A l’avènement au pouvoir d’Ibrahim Boubacar Kéïta, après des élections transparentes et apaisées et un plébiscite jamais vu auquel ils ont participé activement, les compressés étaient à mille lieux d’imaginer ce qui allait leur arriver. Ils ont été trahis et abandonnés par ceux qui leur avaient fait des promesses mirifiques : outre le paiement intégral de leurs droits, l’assurance du financement de leurs projets par le fonds TRIE d’un montant de plus de 400 milliards. Les représentants du pouvoir les considèrent comme des pestiférés et ne veulent même plus les recevoir depuis bientôt vingt mois.
C’est la raison pour laquelle ils avaient décidé, après leur assemblée générale extraordinaire, le 19 mars et le 19 novembre 2015, d’engager l’épreuve de force avec le gouvernement. Après Igor, ce ministre de l’économie et des finances de triste mémoire pour eux, c’est au tour du Dr Boubou Cissé, son remplaçant, de vouloir les trimballer. Il n’y a plus aucun doute. Mamadou Diarra dit Igor avait joué au chat et à la souris avec eux, ensuite au morveux avec la fortune qu’il a connue. C’est le tour de Boubou Cissé de faire son cirque. Les compressés jurent : « Rira bien qui rira le dernier»!
Tout recommence le 25 janvier 2016 où, dans une correspondance officielle, Ousmane Berthé, président de l’ATCM, au nom de l’Association des travailleurs compressés du Mali et de l’Union nationale des travailleurs compressés du Mali, après avoir présenté toutes leurs félicitations à Boubou Cissé pour sa nomination au poste de ministre de l’économie et des finances, l’informait de l’existence d’une proposition de transaction dont son département a été ampliataire et qui avait été adressée à la Directrice générale du Contentieux de l’Etat. Et qu’à ce jour, aucune suite ne leur a été réservée.
Ils ont donc profité de l’occasion pour solliciter auprès du Docteur Boubou Cissé « une audience, afin d’éclairer sa religion pour ce qui est de l’affaire des travailleurs compressés du Mali ».
N’obtenant pas de réponse, ils sont revenus à la charge un mois et demi plus tard, le 17 mars 2016 dans une autre lettre, de manière plus explicite, toujours sous la plume d’Ousmane Berthé, en sa qualité de président de l’association des travailleurs compressés du Mali. Il a informé le ministre de l’économie et des finances de leur situation juridique et du contentieux qui les oppose à l’Etat, dans la perspective d’un règlement transactionnel des droits qui leur sont dus par le Mali. Le ministre a été ainsi informé qu’il s’agissait, entre autres droits de ceux résultant de la décote appliquée sur les droits des travailleurs compressés.
Les termes en étaient les suivants : « En vue d’obtenir le paiement des dits droits, notre association a saisi d’un recours le tribunal de grande instance de la commune IV du district de Bamako. Par jugement en date du 17 mars 2016, le tribunal de grande instance de la commune IV de Bamako a condamné l’Etat du Mali à payer aux travailleurs compressés le montant de la décote appliquée.
Malgré cette décision exécutoire, les travailleurs compressés ont privilégié la solution transactionnelle et n’ont cessé d’approcher vos services à cet effet ( votre cabinet et la Direction générale du Contentieux de l’Etat notamment). Sur ces entrefaites, l’Etat du Mali, par l’organe de la Direction générale du Contentieux de l’Etat a relevé appel du jugement susvisé du tribunal de la commune iv de Bamako.
Par arrêt en date du 24 février 2016, statuant sur appel interjeté, la Cour d’Appel de Bamako a confirmé le premier jugement ayant condamné l’Etat à payer aux travailleurs compressés le montant de la décote appliquée »
Cet arrêt a été signifié au département du Dr Boubou Cissé le 16 mars 2016 par Maître El Hadj Lassana Koïta, huissier de justice à Bamako. Mais le président de l’ATCM confirmait au ministre qu’en dépit de cet arrêt exécutoire, les travailleurs compressés du Mali demeurent toujours dans une logique de transaction avec son département et restent à sa disposition à cet effet. Le ministre, que l’on dit têtu comme une mule, sortira-t-il de sa réserve ?
Sinon, la saga douloureuse des compressés en quête du paiement de leurs droits mis à la disposition de l’Etat malien depuis bientôt un quart de siècle recommencera. C’est un long chemin de croix pour ces victimes du Pas entériné par nos gouvernements successifs depuis 1991 et les institutions de Brettons Wood, qui assistent indifférents à leur lente agonie. Tous sont coupables pour non assistance à personnes en danger de mort.
Oumar Coulibaly
Le face à face compresses-Boubou Cissé :
Un duel comme au Far West !
Les compressés des société et entreprises d’Etat liquidées par le Programme d’Ajustement Structurel imposé au Mali par les institutions de Brettons Wood, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, n’excluent pas de revenir sur le sentier de la guerre en ce mois chaud d’avril 2016 où, mobilisés sur toute l’étendue du territoire national, de Kayes à Kidal, ils rallieront Bamako pour leur gigantesque marche de protestation contre le gouvernement et l’Etat du Mali, qui refusent de leur payer leurs droits définitivement légitimés par une grosse de la justice malienne le 28 avril 2014. Boubou Cissé, le ministre de l’économie et des finances choisira-t-il l’épreuve de force ? Comme y a été entrainé Igor, son prédécesseur, par l’ex directeur du Trésor et ex Directeur national du Budget Sambou Wagué, au ministère de l’Economie et des finances, sorti par la petite porte. Ce dernier avait été montré du doigt dans cette nouvelle escalade dangereuse du front social en 2015.
En effet, il avait activement comploté sur le dos des compressés, pour qu’ils ne rentrent pas dans leurs droits. En faisant croire au Ministre d’alors, Igor DIARRA, qu’ils ont été définitivement réglés en 2008 avec le paiement des 5 milliards déterminés par le protocole d’accord signé sous le Premier ministre Modibo Sidibé. Mais il était pourtant aux premières loges pour savoir, le temps où il fut le Fondé de pouvoir du Trésor, que le contentieux n’était pas éteint entre les associations des compressés du Mali, l’ATCM et l’UNTCM. En réalité, le sieur Wagué fait partie de ces hauts cadres de l’administration de l’Economie et des Finances qui ne portent pas les compressés dans leur cœur. Ce sont Wagué et d’autres acolytes qui ont continuellement cassé du sucre sur leur dos, en les faisant passer comme des irresponsables et des inutiles jamais rassasiés de prébendes indues. La désinformation systématique née bien avant lui, a trouvé dans cette nouvelle race de technocrates sans état d’âme aux Finances un terreau fertile et un relais inespéré. Pour entretenir le flou artistique sur la situation réelle des droits des compressés et mieux les jeter en pâture à la vindicte des gens du pouvoir et à l’opinion publique ignorante de leur calvaire dans la quête de leurs droits légitimes.
Sambou Wagué a-t-il voulu entrer dans les bonnes grâces du « très rigoureux » ex ministre de l’Economie et des Finances qui ne badinait pas avec l’argent public et la rigueur budgétaire », en ouvrant un nouveau front contre les pauvres compressés qu’il croyait démunis à jamais de toute capacité de contestation, à fortiori de nuisance contre les oukases du gouvernement et ses gourous indélicats ?
Il est certain que les zélés serviteurs de l’Etat, qui refusent ouvertement de faire la part des choses en apportant leur expertise dans le règlement d’un contentieux vieux de 24 ans, enveniment la situation par leurs mensonges et des dénigrements continuels à l’endroit des compressés, ces victimes sacrificiels du Programme d’ajustement structurel. Si l’on ne sait jamais jusqu’où le zèle peut conduire, l’on ne saurait non plus cacher continuellement le ciel de « la vérité qui est belle quant elle est nue », avec un écran de fumée.
Les rescapés sont de retour. Ce sont des miraculés qui ont vaincu, par la grâce de Dieu, les mille et une épreuves auxquelles ils ont été exposés par le bon vouloir et l’indifférence à leur sort des autorités maliennes. Une foule d’entre eux a survécu aux maux endémiques des compressés : les privations, les maladies continuelles, les souffrances physiques et morales, le traumatisme psychologique qui se sont étendues même à leurs fragiles progénitures.
Mille milliards, c’est le pactole débloqué en leur faveur dont ils n’ont pas vu la couleur même du huitième. Ils ne valent pas la vie de 50.000 compressés et du demi-million des membres de leurs familles, à fortiori les pauvres 58 milliards réduits à 5 milliards qui ne peuvent aucunement les dédommager des souffrances vécues. Pourtant l’Etat, une continuité, la belle formule, refuse toujours de se mettre à jour vis-à-vis d’eux.
Cela fait maintenant trois ans que le président Ibrahim Boubacar Kéïta est élu. Ses partisans avaient approché les associations de compressés qui tenaient un réservoir important d’électeurs pouvant faire pencher la balance en sa faveur à la présidentielle. Un deal a été conclu qui ne sera jamais honoré à son accession au pouvoir. Il était dit qu’il allait redonner aux compressés leur honneur et leur fierté en les remettant intégralement dans leurs droits. C’est tout le contraire auquel l’on a assisté. Le gouvernement refuse de discuter, parce qu’il est en position de faiblesse et a peur pour ses torts.
Pourtant, depuis 2010, le médiateur de la république avait montré aux gens du pouvoir le chemin de l’honneur, de la vérité et de la protection des droits des citoyens extrêmement vulnérables que sont les compressés. En recommandant dans son rapport annuel « la cessation de la négociation ou l’application d’accords de transaction qui ont pour effet de diminuer les montants des condamnations pécuniaires des personnes publiques prononcées en faveur des travailleurs compressés des entreprises publiques ».
Il est extrêmement révoltant de constater que l’Etat malien, d’une manière assez cynique, les années écoulées et encore aujourd’hui, est dans une continuité malsaine, condamnable, injustifiable et injustifiée de violation des droits légitimes des compressés. Depuis 24 ans, beaucoup d’entre eux ont quitté définitivement cette terre de douleur et d’iniquité. Certains, avant leur mort fatale, ont maudit leurs tortionnaires, en attendant le jugement dernier.
Ibrahim Boubacar Kéïta, le chantre du Mali d’Abord est interpellé. Il lui suffit d’ordonner pour qu’il soit obéï et que les compressés connaissent enfin le bonheur en accédant au Graal tant recherché. Mais il y a urgence pour les oubliés de la république qui valent aux yeux des pouvoirs publics moins que des chiens. Cela a été prouvé par le chemin de croix qu’ils ont vécu plusieurs décennies et une indifférence totale des politiques à leur égard. A IBK de leur prouver qu’il a du cœur et qu’il lui reste de l’amour et de la considération à témoigner à ce peuple des compressés.
Oumar COULIBALY