Affaire médicaments périmés à Diré :Le juge stagiaire se fend d’un verdict ‘’injuste’’

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Pour avoir dénoncé le dépôt de médicaments périmés dans le CSCOM ‘Bah Aly TRAORE’ de Diré, quatre (4) membres du Regroupement pour la défense des consommateurs du Mali ont été arrêtés et jetés en prison. Lisez plutôt la lettre ouverte du Redecoma adressée au Premier ministre.

Lettre ouverte à son Excellence Madame le Premier Ministre Chef du Gouvernement

Excellence Madame le Premier Ministre,
En vous adressant la présente lettre en votre qualité de chef du gouvernement, le Regroupement pour la Défense des Consommateurs du Mali (REDECOMA) voudrait
Évoquer une affaire qui soulève la lancinante question de l’arbitraire et de l’irresponsabilité dont fait encore cas certains de nos concitoyens, entravant du coup l’état de notre démocratie et des Droits de l’Homme dans notre pays.

De quoi s’agit-il exactement ?
Le Regroupement pour la Défense des Consommateurs du Mali (Redecoma) est une Organisation née le 10 juillet 1992 à la bourse du travail, et a obtenu son récépissé n°854 du 26 août 1992.

Au nombre des objectifs, on peut citer entre autres la Défense des intérêts et Droits des consommateurs du Mali.

Le Redecoma est une organisation apolitique, et à but non lucratif ayant à sa tête un Bureau Exécutif National dont le siège est fixé à Bamako et des cellules à l’intérieur du Mali.

Le Redecoma est une composante de la société civile du Mali, il est aussi affilié, depuis Novembre 2004 sous le N°2054, à l’Organisation Internationale des Consommateurs (O I C) dont le siège est à Londres.

La Commune Urbaine de DIRE abrite une cellule Redecoma appelée cellule Redecoma de Diré mise en place en Novembre 2008, ayant à sa tête un bureau de cinq (5) membres et comme secrétaire général Bocar Baba Haïdara. Ce bureau, à l’instar de tous les autres faut- il le souligner travaille dans un bénévolat total.

Dès la mise en place de ladite cellule, les membres du bureau ont rendu une visite de courtoisie aux différentes autorités locales de la ville de Diré pour se faire connaître en vue d’une bonne collaboration, et recevoir des conseils de la part de ces autorités.

C’est ainsi que la cellule Redecoma de Diré a été impliquée dans la gestion des sorties incontrôlées du riz dont les effets peuvent être ressentis par les populations plus tard, ensuite ce fut le cas des tarifs de l’eau distribuée dans la ville de Diré, pour ne citer que ces deux exemples qui illustrent une collaboration très fructueuse.

Mais voilà qu’à la fin du mois de janvier 2011 et au début du mois de février 2011, la cellule Redecoma de Diré a reçu des informations selon lesquelles des médicaments périmés existeraient au CSCOM ‘Bah Aly TRAORE’ de Diré qui vient d’être nouvellement inauguré. La cellule Redecoma s’est inquiété de cette situation, et à juste raison, tout de même très grave et à chercher à vérifier le bien fondé de ces informations.

L’approche utilisée par la Cellule a été de se rendre audit CSCOM pour vérifier si effectivement il existe des médicaments périmés dans ce CSCOM.

Les responsables de la cellule Redecoma ont pu constater de visu qu’effectivement des médicaments périmés existent bel et bien dans ce CSCOM, car le responsable en charge de la gestion des médicaments de façon générale leur a même montré deux cartons dans lesquels ces médicaments périmés étaient conservés après leur retrait des rayons de vente.

Après ce constat, les responsables de la cellule Redecoma se sont rendus chez le Sous-préfet Central pour l’en informer et insister sur le danger que peut constituer la garde de ces médicaments périmés dans le même CSCOM.

La pratique veut qu’en la matière, tous produits ou médicaments périmés constatés ou signalés, soient retirés des rayons et des stocks, puis conservés en un lieu autre que la structure qui les détenait. Or, dans le cas du CSCOM ‘ Bah Aly TRAORE’ de Diré, les médicaments périmés étaient encore là, avec le risque que cela peut comporter.

Dans le cadre de la gestion du même problème, le Sous-préfet central a organisé une concertation à laquelle la cellule Redecoma de Diré a participé afin de trouver une solution au problème. A l’issue de cette rencontre, le Sous-préfet Central de Diré a rassuré les responsables de la cellule Redecoma de Diré que des dispositions diligentes seront prises pour la destruction desdits médicaments périmés, et qu’ils y seront associés.

Devant la lenteur de la destruction des médicaments périmés, la cellule Redecoma a jugé nécessaire de procéder à une information/sensibilisation de la population très inquiète et très apeurée à travers une émission réalisée à la radio locale DIIRI de Diré, en vue de les informer de la décision issue de la rencontre avec le Sous-préfet Central de Diré relative à la destruction de ces médicaments périmés ; quoi de plus normal qu’une mise en commun avec les populations pour les rassurer.

Alors, le fait d’aller constater l’existence effective des médicaments périmés dans le CSCOM ‘Bah Aly TRAORE’ de Diré d’une part, et le fait d’avoir organisé une émission à la radio locale DIIRI de Diré, d’autre part ont été considérés comme une violation de domicile public et une dénonciation calomnieuse selon le Président du comité de gestion dudit CSCOM qui, dans un premier temps a voulu porter plainte contre les membres de la cellule Redecoma de Diré, mais en a été dissuadé. Mais dans un second temps, puisque c’était l’occasion rêvée pour régler des comptes politiques, alors le Président du comité de gestion, manipulé et désorienté est encouragé pour introduire une plainte contre les membres de la cellule Redecoma de Diré et bénéficiera de soutiens de hauts responsables politiques de Diré.

Selon nos propres observations la délégation a appris que Diré est une ville très politisée ; où tout est ramener à la politique.

Effectivement nous avons pu le constater lors de la visite de courtoisie que nous avons rendu au juge de Diré, qui au cours de notre entretien, ne cessait de nous dire et redire l’appartenance politique de nos représentants à Diré, qui de surcroit se trouvent tous être des opposants politiques. Pour certains, le verdict était déjà connu.

Et comme dans un feuilleton de gangs, quatre membres de la Cellule seront emprisonnés, jugés et condamnés pour avoir servi les intérêts de la population contre des sordides et irresponsables.

Excellence Madame le Premier Ministre, vous allez vous en rendre compte, en suivant l’évolution des choses: tout avait été mis en œuvre pour emprisonner les responsables de la cellule Redecoma de Diré.

L’évolution rapide de la procédure allant du dépôt de la plainte à la police pour " violation de domaine public et dénonciation calomnieuse ", suivi de leurs dépositions au niveau de cette même police le 10 février 2011, ensuite conduits sous escorte policière devant le juge le vendredi 11 février 2011 qui, après les avoir écoutés brièvement, parce qu’ ils n’ont pas eu le temps de s’expliquer, les envoie illico en prison pour : "violation de domicile et dénonciation calomnieuse ", montre à suffisance que tout a été mis en branle pour humilier ces honnêtes cadres, ces hauts responsables et très respectueux de la cellule Redecoma de Diré, dans l’exercice de leur mission consumériste de veille et d’alerte des consommateurs de biens et services, tout cela dans un bénévolat absolu. Ils bénéficieront de la liberté provisoire après plusieurs tractations faites par le B E N du Redecoma après y avoir passé 13 jours de privation de liberté (du 11 février 2011, au 23 février 2011). Quels besoins y avait- il d’emprisonner ces personnalités comme si c’étaient des bandits de grand chemin, des criminels qui pouvaient fuir si de telles précautions ne sont pas prises ; sauf qu’on a le pouvoir et on en abuse encore dans ce pays que nous voulons un exemple de démocratie et de Droits de l’Homme, et allant même à y mêler la politique, en prêtant le flanc au règlement de compte entre politiciens. Notre Mali démocratique n’en a pas besoin et le Redecoma vous demande avec véhémence de mettre fin à de telles pratiques, et même les éviter.

Pour continuer le feuilleton, au moment même où ils bénéficiaient de la liberté provisoire, ils ont été informés que leur procès est fixé au mardi 29 mars 2011.

Informé de la date du procès, le B E N du Redecoma a décidé d’envoyer une délégation à Diré pour assister au procès et apporter un soutien moral à ses représentants durement affectés. Cette mission a été possible grâce aux soutiens des bonnes volontés que nous remercions au passage.

Le jour du procès, un intellectuel et notable de la ville de Diré, en répondant à un appel téléphonique a dit : je cite " je suis là pour assister à un procès historique ".

En effet c’était effectivement un procès historique, car il était suivi par toute la commune. Or, de hauts responsables nous avaient même dit que c’est un évènement regrettable qui ne devrait pas arriver, et que ‘nos gens’ vont être relaxés.

C’était sans compter avec la détermination qu’avait le juge à les condamner, car inscrite au rôle comme première affaire à être jugée, elle a été la dernière à être jugée assortie d’une condamnation de quatre (4) mois de prison avec sursis et 50.000 F Cfa d’amende infligée à chacun des quatre (4) membres de la cellule Redecoma de Diré.

A l’annonce du verdict, c’est la consternation, la déception ; et on entendait des murmures : ce n’est pas possible, qu’est-ce qu’ils ont fat ? Comment des défenseurs des consommateurs peuvent être aussi méchamment traités ?

Et bien c’était ça l’objectif, et il est atteint, ils ont été condamnés, et désormais ils sauront où fouiner, choisiront à qui s’attaquer. Le Redecoma tient à faire le constat que les éléments contenus dans la plainte déposés à la police mentionnés plus haut, et sur lesquels nos membres ont été entendus, ont été modifiés au niveau du juge.

D’autre part, ils n’ont jamais reconnu et devant le commissaire de police, et devant le juge avoir violé un domaine public et avoir fait de la dénonciation calomnieuse; vous pouvez envoyer une inspection pour vérifier, vous devez même le faire car la situation l’impose.

Le Redecoma ne s’attendait pas du tout à ce verdict, en raison même du service qu’il vient de rendre à la population en dénonçant cette affaire de médicaments périmés ; et lui qui aurait dû porter plainte pour détention de médicaments périmés, au lieu de cela, c’est l’inverse; autrement dit, c’est le voleur qui crie au voleur, la victime accusée et condamnée.

Les actions de protection, de sensibilisation, d’information et d’éducation des consommateurs que le Redecoma mène tant à Bamako qu’à l’intérieur du Mali à travers ses cellules sont des actions d’utilité publique.

Le problème de médicaments périmés retrouvés dans le CSCOM Bah Aly TRAORE de Diré, n’est que la face cachée de l’iceberg. Cela veut dire tout simplement que des médicaments périmés pourraient se trouver dans toutes les structures de santé ; du niveau périphérique jusqu’au niveau central ; sans oublier les pharmacies hospitalières et les officines privées, à cause du fait que le contrôle ne fonctionne pas, et les inspections ne sont pas faites à hauteur de souhait. Ceci constitue un danger permanent pour notre population.

Le Redecoma croit, jusqu’ à preuve du contraire qu’une des missions principales de tout Gouvernement est de veiller sur la santé de sa population, en lui assurant la fourniture de produits de consommation de bonne qualité, des médicaments de très bonne qualité et non le contraire.
Le Redecoma est très choqué par le verdict rendu par ce juge Stagiaire qui a présidé cette session du mardi 29 mars 2011 à Diré. Ce verdict injuste, a été immédiatement rejeté par nos membres condamnés qui ont fait appel.

En attendant de connaître l’épilogue de cette affaire, le B E N a au cours de sa réunion tenue le samedi 9 avril, décidé de vous adresser cette lettre ouverte afin que, en même temps que vous, l’opinion nationale et internationale en soit informée.

Nous osons croire que cette lettre aura son impact escompté à savoir attirer l’attention des premiers responsables et des Maliens sur l’injustice, l’irresponsabilité et le laisser-faire qui planent sur le pays.

Nous n’aurons de cesse à le dire, en saisissant cette opportunité pour rappeler le cas de l’huile périmée du PAM que le Redecoma National a eu à dénoncer depuis septembre 2010, qui demeure sans suite.

Cette importante quantité d’huile (près de 80 tonnes) a disparu dans la nature. A ce jour le Redecoma n’a reçu aucune réaction, et il paraitrait que le stock s’est volatilisé. Alors on ferme tout simplement les yeux dans un pays de démocratie et on laisse faire.

En tout cas ce n’est pas la voie indiquée pour l’atteinte des OMD, pour l’épanouissement des Maliennes et des Maliens.

Le Redecoma pense que les actions qu’il mène sur le terrain, en dénonçant, en interpelant, ou en protestant, mais aussi en informant, en sensibilisant et en éduquant concourent à la bonne gouvernance dans notre cher Mali.

Plus jamais ce qui est arrivé aux membres de la cellule Redecoma de Diré emprisonnés ne se reproduise, parce qu’ on détient le pouvoir, on en abuse oubliant que notre Constitution est d’essence démocratique.
Veuillez agréer, Excellence Madame le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Bamako, le 25 Avril 2011
Le Président du Redecoma
Badou Samounou

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