Ousmane SOW dans son livre UN PARA à KOULOUBA" : "Après cinq années, ATT a montré les limites de son leadership""

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Avec son look à la Aimé Césaire et ses lunettes à la Patrice Lumumba, Ousmane Sow, canado-malien et journaliste de profession, a le crayon dur et n”a pas sa langue dans sa poche : "Je ne connais ATT ni de loin ni de près. Je ne le bois pas dans ma soupe ou dans ma tasse de café chaque matin. Ce n”est pas sa personne que je critique, mais plutôt l”institution et la gestion de l”appareil étatique.

ATT est un mauvais président. Il n”a tout simplement pas rempli son contrat de performance au chapitre de la gestion du bien public et de la promotion des cadres capables et valables… Il encourage le sectarisme jamais vu depuis notre indépendance". Ainsi répondait à la question d”un confrère, le vendredi 13 avril, au Centre Djoliba, l”auteur du livre "Un para à Koulouba", lors d”une conférence de presse qu”il a tenue.

dité par les Editions Jamana, ce pamphlet fait un large aperçu de la gestion des quatre présidents- Modibo Kéïta, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré et ATT- que le Mali a connus depuis l”accession du pays à la souveraineté nationale, en 1960.

Le premier président cité, affirme Ousmane Sow, "était un Malien fier, orgueilleux. Il commettra des décrets qui provoqueront sa chute et serviront de prétextes aux militaires pour justifier leur irruption dans la scène le 19 novembre 1968".

Des militaires conduits par le Lieutenant Moussa Traoré qui, à son tour, "tel un loup dans la bergerie orchestrera une purge" en éliminant tous ses adversaires.

Le livre nous relate que Moussa Traoré, longtemps secondé par l”oncle de son épouse, Sékou Ly, au lieu d”entretenir les quelques oeuvres réalisées par son prédécesseur, les détruisait de jour en jour. Malgré les signaux d”alarme, "Moussa persistait à nier l”évidence : son UDPM, c”est du bidon !".

Vint alors la révolution de mars 91 enclenchée par les élèves et étudiants puis appuyé par les autres couches de la société. Moussa Traoré, retranché dans le palais de Koulouba avec quelques uns de ses irréductibles, a été arrêté par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Celui-ci, à la tête du Comité de Réconciliation Nationale (CRN) prend officiellement les rênes du pays. Quand le Comité de Transition pour le Salut du Peuple remplace le CRN, il y a une parité entre civils et militaires. ATT organise des élections et le 8 juin 1992, Alpha Oumar Konaré endosse le manteau de président de la troisième République. Le Mali venait de tourner une page.

ATT et son "grin au pouvoir"

Les dix ans de règne d”Alpha, confirme l”auteur, n”ont pas été non plus faciles avec des débuts chaotiques, "le pays ayant été laissé en ruine par les vingt trois ans de gestion calamiteuse de Moussa Traoré". Bien que le pouvoir ADEMA n”ait pas sorti le Mali du sous-développement, continue Ousmane Sow, "il a été une étape importante de notre histoire même pour ceux qui n”ont pas voté pour lui".

Le 8 juin 2002, ATT signe son retour sur la scène politique.

En revenant, soutient l”auteur du livre, "ATT a amené son "grin" : le Premier ministre Ahmed Mohamed Ag Hamani, le Secrétaire général de la présidence, Modibo Sidibé, l”ancien ministre des Affaires Etrangères, Lassine Traoré et le Colonel Souleymane Yacouba Sidibé à la sécurité.

De plus, le Mali est devenu aujourd”hui "un vaste champ de trafic d”influence" où ceux qui ont vu le chef, ceux qui ont vu son ombre, ceux qui ont approché sa femme ou ses enfants, sont des profiteurs du système, des démarcheurs à commission, des agents de libération de voleurs patentés et fossoyeurs de deniers publics.

A côté de ses parents réels ou préfabriqués, poursuit notre confère, "ATT, en revenant au pouvoir, a donné naissance à une nouvelle race particulière d”opportunistes au Mali : les amis du présidents". Alors que ATT, lui-même, se réclame n”être que "l”ami des enfants". Une amitié, à en croire Ousmane Sow, qui n”est pas fortuite : "sachant que la cause de l”enfance est éminemment sympathique dans le monde, il en a fait son cheval de bataille". Une Canadienne d”enfoncer le clou : "Je pense que la Fondation pour l”enfance n”était pas un élan du cœur, mais un geste de marketing politique".

Les "souteneurs" d”ATT se succèdent à la télé, répétant les propos de la veille : "ATT est le meilleur des Maliens, nous ne pouvons nous en passer". C”est la course aux déclarations d”amour tonitruantes : "J”aime ATT, un peu…à la folie". En dessous, codé, sera gravé : "Ne m”oublie pas quand viendra le temps de distribuer les faveurs".

Plus loin, Ousmane Sow relève que les marchands d”illusion prospèrent forcément aux dépens des caisses d”un gouvernement qui trouve son miroir dans les bilans élogieux préfabriqués dans les cabinets de consultation…Dans la cour du Mouvement Citoyen, les convives ont envie de se restaurer avec l”onction du prélat…Cette nébuleuse associative condensée de politiciens trop pressés et de repris de justice, se veut la réponse aux aspirations du chef de ne s”affubler d”aucun parti politique. Cependant, à chaque réunion nocturne, au palais, d”épaisses enveloppes issues de l”allocation de souveraineté atterrissent dans leur poche en vue d”offrir au peuple ce qu”il veut : du verbe et de la gouaille. Ce mouvement se veut bras séculier de la demande sociale que le ministre de la Solidarité, Djibril Tangara, malgré son embonpoint, n”arrive pas à combler. "Ce n”est pas avec des sacs de riz et des pintes de lait que la pauvreté diminuera au Mali ! ", martèle le canado-malien. Et le folklore, qui s”organise autour de la République, "anticipe une lutte de titans entre politiciens pantouflards et alliés impatients", estime-t-il. Koulouba, quant à lui, "arbitre cette foire d”empoigne en jouant des intrigues de nuit pour ne pas se mouiller en plein jour".

Le règne de l”impunit et de la corruption

Il fut un temps dans le Mandé où, rappelle l”écrivain, Kèlètigui pendait les voleurs et les escrocs à l”entrée du palais de Niani. Aujourd”hui, constate-t-il, "les voleurs et les escrocs ne sont non seulement pas pendus, mais ils ont droit aux douceurs de la nation, aux bureaux à air climatisé qui rappellent douloureusement à certains, qu”entre la culotte cousue à la main et le costume Kenzo du jour, le chemin parcouru relève du miracle ! Quand la délinquance se nourrit de l”impunité, le Mali devient la proie des chasseurs !".

"En écrivant les choses telles qu”elles sont", Ousmane Sow résume "qu”après cinq années à la tête du Mali, Amadou Toumani Touré a montré les limites intrinsèques de son leadership. Il n”a pas cet instinct politique qui fait la marque d”un meneur de peuple naturel…Le président, omniprésent à la télévision, n”innove ni ne stimule. Il navigue à vue en ôtant souvent le prestige à sa fonction…Amadou Toumani Touré est aujourd”hui porteur de l”échec de la lutte contre la corruption et l”impunité parce qu”il est le premier responsable des faits et gestes des hommes qu”il s”est choisi…Il n”est pas, comme le diraient les chrétiens, la brébis ou l”agneau parmi les loups. Il est parfaitement informé de la fortune colossale amassée par certains de ses ministres en rien de temps. Le bruit autour des contrats faramineux d”Océan Communication, propriété de sa fille aînée, a dépassé les frontières du Mali".

Notre confrère va plus loin en soutenant que "en réalité, le peuple malien n”a pas élu Amadou Toumani Touré, mais il a porté sa nostalgie sur le Lieutenant-colonel de 1991".

"Le Mali avance… en arrière !"

A chaque inauguration de poulailler ou manifestation folklorique, le discours officiel répète le même sésame : "Le Mali avance". Vraiment? Se demande l”auteur qui convient que le Mali "progresse quand même".

Cependant, il relève un hic : "Prendre le cas de l”inauguration d”une plate-forme multifonctionnelle ou d”une basse-cour de campagne comme indice de progrès est très divertissant, certes, mais manque de substance". Pour lui, "le développement d”un pays ne peut être seulement une suite d”énonciations de projets ou d”inaugurations tapageuses, car nous en avons eu assez avec l”UDPM".

Ousmane Sow croit fermement que la gestion de l”Etat sous ATT rappelle l”obsession de Narcisse, le petit écran à la place du miroir. Le pouvoir, pour se convaincre qu”il est performant, occupe continuellement le journal télévisé. Il ne mesure pas ses actions à l”aune de leur impact sur la vie quotidienne des citoyens mais à la longueur de la couverture médiatique. Plus on se voit remplir la lucarne, mieux on se croit vaillant travaillant.

Or, à ce chapitre, la réalité que relève l”auteur est "froide" : le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) n”a pas inventé les chiffres classant le Mali au 175ème rang sur 177 nations étudiées à l”IDH (Indice de Développement Humain). Le gouvernement du Mali a bien sûr ses chiffres, mais le PNUD connaît mieux le système : les données nationales ne sont pas fiables.

Pire, c”est un secret de polichinelle que présentement à Washington, au sein du FMI et de la Banque Mondiale, la conviction est que le Mali est devenu expert en tripatouillage des statistiques. A cette rubrique, il a remplacé le Sénégal des années 80.

On se rappelle que quelques semaines avant le début de la campagne, l”ADEMA, l”URD plus douze rejetons de partis avaient décidé d”abdiquer de leur droit de conquérir le pouvoir en se réunissant dans une plate-forme appelée Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP) et de soutenir ATT.

Des partis que Ousmane Sow qualifie de "meute de prédateurs et de laudateurs trop pressés de se faire les poches". Les quatre ans de règne d”ATT sont, quant à eux, "calamiteux". C”est pourquoi "celui qui nous a été imposé par Jacques Chirac et Alpha Oumar Konaré en 2002 doit être retiré du circuit et utilisé autrement".

Il n”y a pas que cette attitude politique qui agace le journaliste canado-malien. Ainsi, en plus de proclamer leur flamme éternelle au couple présidentiel, les souteneurs, jamais à court d”idées tarabiscotées, innovent sans arrêt : Ils ont fait de ATT un candidat désargenté, incapable de payer la caution de 10 millions de Fcfa. Des petits mais futés esprits ont inventé une forme de déclaration d”amour : la collecte publique de la caution.

En attendant de passer la calebasse dans les mosquées inachevées ou le chapeau dans les salles de concert, les supporters de Sofara, une des bourgades les plus miséreuses du Mali, ont trouvé 25 000 Fcfa ; des talibés surexcités de la commune III ont allongés 300 000 Fcfa, trop peu pour rivaliser avec les amazones aux traits ridés de Sikasso qui ont offert 500 000 Fcfa. C”est le Collectif des Femmes Acquises à la Cause d”ATT (CFAC-ATT) qui a remis le chèque des dix millions, lors d”une manifestation à l”Hôtel de l”Amitié. La présidente du collectif, une ancienne militante de l”UDPM, de l”ADEMA, du RPM, puis de l”ADEMA et aujourd”hui du Mouvement Citoyen attend fébrilement sa récompense.

ATT est-il vraiment fauché au point de prendre le risque de souscrire à une vague qui se terminera fatalement en gigantesque escroquerie d”autant plus qu”on parle déjà de racket organisé dans certaines communes ? L”auteur se pose la question. Ousmane Sow de penser que "le président a la plaisanterie trop facile". Pourtant, continue-t-il, "il est question de la préservation du prestige et de l”autorité de l”Etat". En tout cas, les Maliens n”ont aucune envie que se répande dans le monde, la nouvelle qu”un président en exercice pressure son misérable peuple afin de payer sa caution. Tout ce qui est excessif cesse d”être amusant !

Notre confrère d”émettre un vœu qui laissera plusieurs politiciens à la solde d”ATT sans sommeil : "J”aimerai bien qu”ATT leur applique la méthode Wade. Tous au premier tour, après on saura qui vaut quoi dans ce pays, et les alliances seront nouées".

Paul MBEN

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