Accès aux soins de santé : Médecins sans frontières dénonce la situation au Mali

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Dans un communiqué rendu public hier, l’ONG Médecins sans frontières dénonce la situation sécuritaire et surtout les problèmes d’accès aux soins des populations dans les zones du centre et du nord du Mali. Le texte en intégralité.

L’accès aux soins de santé demeure limité au Mali, notamment en raison de la détérioration du contexte sécuritaire. Les pratiques entretenant la confusion entre les acteurs militaires et humanitaires et leurs objectifs représentent également un risque important qui peut affecter directement la capacité des populations à accéder aux soins.

Côme Niyomgabo, qui a passé deux ans en tant que chef de mission MSF dans les régions de Gao et de Kidal, s’exprime sur la détérioration de la situation dans le Nord du pays.

« Je suis arrivé au Mali en février 2015, quelques jours avant que l’accord d’Alger ne soit rendu public. Cet accord entre le gouvernement de Bamako et plusieurs groupes pro-indépendantistes et pro-gouvernementaux a finalement été signé le 20 juin de la même année, mais sa mise en œuvre a été paralysée dès le début et les hostilités entre les groupes armés dans le nord ne se sont pas arrêtées. »

Quelques mois plus tard, un pacte communautaire a été conclu entre les groupes Touaregs dans la ville d’Anefis, qui n’a pas non plus conduit à la paix et à la stabilité attendue.

« Depuis, la présence et les attaques de groupes djihadistes ont considérablement augmenté, des conflits intercommunautaires instrumentalisés par certains groupes armés ont éclaté et les actes de criminalités ont augmenté », poursuit Côme Niyomgabo.

Risques de confusion militaro-humanitaire

Ce contexte sécuritaire tendu complique l’accès des humanitaires aux populations qui ont besoin d’assistance. L’instrumentalisation de l’aide humanitaire par les deux principales opérations militaires étrangères au Mali (la MINUSMA de l’ONU et l’opération militaire française, Barkhane) fait également peser des risques conséquents sur la capacité des humanitaires à continuer leur travail afin de répondre aux besoins.

« Les militaires se rendent dans les centres de santé pour y distribuer des médicaments, non pas pour répondre à un besoin, mais pour améliorer leur image au profit de leurs propres intérêts, explique Côme Niyomgabo.

Le risque de cette politique de confusion des rôles est énorme pour MSF, étant donné que nous dépendons de l’acceptation de la population et de tous les acteurs armés pour travailler.

Si nous sommes considérés comme des collaborateurs de l’une des parties au conflit, cette acceptation peut être rompue à tout moment et nous pouvons devenir la cible d’attaques de la part d’autres groupes ».

Côme Niyomgabo a vu plusieurs fois les conséquences négatives de cette confusion entre les sphères militaires d’une part et civiles et humanitaires d’autre part.

« En janvier 2017, nous sommes allés à Douentza, au centre du Mali, pour évaluer la situation humanitaire. Quelques semaines auparavant, les élections locales avaient eu lieu.

Les militaires avaient décidé de les organiser au centre de santé. Finalement, les groupes armés opposés aux élections ont attaqué le centre de santé, le personnel a quitté la zone et le centre a fermé, privant ainsi la population d’un accès aux soins ».

Campagne de chimio-prévention du paludisme menée par MSF dans le district d’Ansongo, région de Gao, dans le nord du Mali, en novembre 2015.

Des politiques sécuritaires à double-tranchant pour la population

MSF a récemment démarré un projet de soins de santé des femmes dans le cercle de Ténenkou, dans le centre du pays. Certaines mesures décidées dans le cadre de politiques visant à améliorer la sécurité dans la région s’y révèlent à double-tranchant pour les populations, en précarisant encore davantage leur accès aux soins.

C’est le cas de l’interdiction de circuler à moto entre les villages, décidée par les autorités dans les régions de Mopti et de Ségou. Si dans la région de Mopti, cette interdiction s’applique partiellement, de 18h à 6h, à Ténenkou l’interdiction est totale, de jour comme de nuit.

Cette mesure a pour effet de réduire les possibilités de transfert vers les centres de santé de référence des patients nécessitant une hospitalisation, ainsi que l’accès aux centres de santé communautaires, avec un risque spécifique pour les femmes enceintes et les enfants.

Dans le cercle de Ténenkou, environ 80% de la population vit à plus de 5 km d’un centre de santé. Ce sont aussi les stratégies avancées de vaccination et prévention (dépistage de la malnutrition, suivi de la femme enceinte et allaitante, etc.) qui sont entravées par cette interdiction, car ces activités sont essentiellement menées à moto par le personnel des centres de santé communautaires.

Sarah Château, chef de mission de MSF au Mali, demande à ce qu’à Ténenkou, la mesure puisse être harmonisée avec le reste de la région de Mopti, en permettant la circulation à moto entre les villages la journée, entre 6h et 18h.

« Cela permettrait au personnel médical de redémarrer les activités dans les communautés, et aux populations d’accéder aux structures de soins, explique-t-elle. Il faut protéger l’accès aux soins des populations les plus éloignées des centres de santé, qui était déjà particulièrement précaire avant l’adoption de cette mesure ».

MSF

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