La presse écrite et réseaux sociaux : amis ou ennemis ? que dit la déontologie.
Beaucoup des journalistes pensent que les réseaux sociaux concurrencent les medias d’informations classiques.
Ce pays ayant acquis son indépendance en 1960 a un paysage médiatique riche, diversifié et qui s’agrandit progressivement depuis l’avènement de la démocratie il y a 31 ans. Si son premier organe de presse écrite d’expression française [Essor, journal gouvernemental] a été créé en 1961, il n’a connu son premier journal privé (Les Echos) qu’en 1989. Entre 1991 à 1997, des canards comme « Le Républicain », « Nouvel Horizon », « L’Indépendant », « Le Soir de Bamako » et « InfoMatin » se sont installés et constituent, à ce jour, en grande partie les principaux « quotidiens privés » du pays.
Alors que le paysage médiatique continue sa constante évolution voire mutation, la presse écrite malienne s’efforce à assurer sa survie dans un environnement de plus en plus numérique. La floraison des réseaux sociaux, un nouveau secteur qui attend d’être règlementé au Mali, impacte fortement le fonctionnement des organes de presse en papier, menacés de disparition. Avec sa population estimée à 20 millions d’habitants, il revendique, selon Boubacar Yalkoué, Secrétaire général de l’Association des Editeurs de Presse Privée (ASSEP), en 2022 entre 250 à 260 organes de presse écrite y compris une dizaine de quotidiens, des hebdomadaires, des bihebdomadaires, des mensuels. Ces sociétés de presse écrite sont, précise-t-il, réparties entre trois faîtières : l’ASSEP (plus de 230 organes), le Groupement Patronal de la Presse écrite (une dizaine de journaux) et le Cadre de Concertation des Directeurs de Publication (CCDP) (quelques titres).
Si ce chef d’entreprise de média loue son caractère promotionnel et distributionnel des journaux, il pointe du doigt la réduction de la vente des journaux en papier et le fait que les annonceurs optent désormais pour la communication digitale au détriment de celle en papier. « Les grands annonceurs préfèrent faire des publications sur les plateformes WhatsApp, Facebook, Twitter, Instagram où les gens ont accès à leur information. C’est finalement un manque à gagner pour les journaux », affirme-t-il dans une interview. Cette observation a été confirmée par le plus grand distributeur de journaux au Mali, qui avoue que la vente des journaux a chuté. Le Directeur de publication d’un quotidien de la place parle d’« une concurrence mortelle » pour les journaux. Le Mali connait depuis une décennie une crise multidimensionnelle : sécuritaire, économique, politique et sociale. Cette crise endémique, au-delà des autres secteurs vitaux, n’épargne pas le monde des médias, particulièrement la presse écrite qui doit aussi faire face à une « concurrence mortifère » occasionnée par l’émergence des réseaux sociaux. L’arrivée des réseaux sociaux dans le monde de l’information a brouillé les cartes, poussant la presse classique à devoir se remettre en question, à se penser de manière nouvelle. Le point sur la situation actuelle avec Malik MAIGA journaliste, la principale difficulté de la presse aujourd’hui est liée à l’irruption des réseaux sociaux (RS). Pendant des décennies, la presse s’est développée dans la continuité. La stabilité était la règle. Depuis une dizaine d’années, cette quiétude est remise en cause. D’abord avec les agrégateurs d’infos que l’on trouve sur internet, comme Google News, par exemple. Depuis trois-quatre ans, les RS ont pris le relais. FB et Twitter offrent des informations en continu, à un rythme qui s’accélère sans cesse. Entre la presse et les RS, on a désormais 2 systèmes d’informations parallèles qui se nourrissent l’un de l’autre, mais qui sont également en concurrence.
QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE CES DEUX SYSTÈMES?
La presse classique, qui est de plus en plus sur les Réseaux Sociaux , priorise toujours ses sources traditionnelles, comme les agences de presse, les journalistes-correspondants, les communiqués de presse, les contacts avec des personnes autorisées. A ces sources, extrêmement nombreuses, s’ajoute donc le flot d’informations venant des Réseaux Sociaux S, Twitter et Facebook essentiellement.
Pour les réseaux sociaux, les infos arrivent de « partout ». On y trouve pêle-mêle les mêmes sources qui alimentent la presse (souvent en adaptant leurs informations au public des RS), des spécialistes parfois très pointus, des relayeurs d’info (souvent des journalistes) ainsi que Madame et Monsieur Tout-le-Monde. On est donc en présence de deux flots d’informations qu’on voudrait bien complémentaires mais qui sont encore antagonistes.
QUEL EST LE PROBLÈME DE LA PRESSE CLASSIQUE FACE AUX RÉSEAUX SOCIAUX?
La presse ne sait pas comment traiter l’info émanant de Twitter et Facebook ; elle ne sait pas comment gérer la tension entre les aspects qualité, fiabilité et la rapidité. La presse classique propose généralement des infos fiables. Mais les Réseaux Sociaux sont beaucoup plus rapides. Alors, que doit faire la presse? Continuer selon le schéma classique de vérification de l’info et accepter de ne pas être aussi rapide que les Réseaux ? Entrer en concurrence avec les Réseaux Sociaux , avec un risque élevé de perdre en fiabilité?
SI LA PRESSE CHOISIT LA CONCURRENCE QUEL EST LE RISQUE?
L’enjeu, c’est la crédibilité. Si la presse classique se trompe trop souvent, si le public a le sentiment qu’elle dit n’importe quoi, ce sera dévastateur pour elle. Car tout le système est basé sur la confiance. Et si la confiance disparaît, c’est la spécificité de la presse qui disparaît en même temps. Voilà pourquoi elle ne peut pas prendre le risque de renoncer à la vérification de ses sources. Mais, même si elle ne met qu’une heure pour ce faire ce travail de vérification, elle arrivera comme la grêle après la vendange. Le fil des infos des Réseaux Sociaux aura pris une avance considérable.
LA PRESSE PEUT-ELLE PARIER SUR LA DISPARITION DES RÉSEAUX SOCIAUX?
Les Réseaux Sociaux ne sont pas un phénomène passager. Ils évoluent, c’est sûr, mais ils sont là à long terme. Nous sommes de plus en plus environnés par les Réseaux Sociaux et plus ça avance, plus nous allons les utiliser. On ne peut plus vivre sans. Les jeunes sont sur les Réseaux Sociaux et de moins en moins sur la presse classique , ou alors ils choisissent de la lire sur leur smartphone.
LA PRESSE ÉCRITE EST-ELLE APPELÉE À DISPARAÎTRE?
Je pense que le journal papier va disparaître. Le problème, c’est qu’avec cette disparition, c’est l’idée de synthèse qui est en péril. Le quotidien que l’on feuillète nous donne un reflet synthétique de l’actualité – à tout le moins l’actualité qu’il a choisi de nous livrer ! Avec sa mise en page, sa hiérarchisation, ses titres, ses photos, le journal papier nous dit quelque chose d’important sur le monde dans lequel nous sommes. Cette vision synthétique, on ne peut pas la retrouver sur son écran. Face au flot continu des news sur les Réseaux Sociaux
, il n’y a plus la possibilité d’avoir de hiérarchisation des infos. Donc, vraisemblablement le papier va disparaître. Mais il ne sera pas remplacé dans son rôle de hiérarchisation et de synthèse des informations. Je vois là un risque majeur pour la capacité des gens à « bien » s’informer. Une cohabitation non-réglementée, Il ressort, en outre, du constat qu’un journaliste professionnel ne perçoit que 10.000 voire 5.000 FCFA comme perdiem pour la couverture des évènements contre 50.000 FCFA pour un vidéoman sur Facebook. De plus, « Le phénomène a pris de l’ampleur sous IBK – ancien président ayant dirigé le Mali de 2013 à 2020- mais se poursuit malheureusement pendant la Transition. Ce système ne doit pas prospérer et n’est pas bon pour un Etat sérieux » , on estime que « les médias sociaux ne sont pas équitables dans le traitement de l’information et sont à la solde du plus offrant ».
Une influence sur le travail des journalistes : La cohabitation presse écrite-réseaux sociaux influence aussi la pratique journalistique des professionnels de média. Les réseaux sociaux constituent à ce jour « la première source ouverte à la disposition d’un journaliste ». « Sans nous rendre sur le terrain, nous pouvons facilement avoir accès à beaucoup d’informations », confirme BAGAYOKO , un journaliste professionnel. Ce dernier soutient toutefois que les contenus d’internet « peuvent facilement induire le journaliste dans l’erreur parce que les informations sont postées par n’importe qui et souvent pour d’autres fins ».
« La cohabitation est difficile au Mali parce que les organes n’ont pas su exploiter les réseaux sociaux et l’Internet en général », conforte FANE, journaliste au groupe « LES COULISSES ». Ce reporter indique que ces outils ont non seulement changé sa façon de travailler mais au-delà celle des rédactions. « C’est d’abord le lieu où les gens s’informent. Les journalistes en premier. Nous y tirons les premières informations. Nous vérifions et nous recoupons avant de publier. Ils animent en quelque sorte les journaux indirectement », déclare ce journaliste. Il plaide, face à cette situation, que les journalistes se passent des « comptes rendus » pour s’orienter vers les enquêtes, les reportages et les interviews. « La presse écrite est menacée par le Web, mais elle reste tout de même fiable aux yeux des intellectuels », argumente ce lauréat du prix Norbert Zongo, ajoutant que « chaque rédaction doit avoir son site dynamique et être présente au maximum sur les plateformes web ». Son constat est confirmé par Macky SOW r, un cadre de la fonction publique, qui se rabat quotidiennement sur les journaux pour s’informer. « Je m’informe généralement à travers les journaux parce que je pense y trouver des informations fiables », laisse entendre ce quadragénaire, reconnaissant néanmoins la rapidité et la spontanéité des réseaux sociaux. Fake news « Pour moi, la presse écrite reste un moyen de communiquer avec la franche intellectuelle du pays à savoir des citoyens instruits. À ce niveau, il y a plus de crédit dans les écrits, c’est-à-dire moins de fake news », renchérit Moussa, leader politique. Cet ex-candidat à la législative , qui soutient que « la moitié de la population malienne est intéressée par les réseaux sociaux », avoue « préférer les réseaux sociaux pour ses campagnes, annonces voire publicités parce qu’ils touchent le maximum de personnes ». Plusieurs utilisateurs d’internet comme SIDIBÉ dénoncent la diffusion et la propagation des fausses informations dans les réseaux sociaux. Si aucun organe de presse écrite ne propose, pour le moment, ont fait de la vérification des fausses informations leur spécialité avec des rubriques respectivement.
L’ampleur des Fake news sur les réseaux sociaux a fait dire à Sory, promoteur du journal « les Coulisses », lors d’une conférence de presse le jeudi passé, que « l’enjeu aujourd’hui pour les vrais journalistes n’est pas la rapidité dans la diffusion de l’information mais la qualité et l’effort qu’on fournit dans la vérification ». Pour Souleymane , son collègue du « jalon », « les journalistes professionnels doivent fouiller et révéler ce qu’un simple Facebookeur ignore ».
QUE PEUT FAIRE LA PRESSE CLASSIQUE POUR S’ADAPTER?
La difficulté est qu’elle n’a pas trouvé de modèle économique viable pour faire face à la gratuité sur internet. Le public considère qu’il est normal que l’information qui arrive sur nos écrans / smartphones soit gratuite. Dès lors, si d’un côté on a de l’information gratuite et de l’autre de l’information qui coûte 500 f pour un abonnement, il y a un gros problème. La question qui se pose est donc celle-ci : comment faire face à la gratuité des RS tout en proposant un contenu qui n’est pas gratuit puisqu’il faut payer des journalistes pour enquêter, rendre compte, synthétiser, écrire, commenter…
LE JOURNALISME, C’EST DONC FINI?
J’espère bien que non ! Le rôle du journaliste est absolument essentiel. Il fait un travail de tri, de digestion et de médiateur. C’est grâce à lui, ses connaissances, ses compétences que l’information est encore « lisible », « audible » et « regardable ». C’est en s’appuyant sur son travail que nous pouvons évaluer la fiabilité d’une information. Cela dit, comme le secteur de la presse est sinistré, le métier est effectivement en danger dans la mesure où il se précarise à grande vitesse. Quel est le journaliste qui aujourd’hui sait s’il sera toujours dans ce métier dans un ou deux ans?
COMMENT SE SORTIR DE CETTE SITUATION QUI AFFECTE TOUTE LA PRESSE CLASSIQUE ?
Il faudrait qu’elle trouve un mode de financement différent du mode actuel. La publicité qui générait une partie importante de ses revenus se réduit comme une peau de chagrin. Les annonceurs ont tendance à déserter les versions papier des journaux. Mais ils ne se précipitent pas sur leurs versions web. A quoi pourraient ressembler ces nouveaux modes de financement? A des aides publiques, du sponsoring, du mécénat. Ce sont des voies à explorer, même si les questions qu’elles soulèvent – celle de l’indépendance rédactionnelle, notamment – sont délicates. S’il y a une loi sur la cybercriminalité réprimant les dérives sur les réseaux sociaux, la cohabitation presse écrite-réseaux sociaux demeure non réglementée au Mali. Un cadre juridique régissant les médias au Mali est en examen avant son éventuelle adoption même s’il ne fait mention ni des réseaux sociaux ni des WebTV mais plutôt de la presse. Il s’agit de l’intitulé « Propositions de Cadre juridique régissant les médias au Mali », issu d’une séries d’atelier par la Maison de la presse en collaboration avec la Haute Autorité de la Communication et le ministère de la Communication, de l’économie numérique et de modernisation de l’administration. On insiste sur la nécessité de réglementer et légiférer. « Ce nouveau cadre juridique nous permettra d’être un peu sécurisé et faire en sorte que les autorités sortent de ce système qui n’est pas bon pour la démocratie, ni pour…
Mohamed SOGODOGO