La banale affaire liée à un sujet de composition, récemment soumis à l”examen des élèves d”une classe de 10ème lettres dans un lycée de Bamako, et qui a été relayée dans les colonnes de Info-Matin, il y a tout juste deux semaines, sort de l”ornière avec l”interpellation, hier, de notre confrère, Seydina Oumar DIARRA, alias SOD. C”était auprès du procureur de la République, Sombé THERA, au niveau du tribunal de première instance de la commune III. De quoi s”agit-il ? Que se cache-t-il derrière cette interpellation judiciaire qui est intervenue en pure méconnaissance de la procédure en matière de délits de presse ?
Tout a commencé, il y a tout juste deux semaines, plus exactement le 1er juin dernier, lorsque est paru dans ces mêmes colonnes un article intitulé " Lycée Nanaïssa SANTARA : " La maîtresse du président de la République ", un article qui s”est inspiré d”un sujet de composition donné à des élèves d”un lycée de Bamako et qui a indigné un parent d”élève, lequel s”est précipité à notre rédaction avec le sujet en question dans le but, dit-il, d”alerter l”opinion sur le " caractère osé " de ce sujet de dissertation. En fait, selon le plaignant, c”est sa fille âgée de 16 ans qui lui a rapporté le sujet à la fin des épreuves écrites.
Aussi, en bonne réaction, il a été décidé au niveau de la rédaction du journal d”interroger, avant tout traitement de ce dossier ô combien sensationnel, les responsables de l”école, le professeur auteur de l”article et éventuellement les élèves de l”établissement. C”est ce qui a été fait : après les nécessaires recoupements, l”auteur du sujet, qui est à la fois le censeur et professeur de lettres au même l”établissement, a indiqué, en son temps, qu”en tant que pur produit de sa société, il a été inspiré par les réalités qui l”entourent en proposant un tel sujet à ses élèves. Car, dit-il, la valeur d”un sujet à l”école ne doit plus servir aux seules formations intellectuelle et pédagogique de l”élève, mais doit s”étendre au volet moral et civique. Voilà le fond d”un sujet de dissertation aussi banale que cela et qui a été soumis, comme premier choix sur deux, à des élèves du niveau de 10ème, lesquels étaient appelés à contracter le texte d”environ 1000 caractères ou 139 mots au quart de son volume réel avant de commenter le comportement de Dily, le personnage clé du texte sous forme de dissertation.
Convocation de la gendarmerie
C”est tôt le matin après la conférence de rédaction d”hier qu”un agent en civil s”est présenté au siège du journal, sis à Bamako-Coura, muni d”une convocation de la Brigade territoriale de la gendarmerie. Le journal de Info-Matin était donc prié de se présenter à 11 heures à cette brigade pour affaire le concernant (sans aucune précision) auprès du commandant de ladite brigade de gendarmerie. A l”intérieur de la rédaction, cette convocation, telle qu”elle a été formulée et servie, n”a pas laissé indifférent. Et pour cause ? D”habitude, comme cela est stipulé dans la loi portant délit de presse, c”est le directeur de publication, en principal, qui est interpellé, suivi de l”auteur de l”article " incriminé " dans le cadre d”une interpellation.
Alors, il est clair que cette convocation adressée au journaliste de Info-Matin a suscité quelques réactions d”autant que la rédaction avait été informée que l”auteur du sujet en question, ce professeur de lycée, avait été convoqué, depuis avant-hier, à la Sécurité d”Etat pour affaire le concernant. D”ailleurs au sujet de cet homme, il convient de dire que le même est venu à la rédaction faire état aux journalistes des menaces et autres intimidations dont il est l”objet depuis la publication de l”article.
En l”occurrence, le professeur de lettres s”était présenté au siège du journal, tout inquiet de son sort, pour expliquer qu”il ne cessait d”être l”objet de menaces de toutes sortes depuis la publication de l”article concernant le sujet de dissertation. De ce fait, le même sollicitera de la rédaction de rédiger une réaction de l”établissement, suite à la situation, qui pourrait être publiée dans le journal par laquelle des excuses expresses seraient adressées à l”opinion publique pour le désagrément causé. A ce moment justement, l”enseignant, qui a certainement compris que son sujet est sorti de son cadre pédagogique, redoutait alors des représailles de l”Etat qui pourrait en l”occurrence décider de ne plus accorder des subventions ou simplement de ne plus envoyer ses élèves à cet établissement privé. Dans tous les cas, ce dernier n”est plus retourné à la rédaction pour quoique ce soit encore.
Interpellation
Hier avant de déférer à la convocation de la gendarmerie, le journal a pris le soin de constituer des avocats, Mes Mamadou KONATE et KEITA, lesquels ont accompagné le journaliste convoqué. Ils étaient accompagnés de Sambi TOURE, directeur de publication, et des journalistes de Info-Matin. Ici, les choses ne tarderont pas à s”éclaircir lorsque le commandant de la brigade territoriale indiquera qu”il s”agit d”une convocation sur l”initiative du procureur de la République. Le journaliste interpellé et les avocats qui l”assistent, en compagnie d”un agent, se rendront au parquet.
Là, dans un premier temps, notre confrère sera le seul admis auprès du magistrat instructeur avant que ses avocats soient ensuite autorisés à l”assister. L”audition durera un peu plus de trois heures d”horloge. Pendant ce temps, le cabinet du procureur de la République où l”audition se déroulait était pris d”assaut par les journalistes, venus s”enquérir des nouvelles de leur confrère. Ils étaient plusieurs dizaines de confrères à manifester leur solidarité : de responsables d”associations de presse et de nombreux journalistes de la place ont tenu à être présents, durant tout le temps de l”audition, pour apporter réconfort moral à l”un des leurs. Que tous reçoivent ici les reconnaissances de la rédaction.
Sur quoi l”interrogatoire portait-il ? Que reproche-t-on à cet article ? Qui se cache derrière cette interpellation pour le moins singulière ? Autant de questions restées en suspens autour d”une affaire elle-même banale dans une démocratie qui se soucie du respect de la liberté d”expression et d”opinion. Un peu vers quatre heures, dans l”après-midi, alors que notre confrère interpellé faisait toujours sa déposition, le professeur de lycée en question, lui, détenu depuis sept heures du matin hier à la Sécurité d”Etat, encadré d”agents en civil, était conduit dans le cabinet du procureur de la République. Il n”y restera pas longtemps d”autant plus que le journaliste, quant à lui, continuait à être enfermé avec le magistrat et les deux avocats qui l”accompagnent pour une audition qui s”éternisait.
Peu après dix huit heures, en début de soirée, ce sera le tour de l”enseignant d”être conduit devant le procureur pour être entendu sur le fond de ce dossier si banal qu”il est simplement inspiré par un sujet de composition donné à des élèves de 10ème lettres. Au moment où nous mettions sous presse hier, largement après 19 heures, le confrère était encore au parquet pour les besoins d”audition.
Plus tard, les évènements se sont précipités. Le procureur Sombé THERA a décidé de placer notre confrère Seydina Oumar DIARRA dit SOD sous mandat de dépôt. Il sera alors conduit à la Maison centrale d”arrêt de Bamako après un interrogatoire musclé de plus de 3 heures d”horloge. Nous attendons de voir l”évolution de la situation.
La Rédaction
(info-Matin du 14 juin 2007)
A lire: L”Article qui a motivé l”emprisonnement de SOD :
► Lycée Nanaïssa Santara : La maîtresse du président de la république !
(info-Matin du 1er juin 2007)
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