“Bassi-yirini” : L’Arbuste aux multiples vertus

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En dehors de ses qualités nutritives, la plante est un excellent purifiant d’eau et se prête à plusieurs usages pharmaceutiques.

Le village de Dafara (commune rurale de Ouélessébougou) est situé à 80 km de Bamako. Perdu dans les bois, Dafara est un village où sont majoritaires les cases en banco avec leurs toits de chaume. Quelques maisons ont des toits en tôle ondulée. Le mercredi 27 juin dernier était une journée particulièrement animée à Dafara. Nous étions à la veille des élections législatives. Le village, à l’instar des autres, vibrait au rythme des campagnes.

Au moment où les politiques s’évertuaient à faire passer leurs messages au sein de la population, mobilisée sur la place publique, un autre événement important se déroulait de l’autre côté du village.

En effet, pour la première fois, une dizaine de stagiaires québécois de l’ONG “Trois-Rivières”, partenaire de l’association malienne “Kilabo”, était présente à Dafara pour la recherche en développement communautaire. Le groupe faisait connaissance avec un arbre qui fait des miracles : le moringa oleifera ou “bassi yirini” en bamanan. A l’ombre d’un grand manguier, deux agents de l’association malienne “Kilabo”, N’Faly Soumaré et Mme Traoré Poricho Sogoba, faisaient un exposé sur le “bassi yirini” à l’intention d’une centaine de femmes maraîchères du village.

Il s’agissait de montrer aux ruraux l’utilité du moringa oleifera dans l’alimentation. Dans notre pays, la malnutrition frappe plus de 80% de la population rurale, notamment les femmes en état de procréer et les enfants. Ces derniers sont confrontés à une carence nutritionnelle qui est à la base de la plupart des cas de décès dans nos villages. Les statistiques sont parlantes. 92 décès sur 1000 naissances sont dues à la carence nutritionnelle. 800 femmes sur 100 000 meurent à l’accouchement.

L’association “Kilabo” créée en 1989, est épaulée par l’ONG québécoise “Trois-Rivières”, à travers son projet “Un seul brin de paille ne balaie pas la cour” qui assure une campagne de communication sociale sur trois ans dans la communauté de Dafara. En fait, le problème de la mauvaise nutrition est une réalité aussi bien dans les campagnes que dans les zones urbaines. Malgré le pouvoir d’achat de certains, ils n’ont pas accès à une bonne alimentation. Ceci s’explique par la méconnaissance des techniques d’une bonne nutrition ou par le manque de produits nécessaires à une alimentation équilibrée. Le “bassi yirini” est-il la solution toute trouvée ? Poricho Sogoba répond par l’affirmative.

Le moringa oleifera est un arbuste originaire d’Asie. Il a été introduit dans notre patrimoine végétal depuis plusieurs décennies, indique N’Faly Soumaré. L’arbuste mesure entre 5 et 6 mètres de haut. Le moringa résiste à la chaleur et peut être élevé sous une température de 25 à 48°C. De plus, il se contente d’un peu d’eau seulement par jour et ne souffre pas de parasites. Les feuilles sont en tripéné (divisée en trois branches). Adapté à la sécheresse, l’arbuste est surtout répandu dans les zones sub-tropicales sèches. Mais il préfère les régions basses humides. Il est donc bien connu de nos ménagères du sud qui préparent les sauces avec ses feuilles. Mais l’arbuste est loin de se prêter à ce seul usage.

Un additif alimentaire. Les carences en protéines éléments énergétiques caractérisent la malnutrition en milieu rural. Elles sont la cause de maladies comme le Kwashiorkor, le marasme (phase critique de la malnutrition), la cécité crépusculaire et les vertiges, entre autres. La nutrition avec les sous produits du moringa permet d’améliorer l’alimentation. En plus des éléments nutritifs comme la protéine, le fer, le calcium, le moringa est très riche en vitamines A et C. La poudre extraite à partir de ses feuilles est un très bon purifiant d’eau, souligne l’agent de “Kilabo”.

Sur 100 grammes de gousses (enveloppe d’une longueur de 10 à 15 centimètres recelant les graines de la palante), on trouve 2,5 grammes de protéine. 100 grammes de feuilles fraîches contiennent 6,7 grammes de protéine. Les 8 grammes de poudre de feuilles sèches soit 1 cuillerée à soupe, fournit 2,2 grammes de protéine. La consommation des produits se fait sous diverses formes. Les jeunes gousses peuvent être consommées comme du haricot vert. Lorsque les gousses atteignent la maturité, on peut frire la chair comme la pomme de terre. Avec les feuilles et les fleurs fraîches de la plante on peut également faire de la salade.

Une année après avoir été planté, le moringa donne des fruits sous forme de gousses. A trois ans, il est capable de produire 400 à 600 gousses. A 5 ou 6 ans, âge de la maturité de l’arbuste, il peut produire jusqu’à 1600 gousses. Si l’on considère que l’on peut planter près de 12000 arbustes sur une parcelle d’un hectare, la quantité de gousses produites est largement suffisante pour satisfaire les besoins d’un village comme Dafara. Le surplus de la production pourrait éventuellement même servir comme marchandise.

Rien ne se perd. Selon Mme Traoré, les graines contenues dans la gousse peuvent être préparées comme du petit poids. On peut aussi en extraire la poudre qu’on ajoute à la bouillie pour nourrir les enfants et les femmes enceintes, qui sont les plus touchés par la carence nutritionnelle en milieu rural. Bien que le moringa s’utilise principalement comme accompagnement des plats, il est possible de consommer ses fleurs en salade et ses feuilles peuvent être mangées crues. Rien ne se perd donc dans le moringa.

Outre ses valeurs nutritives, l’arbuste possède également des vertus médicinales. Beaucoup reste encore à découvrir, mais l’on sait que les feuilles peuvent être infusées, puis utilisées pour soulager certaines formes de rhumatisme, de mal de dos et pour remédier à l’hypertension. Le moringa serait également utilisé depuis longtemps dans la cosmétologie. Au regard de ces vertus, c’est à juste titre que l’association “Kilabo” croit avoir trouver une alternative au problème de malnutrition en milieu rural en vulgarisant l’utilisation du moringa. Ainsi, à Dafara, il est prévu, après la vulgarisation, de mettre des parcelles à la disposition des femmes maraîchères pour la culture de la plante. De la réussite de Dafara, dépend le succès de l’introduction de la plante dans les habitudes alimentaires pour gagner le combat contre la malnutrition et ses conséquences néfaste en milieu rural.

C. A. DIA
14-08-07

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