Rentrée solennelle 2024 de l’AMA-CESTI : “Medias et terrorisme aux frontières de la réalité et de la vérité” en débats Une “Bourse Diomansi Bomboté” pour venir en aide à un étudiant

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“Médias et terrorisme aux frontières de la réalité et de la vérité” était le thème que l’Ama-Cesti a choisi pour sa rentrée solennelle 2024 le samedi 2 décembre  au Mémorial Modibo Kéïta. Ce thème a été développé par l’ancien ministre de la Communication Hamadoun Touré et débattu par les participants à la journée.

Dans son exposé, le ministre Hamadoun Touré a indiqué que depuis quelque temps, l’information retrouve progressivement ses lettres de noblesse et sa place de choix dans notre pays. Et l’appel aux professionnels dans cette étape charnière de la vie nationale malienne n’est pas le fait du hasard. Selon lui, il est heureux que le recours à l’expertise semble devenir la règle dans un environnement où elle devient une denrée rare.

“Autant sur le front des opérations de guerre, il faut des soldats engagés et expérimentés autant sur celui du maniement de l’information sensible, il faut des journalistes ayant des compétences établies, le talent reconnu et l’expérience du terrain. Il faut notre savoir et notre savoir-faire dans le traitement de l’irrédentisme, des nouveaux conflits qui menacent la cohésion sociale ainsi que du terrorisme, tous objets de manipulation dans la guerre informationnelle qui se déroule sous nos yeux, à l’échelle planétaire. Le choix du thème de notre rentrée annuelle «Médias et terrorisme : aux frontières de la réalité et de la vérité» répond à un besoin national tout autant qu’à une urgence internationale. Il est donc plus que d’actualité, comme l’on dit souvent. Nous exerçons un métier de gens d’honneur que l’on nomme l’information et qui est le lieu d’élaboration de la conscience collective.

Nous pouvons et devons ciseler le narratif qui reflète fidèlement la réalité de notre peuple sans nous aliéner la vérité. Loin d’être une sinécure, notre profession est un sacerdoce qui mérite une toilette en profondeur au double plan professionnel, dans la pratique et éthique, dans le comportement. Le journalisme est surtout une passion qui nous conduit à parler des autres, de leurs grandeurs et de leurs servitudes, nous obligeant à venir avant eux et à partir après eux. C’est une attraction au sens magnétique du terme, qui conduit celui qu’elle saisit, à parler des autres, en fait, une autre façon de parler de soi. Rien de ce qui est humain n’étant étranger au journaliste. Voilà pourquoi il a choisi de s’oublier, de faire parfois l’impasse sur les êtres chers et à passer des nuits blanches et des jours de travail pour traquer les faits, collecter l’information, la recouper, la classer, écrire l’article, chercher le titre qui accroche sans choquer, qui fait vendre sans dévaluer, donner l’information qui informe sans déformer, qui fidélise sans asservir et qui distrait sans noyer la réflexion. Et tout ceci dans le respect de l’éthique et de la vérité ou, plus précisément, comme nous l’ont enseigné nos maîtres, dans l’honnêteté.

Nous, membres de l’Ama-Cesti, le faisons comme dans un réflexe inné, de manière naturelle. Nos confrères, diplômés d’autres écoles de journalisme, en font certainement autant, sans doute avec le même engagement et la même probité morale. Il n’est dès lors pas étonnant que les médias maliens aient joué un rôle déterminant dans les conquêtes importantes de la nation. Avec cet acquis, inscrit dans du marbre, les médias maliens n’ont pas de leçon de patriotisme à recevoir ni de complexe d’engagement à se faire. Cela dit, ce passé élogieux lui impose des responsabilités encore plus élevées en cette phase que traverse le Mali avec un conflit irrédentiste qui refuse de mourir, aggravé par une hydre terroriste menaçant les fondements de l’Etat ainsi que des espaces de cohésion, de réconciliation et de développement difficilement arrachés. C’est notre spécificité dans un monde où s’imposent de plus en plus d’autres moyens d’informer qui n’obéissent pas aux normes dans lesquelles nous avons été moulés et que nous conservons chevillées au corps. Il s’agit des réseaux sociaux qui sont, selon mon humble avis, non pas des menaces mais des défis supplémentaires auxquels il faudra ajouter l’intelligence artificielle pour mesurer l’étendue des enjeux”, a-t-il enseigné.

Il s’est ensuite questionné sur le sens de l’information. “Que veut dire l’information au sens strict ? S’agit-il de ce qui se passe ? De ce qui occupe les médias ? Ou de l’actualité ? S’agit-il du chien qui mord l’homme ou de l’homme qui mord un chien ? S’agit-il de la nouvelle, c’est-à-dire de ce que nous ne savions pas avant notre réveil ce matin ? Les patrons de presse vont trancher ce débat en fonction de la ligne éditoriale de chaque média. En attendant, dans la couverture du terrorisme ou dans le traitement d’une information sensible, il y a des questions incontournables à la frontière de la liberté d’expression et de l’unité nationale dans la paix. A quel moment, la quête du scoop doit-elle être un risque pour la stabilité du pays ? Comment fournir aux populations une information non partisane, vitale pour la réconciliation nationale, la reconstruction et la démocratie ? La plume remplace-t-elle une kalachnikov ou un drone ? Le journaliste a-t-il le droit de tout dire ? Peut-il tout écrire ? Comment éviter d’être le relais des propagandistes, en particulier des terroristes ?  Comment protéger la vie des otages dans un processus de négociation ? Le journaliste doit-il prendre tous les risques même celui de mettre sa vie en danger pour informer ?”

Comme réponse à ces questionnements, il a précisé que les praticiens des médias, adossés sur l’éthique et la déontologie qui sont le socle de leur métier, disposent d’un formidable arsenal règlementaire, pour faire prévaloir la liberté d’expression et d’opinion sans compromettre le droit à l’information des populations ni la stabilité du Mali. Pour cela, les garde-fous dont la profession de journaliste s’est dotée seront mis à l’épreuve pour servir la réconciliation entre les enfants du Mali.

“Dans la même veine, les journalistes doivent éviter, sous prétexte de rivaliser avec certains réseaux sociaux, de succomber à la tentation de transmettre aux lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et autres internautes des antivaleurs comme l’assouvissement de la vengeance, l’atteinte à l’honneur d’autrui ou à sa dignité, l’exacerbation des drames, la manipulation de l’information, la publication de façon vérifiés ou le sensationnel. Ce serait une course absurde que l’on aurait pu livrer sans passer par les bancs de l’école de journalisme qui fait l’essence de la passion que nous avons choisie comme métier. En période de paix comme de conflits, il est nécessaire de revenir à ce fait l’essentiel de la passion que nous avons choisie comme ce métier.  Quelque chose se passe. Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ? La narration du présent pour anticiper sur l’avenir mais sans spéculations.  L’on doit dire ce qui se passe et non ce que l’on voudrait qu’il se passât. Il est impérieux d’abord de connaitre la spécificité et la complexité du milieu dans lequel on vit, on travaille et sur lequel on écrit. Appliquer la même rigueur sur tous les faits même sur le terrorisme et surtout sur le terrorisme.

Dans notre métier, l’augmentation du prix du piment est aussi importante qu’un remaniement gouvernemental. Il n’y a pas de petits faits dans la vie. En revanche, il y a de petits reporters qui ne se croient grands que lorsqu’ils spéculent sur les ministres qui vont quitter le gouvernement ou y entrer. Tout est question d’angle. Les difficultés de l’heure ne nous exonèrent pas d’une pratique professionnelle sans reproches car si l’on tord le cou à la vérité, elle nous rattrape comme le fait toute entreprise de manipulation.

«La vérité est souvent éclipsée mais jamais éteinte», disait Tite Live. Exactement dit par un proverbe éthiopien de la région du Tigré «Si vous enterrez la vérité par les pieds, elle surviendra par la tête». Notre vocation est de rester des militants des médias et des praticiens du journalisme jusqu’au vice, avec un respect non négociable pour les faits et une adversité irréductible face à la violence. C’est ainsi que s’exprime et s’impose notre expertise. Sur le plan des libertés comme celui des retombées économiques, la presse est mieux lotie dans un environnement de paix que dans un monde troublé où, à chaque coin de rue il y a des risques d’avoir comme compagnon le chaos”, a-t-il prôné.

Il a fait remarquer qu’il a  une sainte horreur des donneurs de leçons et qu’il n’en est pas un. “Mais le privilège de l’âge et ma modeste expérience m’autorisent l’audace de dire que les médias maliens ont un grand défi à relever pour aider à surmonter définitivement la situation actuelle lourde d’incertitudes en inscrivant leur action dans le sens du dialogue, de la vérité et de la réconciliation nationale. En retournant aux fondamentaux de notre profession, grâce à une information vraie et utile, nous, femmes et hommes des médias, contribuerons, sans aucun doute, à lutter contre le terrorisme, à ne pas être juste des spectateurs inertes des réseaux sociaux. Nous pourrons ainsi, avec fierté, aider à matérialiser la réalité d’un Mali un et indivisible”, a-t-il indiqué.

Dans les débats, Diomansi Bomboté a admis que les temps sont durs pour la pratique du journalisme. Il a surtout conseillé à la nouvelle génération de journalistes d’être persévérants et ne pas avoir peur d’exercer le métier et de ne pas être suffisants. A son entendement, le journaliste doit être humble tout en respectant ses lecteurs, auditeurs et les autres.

Mahamadou Talata s’est beaucoup appesanti sur les difficultés des organes de presse et le non-respect de l’éthique et de la déontologie. Selon lui, les journalistes gagneraient à faire un bon choix d’angle de traitement tout en respectant l’éthique et la déontologie. Il a ajouté que l’accès aux sources d’information est une des difficultés inhérentes à l’exercice du journalisme au Mali et a conseillé aux journalistes de ne pas tomber dans la propagande et dans la désinformation.

Le président de l’Ama-Cesti, Tiégoum Boubèye Maïga, a laissé entendre qu’en période de crise, de terrorisme, il est difficile pour le journaliste d’exercer son métier. Car, en ces périodes, le journaliste dans sa quête d’information trouve toujours porte close alors qu’il n’est pas une menace pour la paix et la stabilité. Il a conseillé aux journalistes de ne pas se décourager sur cette rétention d’information.

Selon Manga Dembélé, le journaliste ne doit pas être neutre car il a un combat à mener. Et Diarran Koné d’ajouter que dans le traitement de l’information, le journaliste doit avoir son camp, doit prendre position dans le sens de sa convenance. Bréhima Touré, DG de l’Amap, a insisté sur les difficultés d’investissement dans les médias maliens qui sont confrontés à un problème de financement.

D’autres intervenants ont donné leur point de vue sur le thème.

A la fin de la conférence, l’Ama-Cesti a offert une bourse dénommée “Bourse Diomansi Bomboté” de 300 000 FCFA à l’Ecole supérieure de journalisme et des sciences de la communication pour venir en aide à un étudiant qui n’arrive pas à assurer le paiement obligatoire vis-à-vis de l’école. Le directeur de l’école de journalisme, Boubacar Maïga s’est réjoui de la réception de cette bourse qui sera d’un apport appréciable pour l’étudiant en question.                                                                                                                         Siaka Doumbia

 

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