13eme journée africaine de la médecine traditionnelle” Réglementation des tradipraticiens de santé dans la région africaine”

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La Journée Africaine de la Médecine Traditionnelle a été célébrée cette année avec comme thème : “Règlementation des tradipraticiens de santé dans la région africaine” destiné à promouvoir la culture de la médecine traditionnelle africaine. Le festif cérémonial a eu lieu le lundi 31 août 2015 à l’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP) sous la présidence du Dr Moussa Guindo, représentant du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique. C’était en présence du Dr Thiéro Ténin Awa Sangaré, directrice générale adjointe de l’INRSP, Dr Minkaïla Maïga, représentant de l’OMS et Mohamed Fall, président de la Fédération Malienne des Associations des thérapeutes traditionnels et herboristes (FEMATH).

La journée africaine de la médecine traditionnelle, initiée depuis l’an 2000 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Union Africaine (UA) pour promouvoir la médecine traditionnelle africaine, a été commémorée au Mali le lundi dernier. Elle a été organisée par le ministère de la santé et de l’hygiène publique en partenariat avec la Fédération Malienne des Associations des thérapeutes traditionnels et herboristes (FEMATH).  Pour la circonstance, le thème choisi cette année est “Règlementation des tradipraticiens de santé dans la région africaine”. Le choix de ce thème est particulièrement important pour la Région africaine dont le Mali. En effet, selon de nombreux observateurs, la médecine traditionnelle demeure le premier recours de nos populations surtout celles des campagnes et de la périphérie des villes. Les statistiques de l’OMS soutiennent cette thèse en stipulant que 80% des populations rurales vivant dans les pays en développement sont tributaires de la Médecine traditionnelle.

Pour le représentant du ministre de la santé et de l’hygiène publique, la médecine traditionnelle est un élément de notre patrimoine culturel et reste le premier recours de nos populations malgré les progrès de la médecine conventionnelle. Rappelant que l’OMS, depuis 1978 a recommandé la prise en compte de l’implication des praticiens de médecine traditionnelle dans les soins de santé primaires, Dr Moussa Guindo a souligné la nécessité de réglementer le domaine. A l’entendre, cela passe par une meilleure organisation des tradipraticiens, la lutte contre le charlatanisme, l’assurance et le respect des règles de déontologie et d’éthique de la médecine traditionnelle.

Dans son discours introductif, la directrice générale adjointe de l’INRSP a rappelé les différents thèmes abordés par les journées successives de la médecine traditionnelle. Pour elle, ces thèmes avaient pour objet de promouvoir la médecine traditionnelle et qu’à présent l’élément clé pour assurer cette promotion est la règlementation des tradipraticiens de santé dans la région africaine d’où le thème de la présente édition. Dr Thiéro Ténin Aoua Sangaré a ensuite indiqué que cette règlementation permet de déterminer les critères d’indentification des tradipraticiens, de définir un code de déontologie et d’éthique et de promouvoir la collaboration entre ces tradipraticiens et les agents de santé et de la médecine conventionnelle.

Notons que la promotion de la médecine traditionnelle intègre les priorités gouvernementales en matière de santé et notre pays garde une bonne longueur d’avance sur nombre de ses voisins dans le domaine de la mise au point des médicaments traditionnels améliorés. Le Mali dispose actuellement de quelques médicaments traditionnels améliorés, disponibles dans les pharmacies.

Cette journée africaine de la médecine traditionnelle, 13ème du genre, a créé un cadre de concertation et d’échange entre les acteurs intervenant dans le domaine, les pouvoirs publics et les partenaires sur les grandes préoccupations du pays en matière de médecine traditionnelle. Elle a offert l’occasion aux professionnels du domaine, experts et chercheurs de faire des présentations sur la pratique au Mali.

Eu égard au rôle que jouent les tradipraticiens dans le système de santé et les services de développement en soins de santé primaire, M. Balla Doumbia, Assistant en droit public, Doctorant en Sociologie, Chef DER Communication des organisations de la Faculté des Sciences Sociales (FASSO) Université de Ségou, dans son intervention (lire en pages 6 et 7), après avoir défini les concepts de la sécurité sociale et le risque humain, a fait l’état des lieux de la médecine traditionnelle qui est confrontée à de multiples problèmes liés à la formation insuffisante des pratiquants, et aussi, à la limite de la politique nationale de la protection sociale. Par conséquent, M. Doumbia a fait des propositions d’amélioration pour la règlementation et la promotion de la médecine traditionnelle. Ces propositions s’articulent autour du tissu sanitaire ; les conventions des organismes gestionnaires de la protection (AMO, RAMED etc.) ; et l’ordre des tradipraticiens. Il s’agit pour lui de mettre en œuvre des mesures relatives à l’amélioration de la qualité des prestations offertes au public par les tradipraticiens.

La prise en compte de ces propositions permettra sans nul doute de promouvoir une attitude positive et la confiance mutuelle entre les tradipraticiens et les médecins.

Exposé et propositions Balla Doumbia

I- Définition de quelques concepts :

I.1- Action sociale : L’Action Sociale est un ensemble de prestations, soit parallèles à celles de l’aide sociale ou de la sécurité sociale, soit complémentaires, visant en général les mêmes catégories de personnes, mais distribuées selon des critères plus souples. De plus l’action sociale ne relève pas exclusivement des services publics à la différence de l’aide sociale.

I.2- Aide sociale : L’Aide Sociale est définie comme l’ensemble des mesures d’assistance assurées par l’Etat et les collectivités publiques, qui visent les personnes se trouvant dans une situation de besoin et dont les ressources sont insuffisantes. Elle est complémentaire aux autres dispositifs de la Protection Sociale.

I.3- Arrêté : Est un acte règlementaire pris pour compléter des dispositions d’un décret d’application, il peut aussi être un acte administratif individuel ou de portée générale et impersonnelle.

I.4- Assurance maladie : Les dispositions qui permettent de couvrir, par une mise en commun des risques et des ressources, les frais des soins de santé et de maternité. (cf. Article 3 de la loi 09-015 du 26 juin 2009 portant institution du régime d’Assurance Maladie Obligatoire).

I.5- Constitution : Elle est la loi fondamentale d’un pays, elle est adoptée par l’ensemble du Peuple par référendum et est supérieure à toutes les lois.

I.6- Décret : Est un acte règlementaire pour pris déterminer les modalités d’application d’une loi en général, il peut aussi être un acte administratif individuel ou de portée générale et impersonnelle.

I.7- La protection sociale : Elle est l’ensemble des mesures par lesquelles la société entend protéger les individus contre les risques sociaux. Elle englobe la sécurité sociale, l’aide sociale et l’action sociale.

I.8- La Sécurité sociale : Il est entendu par sécurité sociale l’ensemble des régimes assurant la protection de l’ensemble de la population contre les risques sociaux que sont la maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse, le décès, les accidents de travail, les maladies professionnelles, les charges familiales et le chômage .

I.9- Loi : Est tout texte législatif adopté par l’Assemblée Nationale, promulguée par le Président de la République et publié dans le Journal Officiel.

I.10- Risques humains : Il s’agit des risques communs à tous les hommes, c’est à dire des risques physiologiques : la maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse…

II- Contexte :

La base de cette communication est la recherche documentaire et des expériences professionnelles. Elle vise à contribuer à la connaissance et à l’amélioration du cadre d’exercice de la profession de tradipraticiens avec les structures du Développement Social sur la base des textes législatifs et règlementaires existants ou à venir. Cela a un intérêt particulier si l’on sait que Mali depuis quelques années connait une poussée assez importante de la couverture des risques maladie de la population.

Pour traiter la question, nous avons tenté de mettre un accent particulier sur les expériences de certaines structures de santé en matière d’organisation et la possible amélioration de la fréquentation des structures de santé et des offres possibles avec l’insertion des tradipraticiens en tant que prestataires de santé intervenant dans la couverture médicale des couches bénéficiaires de la protection et de la sécurité sociale.

Pour terminer nous mettrons l’accent sur les limites de la règlementation actuelle pour l’implication des tradipraticiens et des recommandations pour créer ou améliorer le cadre légal permettant l’implication des tradipraticiens dans le tissu de protection et de sécurité sociale à travers la CANAM et l’ANAM.

III-1 Le Développement Social au Mali :

Le Développement social  au Mali est à la charge du Ministère de l’Action Humanitaire de la Solidarité et de la Reconstruction du Nord. Pour ce faire, il dispose de deux Directions Nationales que sont la Direction Nationale du Développement Social (DNDS) et de la Direction Nationale de la Protection Sociale et de l’Economie Solidaire (DNPSES). A celles-ci on peut ajouter les deux nouvelles Directions Générales créées en 2009 pour couvrir les risques maladies des différentes couches de la société malienne, il s’agit de Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CANAM) organisme gestionnaire de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et de l’Agence Nationale d’Assistance Médicale (ANAM) chargée de la mise en place du Régime d’Assistance Médicale (RAMED).

III-2 Le champ d’application de la protection sociale :

Le champ d’application matériel de la protection sociale concerne les régimes liés à :

-la maladie, la maternité, la vieillesse, l’invalidité, le décès, les accidents de travail, les maladies professionnelles, les charges familiales, le chômage;

– l’aide pour l’accès à l’éducation ;

-l’aide pour l’accès à la justice ;

-l’aide pour l’accès au logement;

-l’aide pour l’accès à l’emploi.

Ces éléments sont regroupés en trois grands domaines à savoir :

-La sécurité sociale ;

-L’aide et l’action sociale ;

– La mutualité.

III-3 La politique nationale de protection contre la maladie au Mali :

La politique nationale de protection sociale est l’expression du droit de tout citoyen à une protection sociale consacré par la Constitution de la République du Mali. Elle traduit l’engagement de la République du Mali à assurer la meilleure protection possible de tous les citoyens contre les risques sociaux durant toute la vie. La protection sociale est fondée sur la solidarité. Elle admet également des formes d’assurance individuelle. Elle sert de cadre à la réalisation des plans et programmes relatifs à la protection sociale. L’Etat, les Collectivités Territoriales, les personnes bénéficiaires des actions de protection sociale organisées ou non en associations, coopératives et mutuelles, les Fondations, les Congrégations religieuses et les familles associent leurs interventions pour la concevoir et la mettre en œuvre.

Les conditions dans lesquelles s’exerce le droit à la protection sociale sont fixées par des dispositions législatives et réglementaires relatives aux différents régimes et mécanismes de protection sociale.

L’objectif visé par la politique nationale de protection sociale est de construire progressivement un système de protection contre les risques sociaux de tous les citoyens en général et des couches défavorisées en particulier, mais également l’extension progressive de la protection sociale à toute la population est un des axes majeurs de la politique sociale du Mali.

Au Mali, bien que n’ayant pas une place dans la politique nationale de protection sociale, la médecine traditionnelle est une autre composante du recours aux soins de santé primaire bien ancrée dans vos vies sanitaires tant dans les zones urbaines que rurales. Cette composante importante dans la prise en charge de la maladie disposant d’un arsenal juridique étouffé (la loi 95/004 du 18/01/95 fixant les conditions de gestion des ressources forestières au Mali, la loi d’Orientation sur la Santé “ Loi n°02-049 du 22 juillet 2002 ” le décret n° 94-282/PRM du 15 août 1994 détermine les conditions pour exercer une activité dans certains domaines de la médecine traditionnelle, l’Arrêté N°95-1319/MSS-PA du 22 juin 1995 fixe les règles d’organisation et de fonctionnement des Cabinets privés de consultation et de soins traditionnels, d’herboristeries et d’unités de production des médicaments traditionnels améliorés) est ignorée dans la politique nationale de protection sociale.

III-4 L’état des lieux de la protection et de sécurité sociale contre la maladie au Mali :

*Une Assurance Maladie Obligatoire (AMO) au profit des fonctionnaires de l’Etat et des Collectivités, des travailleurs et des députés (environ 16,3% de la population Malienne).

*Un Régime d’Assistance Médicale (RAMED), il doit assurer l’accès des personnes indigentes (environ 5% de la population) aux soins de santé. C’est un système non contributif.

*Les mutuelles : Il s’agissait de promouvoir un système volontaire organisé sur les principes, entre autres, de la solidarité, du fonctionnement démocratique entre les adhérents. 78%, et seul 4.17% de la population est couverte en 2014.

Un dispositif législatif et réglementaire a été déjà mis en place et un certain effort de soutien est  consenti par l’Etat et les PTF ;

De même un processus d’adoption d’un règlement sur la mutualité sociale au sein de l’espace de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) était en cours.

*Rôle et place attendus de la mutualité dans la protection sociale en matière de couverture maladie : Le Mali a, dès les années quatre vingt dix, mis en place un dispositif législatif et règlementaire pour faire de la mutualité un important instrument de protection sociale contre la maladie en particulier.

Cette volonté politique de développer un système volontaire et solidaire de protection sociale à côté d’autres systèmes se justifie amplement au regard du contexte de pauvreté et de certaines réalités sociales et économiques qui caractérisent nos sociétés.

Le rôle de la mutualité est de contribuer, aux côtés d’autres formules, à assurer, à terme,  la couverture sociale de toute la population, en particulier dans le domaine de la maladie.

Cela  pourrait sans doute poser la question du positionnement de la mutualité dans le paysage de la protection sociale aussi bien en termes de catégories de la population à couvrir que de modalité de couverture.

IV- Limites de la réglementation des tradipraticiens en matière de protection sociale :

Il est important de noter que les textes régissant la profession de tradipraticiens, tout comme la protection social présentent un certain nombre d’insuffisances rendant difficile l’implication de ces acteurs majeurs dans le dispositif des prestataires des régimes de protection sociale au Mali.

Les textes régissant les activités de production et de recherche en médecine traditionnelle présentent un certain nombre de  limites. Nous avons entre autre:

– la faible règlementation des activités en médecine traditionnelle et la faible promotion protection des tradipraticiens de santé ;

– la Loi d’Orientation sur la Santé (Loi n°02-049 AN-RM du 22 juillet 2002) prévoit les médicaments traditionnels dans le cadre de la Politique Pharmaceutique Nationale mais ne spécifie pas le rôle de la Médecine Traditionnelle dans l’amélioration de l’état de santé des populations et dans les programmes de développement sanitaire et social ;

– un Code de déontologie et d’éthique adapté aux réalités de la Médecine Traditionnelle n’est pas encore opérationnel.

Malgré cette organisation règlementaire et institutionnelle, le secteur de la médecine traditionnelle fait face à de nombreuses insuffisances telles que :

– la non-existence de cadre national pluridisciplinaire et intersectoriel de concertation et de coordination entre les différentes institutions concernées par la valorisation de la médecine traditionnelle.

– l’insuffisance et la qualité des ressources humaines, des équipements et de financement pour la recherche ne permettent pas le plein épanouissement du potentiel du DMT ;

– à part le pays Dogon, il n’existe pas dans les autres régions naturelles et culturelles du Mali de centres censés s’occuper de la valorisation de la médecine traditionnelle et de la coordination des activités de recherche opérationnelle dans le domaine.

La plus grande limite des textes est l’absence des cabinets de tradipraticiens parmi les structures prestataires de soins qui peuvent signer des conventions avec les directions générales de la CANAM, de l’INPS et surtout l’ANAM dont la plus part des bénéficiaires préfèrent la médecine traditionnelle.

Tableau : les agréments obtenus par les tradipraticiens de santé au Mali en 2012

 

V- Proposition d’amélioration pour la réglementation et la promotion de la Médecine traditionnelle :

Il est mieux, avant tout d’instituer un dialogue pour percevoir les convergences possibles entre les traditions et les messages de santé. Les tradipraticiens sont issus des communautés et ont toujours travaillé en leur sein. Ils doivent être associés à la conception et à l’exécution des programmes de sensibilisation des populations en matière de lutte contre les maladies.

La force d’une profession est proportion au poids des textes législatifs et réglementaires qu’elle procède, mais aussi de l’importance que l’accorde les pouvoirs publics. Tel est le cas la profession tradipraticienne, c’est pour quoi, il est une nécessité absolue d’étoffée l’arsenal juridique afin de sécuriser les tradipraticiens ainsi que les bénéficiaires et les organismes gestion de l’Assurance, de l’Assistance et des mutuelle de santé. Cela peut se faire l’adoption par les ministères en charge de la santé et de la protection d’une politique nationale de promotion de la médecine traditionnelle axée sur trois actions essentielles :

1- Préparer les projets de programmes ou de plans d’action pour l’expansion du secteur de la médecine traditionnelle, notamment par le renforcement des capacités des cabinets de médecine traditionnelle privés et la mise place dans chaque structure sanitaire du référence d’une unité de médecine traditionnelle ;

2- Elaborer et assurer le suivi de la législation et la réglementation relative à l’exercice de la profession dans le secteur privé et public ;

3- Veiller à la mise en œuvre de toutes mesures relatives à l’amélioration de la qualité des prestations offertes au public par les tradipraticiens.

Ces trois seront confiées à des experts appuyées par une campagne de lobbying.

Cette politique sera portée par le Département de la Médecine Traditionnelle avec l’appui technique des structures du développement social et de la santé et l’accompagnement des associations et des personnes ressources de référence et des PTF pour une durée de 3 à 5 ans.

Mamadou BALLO

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