la Santé, le Relutas-Mali est une association faitière. C’est un regroupement de 10 associations et ONG dans la lutte contre le tabac et autres stupéfiants au Mali. Selon le vice-président Me Mahamane Cissé, “au Mali, le phénomène des stupéfiants est peu connu. Cependant, les différentes enquêtes effectuées ont démontré que le fléau gagne du terrain avec plus de jeunes et femmes consommateurs”.
Le commerce illicite des produits est un vaste sujet de préoccupation notamment du point de vue sanitaire, juridique, économique et social. “Le commerce illicite est néfaste parce qu’ils rendent les jeunes ‘accros’ aux expériences avec les stupéfiants. Ils induisent en erreur les jeunes consommateurs, car les mises en garde ne sont pas affichées et des enfants participent parfois aux activités de vente illégale. Il renforce la corruption et affaiblit la bonne gouvernance. La lutte contre le trafic n’est pas une priorité pour le gouvernement malien. Nous sommes tentés de dire qu’ils sont protégés par l’Etat, car il n’y a jusque-là d’engagements en faveur de la lutte”, affirme Me Cissé.
A l’instar de la communauté internationale, le Mali célèbre chaque année la journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue. Cette année le thème portait sur “la problématique de la consommation et du trafic de drogue sur les axes routiers et dans les mines d’or”. Les festivités ont été délocalisées dans la troisième région.
Le choix de Sikasso tient au fait que la ville est au carrefour de deux routes internationales et que la troisième région abrite la majorité des sites d’orpaillages où la consommation de stupéfiants est très répandue. Il a expliqué que ces lieux sont devenus des nids criminogènes où l’on trouve des bandits de tout acabit. Dans le seul but d’être endurants, et descendre dans les puits aurifères et tenir toute la journée, les orpailleurs s’adonnent à la consommation de la drogue. La consommation constitue l’une des causes principales des accidents sur les axes routiers.
Me Cissé a cité les statistiques de l’Agence nationale de la sécurité routière qui révèlent que les deux tiers des accidents sont dus à la consommation de stupéfiants. Et selon l’enquête GYTS de l’OMS, la prévalence du tabagisme chez les jeunes est de 29 % au Mali.
Hawa Sy Stagiaire