Nous avons fait un saut en milieu de la semaine dernière à la Haute autorité de la communication (Hac). Non pas pour un problème d’éthique ou de déontologie. Mais plutôt pour y rencontrer Sadou Abdoulaye Yattara, qui occupe les fonctions de chargé de mission. L’homme est une référence dans la presse malienne. Il a contribué à l’avènement de la démocratie au Mali à travers sa plume. Journaliste, consultant en communication, plaidoyer & éducation aux Médias, il fut le premier directeur de publication du journal Aurore, il est également l’un des artisans du pluralisme médiatique de notre pays. Fraîchement rentré de la Biélorussie (Minsk) en 1987, son analyse de la situation sociopolitique révèle un déficit de débouchés pour nombre de jeunes diplômés sans-emploi, y compris les journalistes. Le caractère libéral de la profession de journaliste (pour laquelle il a été formé) lui servit de boussole pour donner une orientation à son avenir. Il décidera de la création d’un journal. Le handicap majeur pour réaliser un projet concernait les moyens financiers. Mais coup de chance ou simple circonstance de temps, Sadou bénéficiera d’un projet de l’Etat, financé par l’Union européenne pour soutenir les initiatives des jeunes diplômés sans emploi. Et voilà qu'”Aurore” est portée sur les fonts baptismaux. La suite ? Nous en parlerons plus bas.
La disgrâce du régime dictatorial de Moussa Traoré a commencé avec la création des journaux privés : “Aurore” et “Les Echos”. “La Roue” ne paraissait pas régulièrement à hauteur de souhait. Donc ils ont comblé un vide occasionné par la monotonie du quotidien national logiquement à la solde du pouvoir. Raison pour laquelle il faut saluer l’audace de ces journalistes qui ont animé l’actualité au début des années 1990. Sadou Abdoulaye Yattara en est un.
En compagnie d’un autre jeune engagé, Chouaïdou Traoré, appuyé par d’autres jeunots comme Belco Tamboura, Oumar Sidi Sangho, ils animaient l’actualité dans tous ses aspects au même titre que le journal “Les Echos”. Nous nous souvenons encore du titre à la Une d’un numéro du journal Aurore : “A qui la faute ?” C’était à la suite de la marche suivie de casse des commerçants détaillants en 1990. L’article a tellement fait sensation qu’un jeu-concours a été organisé quelques mois après pour commenter la photo qui l’a illustré. Bref, Sadou Abdoulaye Yattara et son équipe devaient faire face à une dictature aux abois.
Le journal “Aurore” se vendait comme du petit pain à Bamako, malgré la diversité et l’impartialité de sa ligne éditoriale. Son analyse sur le licenciement des contractuels de l’hydraulique lui coûtera l’arrêt définitif du financement.
Le ministère du Travail, département de tutelle du projet n’avait pas trouvé justes les commentaires de l’article d’une entreprise qu’il finance. Mais les jeunes journalistes avaient une conviction pour animer un journal qui s’était fait une certaine notoriété auprès des lecteurs. Les indicateurs ont servi de motivation pour redoubler d’efforts. Bref les ventes suffisaient pour soutenir le journal.
Un parcours imposant
Sadou Abdoulaye Yattara est né à Ouatagouna à Ansongo. Il décroche son baccalauréat, deuxième partie, option lettres modernes, philosophie et langues en 1981. Il bénéficie d’une bourse et s’envole pour étudier à l’Université d’Etat de la Biélorussie (Minsk), où il décroche un diplôme d’études approfondies (DEA) en journalisme. La soif d’apprendre et la volonté de se rendre utile dans une profession qu’il a aimée le poussent à approfondir ses connaissances. Il obtient successivement le :
– Certificat en plaidoyer/lobbying de l’Institut africain de gestion et de formation (Inagef)
– Certificat en gestion et communication d’entreprises de presse du Center for Foreign Journalists de Virginie (USA)
– Certificat en contreterrorisme du Centre d’études stratégiques de l’Afrique de la National Defense University (USA) de Washington
– Certificat en prévention et gestion des conflits du Partenariat stratégique pour la paix en Afrique (Paspa)
– Certificat d’aptitude pédagogique d’enseignement de la langue russe.
Un cursus universitaire et des stages de perfectionnement qui lui ont balisé le terrain pour se faire une banque de données en termes d’expériences acquises pour avoir été :
– Chargé de mission à la Haute autorité de la communication (Hac)
– Expert en communication et plaidoyer au Centre d’études et de renforcement des capacités d’analyse et de plaidoyer (Cercap) 2007/2018
– Coordinateur pays pour Institut Panos Afrique de l’Ouest (Ipao) du projet “Femmes, occupez les médias” 2017/2018
– Représentant au Mali de l’ONG international Search for Common Ground 2014/2015
– Conseiller éditorial du magazine “Nyéléni Magazine”
– Directeur du journal Le Courrier 1996/2006
– Directeur du journal Aurore 1989/1998
– Membre du Conseil économique, social et culturel du Mali 1994/1998
– Conseiller éditorial du supplément agro économique du CILSS “Proceloss” 1993/1996.
Ce riche parcours est soutenu par une flopée de travaux de consultations qu’il a réalisés, parmi lesquels nous retenons :
L’Elaboration stratégie de communication de la Croix-Rouge malienne intégrant le contexte des urgences et la sécurité, 2019
L’Elaboration de l’état des lieux de la presse écrite et de la presse en ligne au Mali au compte de la Haute autorité de la communication du Mali (Hac), 2018
L’Etude plaidoyer pour la réalisation de l’ODD 16.10.2 sur l’accès à l’information du public en Afrique : Cas du Mali, Centre Africain pour la Liberté d’Information (AFIC) sis à Kampala, 2017
L’Etude sur le rôle et l’image de l’engagement allemand dans la lutte contre les causes des migrations pour le compte de Media in Cooperation and Transition (MICT) sis à Berlin, 2017
L’Elaboration d’un avant-projet de texte de loi régissant la presse en ligne en République du Mali au compte de la Fondation Friedrich Ebert, 2017
L’Elaboration de la stratégie de communication du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Population, 2016
L’Elaboration d’une stratégie de communication et de veille stratégique atour du Programme de travail du Collectif des ressortissants du Nord pour la mise œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, 2016, au compte du Collectif des ressortissants du Nord (Coren)
Consultant pour le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip- Belgique) sur la transformation du programme de coordination et d’assistance pour la sécurité et le développement en Afrique (Pcased) en Programme de lutte contre les armes légères de la Cédéao (Ecosap), 2005
Consultant pour la Fondation Friedrich Ebert pour l’élaboration de l’Agenda de la communication et de la presse en ouest africaine 2005 et en 2006
Doyen et grand professionnel de la communication, le jugement de Sadou Abdoulaye Yattara est calqué sur deux constats : moins de gaffe et d’erreurs de la génération intermédiaire, et une nouvelle génération avec des défaillances liées à la non-exploitation de la technologie. Elle est moins intéressée à la déontologie à cause du matériel et le désintérêt comme répondant des lecteurs, des auditeurs. Ce qui fait que ses gaffes passent inaperçue. Le combat de Sadou Abdoulaye Yattara avec tous ses risques, face à un régime dictatorial s’expliquait d’une part par sa volonté de faire comprendre au malien lambda son environnement sociopolitique.
Tout dédié à la régulation
A un moment où le monde bourdonnait avec la chute du Mur de Berlin, le sommet de La Baule. D’autre part être un témoin de l’histoire afin que ses archives soient un repère pour l’avenir. Il a été un communicateur de conviction malgré les menaces, notamment ses arrestations. D’abord en juin 1990 à l’Assemblée nationale où se tenait le Conseil national de l’UDPM. Il a infiltré les travaux sans autorisation, et quand il a été découvert, on l’a conduit au 3e arrondissement en confisquant ses outils de travail.
Les deux dernières fois, il fut convoqué à la Sécurité d’Etat en sa qualité de directeur de publication, suite aux articles de presse de deux journalistes dont le rédacteur en chef Chouaïdou Traoré. Notre présence à la Hac devrait logiquement susciter notre curiosité par rapport à ses missions. Nous en profitons et notre héros de la semaine nous édifia, tout en précisant qu’il n’est pas la personne habilitée à parler de certains détails.
Selon Sadou Abdoulaye Yattara, la Hac est un organe indépendant de régulation de la communication dans toutes ses dimensions. Elle veille rigoureusement à l’éthique et à la déontologie des organes de presse de façon générale. Elle favorise l’accès et l’information, fait des propositions à l’Etat pour la promo et l’essor des médias. Pour appuyer ces propositions, la Hac initie des études. Sadou déteste dans la vie une chose et son contraire, donc il faut s’assumer à tout prix. Il est marié et père de cinq enfants.
En prenant congé du doyen Sadou Yattara, le devoir nous imposait de passer voir une autre icone de la communication du Mali, Gaoussou Drabo dont le bureau avec celui de notre héros se trouve presque dans le même couloir. Son accueil sous la forme d’un sourire traduit toute son admiration à notre égard et de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Il a manifesté toute sa satisfaction quand nous lui avons dit que juste un bonjour en guise de considération pour sa personne. Dans un remerciement appréciable, Gaoussou Drabo nous dit ceci : “Ce que vous faites n’est pas facile, mais avec plus de courage tout ira bien”. Qu’il trouve à travers ces lignes l’expression de notre profonde reconnaissance.
O.Roger
Tél (00223) 63 88 24 23
Un GRAND Homme. Mes respects.
Bonsoir monsieur Roger, votre rubrique et très intéressante et valorisante. Monsieur Sadou Abdoulaye YATTARA est une icône de la presse africaine et malienne et un acteur majeur du mouvement démocratique de 1991. Bon boulot.
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