Que sont-ils devenus … Balla Tounkara : Un virtuose de l’animation radiophonique

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Autant la démocratie a favorisé l’éclosion des médias audiovisuels, autant elle a permis de découvrir des journalistes et des animateurs de talent parmi lesquels un certain Balla Tounkara. L’homme en son temps sur les antennes de la Radio Liberté a forcé l’admiration des auditeurs de l’une des émissions phares de la station privée. “Star Hit-Parade”, animée par Balla Tounkara, s’est distinguée dans le gotha musical bamakois par sa diversité, son mode de sélection et surtout la qualité de l’animateur. Il est aujourd’hui regrettable que Balla Tounkara ait pris du recul par rapport au micro. Pourquoi ? Il a bien voulu se mettre à table cette semaine, pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Quelles sont les qualités d’un animateur ? Comment il s’est retrouvé devant le micro ? Que pense-t-il de la prolifération des médias audiovisuels ? L’enfant de Kita Budofo a eu des réponses concises à des questions précises.

Invité d’honneur du Festival de rectification au Burkina Faso en 1987, présentateur du premier Festival des ondes à Bamako en 1994, en matière d’animation Balla Tounkara est une denrée rare. L’appréciation est dépourvue de toute complaisance et reflète une réalité, laquelle devrait être approuvée par tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre. Sa voix grave, son verbe facile, sa maîtrise des techniques d’animation donnent toujours envie de l’écouter, quand bien même un désamour peut se greffer dans un petit coin du cœur.

Cela nous fait penser à cet autre géant de l’animation radiophonique dans les années 1960-70, feu Papa Oumar Sylla. Il animait sur Radio-Mali l’émission “Le choix des auditeurs” tous les dimanches de 10 h à midi.

Pour en revenir à Balla Tounkara, la réalité est que nous l’avons toujours admiré de loin. Notre première rencontre avec lui s’est passée en début de semaine pour réaliser cette interview dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Qu’est-ce qui explique cette qualité chez lui ?

Balla Tounkara est fier d’affirmer qu’il est griot de sang, descendant d’une famille qui a dirigé la chefferie des griots de Kita pendant des années.

Pour lui, la qualité d’un animateur réside dans l’amour qu’il éprouve pour le métier. Le seul fait d’être au cœur de l’actualité, d’un événement culturel, avoir une culture générale assez large des différents domaines, avoir le sens de la modestie, le respect de soi sont les clefs de la réussite d’un animateur.

Messager de la société

Son avis sur la prolifération des médias audiovisuels a l’allure d’une alerte et d’un cri de cœur, face aux dérapages qu’il qualifie de danger. Si d’une part Balla Tounkara se réjouit du pluralisme audiovisuel, fruit de la démocratie, d’autre part il regrette le non-respect de la déontologie parce qu’il y a trop de laisser-aller, certaines radios s’étant transformées en lieux de règlements de comptes. Alors il faut nécessairement un recadrage de l’espace. Sinon le danger est patent.

Qui ne se souvient pas  de l’histoire de la Radio Mille collines au Rwanda ? L’enfant de Kita est formel que l’arsenal juridique est là. Pourquoi ne pas casser pour mieux construire ? S’interroge-t-il ? A qui la faute ? Balla Tounkara pointe du doigt et propose : “Le mal est connu. Pourquoi ne pas chercher les remèdes ? Cela est primo de la responsabilité des promoteurs de radios qui ne doivent pas admettre certaines attitudes des animateurs. Viennent ensuite l’Urtel et la Hac qui sont les garants de l’éthique et de la déontologie. Très sincèrement, il y a de grandes radios qui s’imposent. Mais c’est un îlot dans un océan. Le dérapage est excessif. Il serait nécessaire de former, de recycler les journalistes et les animateurs”. C’est dans son Kita natal que Balla Tounkara s’est distingué pendant sa jeunesse lors des cérémonies traditionnelles. Malgré son jeune âge, il était sollicité pour faire le maître de cérémonie parce qu’il était un bon orateur avec sa voix amplifiable. Issu d’une famille de griots, cela ne pouvait nullement surprendre. Son statut de messager de la société n’a eu aucune influence sur ses études primaires, dont le couronnement est son admission au DEF en 1973.

Balla Tounkara est le fruit de la première promotion du lycée Bouillagui Fadiga. Il obtient le bac en 1976, série philo-langues. Logiquement, il entreprend l’année suivante des études supérieures à l’EN Sup. Un cycle qu’il sera contraint d’abandonner en 1979 en raison des troubles socio-politiques, liées à la création et aux mouvements de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM). C’était le sauve-qui-peut pour les leaders. Balla Tounkara se retrouvera à l’Université d’Abidjan.

Hanté par le virus de l’animation, le spectacle, il fait le forcing audacieux pour entrer à la RTI comme assistant pour les émissions musicales. Parallèlement à ses études, il enseigne l’histoire-géo, la littérature dans les écoles privées jusqu’en 1989, date à laquelle sa famille exige son retour au pays. Une fois à Bamako, il s’intéresse à la musique. L’orchestre Rail Band de son grand frère Djélimady Tounkara qui occupait le devant de la scène musicale, favorisera sa réintégration.

Le virus de l’animation

Il s’engouffre dans le milieu des artistes et musiciens en faisant le maître de cérémonie lors des concerts. Vint la démocratie, avec l’ouverture des radios privées Bamakan et Liberté. Devenu l’enfant chouchou des artistes, Balla Tounkara prit des initiatives en organisant des concerts. Pour la circonstance, il annonçait ses spectacles sur les antennes desdites radios sous forme de spot publicitaire. C’est ainsi qu’il devint pratiquement le manager de la grande Hadja Soumano, avec laquelle il fit le tour du monde. C’est surtout à la Radio Liberté que l’enfant de Kita s’est fait découvrir. Comment ?

Pour la énième fois, il s’est rendu à Radio Liberté pour annoncer son projet de concerts, qui s’articulait autour d’une série de spectacles. Cette fois-ci, Balla Tounkara va faire des propositions au promoteur de la Radio, Almamy Samory Touré. A l’issue des échanges, l’émission “Star Hit-Parade” est née et démarrera quarante-huit heures après. Cette émission en plus d’assurer la promotion de la musique malienne, avait pour objectif de la révolutionner également, à travers la découverte de jeunes talents.

“Star Hit-Parade”, qui passait tous les jours de 9 h à 11 h, permettait aux auditeurs de choisir le meilleur artiste parmi le lot mis en compétition. Balla Tounkara pour assurer l’animation de son émission, faisait le tour des studios, des producteurs pour dénicher les nouveaux morceaux. L’émission a connu un grand succès, et est même devenu le baromètre pour les spectacles. Mieux Balla Tounkara soutient que M’Baye Boubacar Diarra s’en est inspiré pour créer ses émissions musicales de la télévision.

Autre création sur les antennes de Radio Liberté, un débat politique “Hebdo Liberté”. Programmé pour le lundi matin, il invitait les hommes politiques de tout bord pour discuter de l’actualité politique. Pourquoi avoir opté pour une autre émission alors que la première continuait sa montée en puissance ?

“C’était ma façon d’accompagner la démocratie, parce que notre pays faisait ses premiers pas dans le pluralisme politique. Il fallait trouver un moyen pour rapprocher les idées de façon contradictoire. Effectivement, le débat politique a permis de dépassionner les relations entre l’opposition et la majorité présidentielle. L’une des grandes satisfactions est que le Premier ministre Soumana Sako nous a demandé de différer l’émission au samedi matin parce  qu’il l’appréciait beaucoup”.

Le cœur sur la main

Balla Tounkara adapta aussi son talent à Télé Liberté avec de nouvelles émissions musicales et culturelles. Il aura ainsi passé plus de 15 ans, ponctués d’absences sporadiques, dans ce Groupe. Mais il revenait toujours avec plus d’inspiration pour créer la différence, mettre en exergue sa virtuosité.

Depuis trois ans, l’enfant de Kita a pris du recul avec la radio, déplorant l’effritement de la déontologie. Par orgueil et eu égard à tout ce qu’il a fait avec la Radio Liberté, il indique qu’il n’est pas facile pour lui de travailler pour le moment pour une autre station.

Cependant, sa formation multidimensionnelle lui permet quand même d’atterrir sur l’espace de la presse écrite. En plus de son propre organe, “La Lanterne”, Balla Tounkara fait des analyses politiques pour le journal “Scorpion”. Cette occupation ne devrait pas l’éloigner définitivement du micro. En ce sens qu’il est prêt à tout moment à travailler dans une radio. Selon lui, il ne saurait demeurer sans le micro. Cela lui a procuré de bons souvenirs comme l’interview du Premier ministre Soumana Sako, des Kony Koumaré, Mah Damba N°1, etc. L’homme reste positif et ne donne pas le temps aux mauvais souvenirs de s’incruster dans son cœur.

Dans la vie, il aime la grande famille des griots, symbole d’ambiance, la corporation des journalistes, le Mali, le cousinage à plaisanterie. Il déteste la médisance, l’égoïsme, la jalousie. Balla Tounkara est marié avec plusieurs enfants. Une façon pour lui de définir les valeurs cardinales de la grande famille traditionnelle où tous les enfants sont égaux.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

 

 

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