Mali : échanges entre la presse et le gouvernement sur le traitement de l’information en temps de crise

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A l’initiative du ministre de la Communication, de l’économie numérique  et  la Modernisation  de l’Administration, deux membres du gouvernement de transition et le président de la Haute autorité de la communication  se sont entretenus avec  la presse,  hier mardi,   à Bamako sur le traitement  de l’information en temps de guerre.  Une rencontre qui a été marquée par des échanges ‘’houleux’’ entre les deux camps.

Au Mali, les autorités de la transition veulent un ‘’traitement patriotique’’ de l’information  dans cette période où les forces armées sont engagées dans une guerre de reconquête du territoire contre les groupes armés terroristes et rebelles. C’est Le Président de transition, le colonel Assimi Goïta,  aurait personnellement instruit au ministre de la Communication  pour faire passer le message de l’exécutif. « Le gouvernement veut un engagement hautement patriotique de la part des médias », a déclaré le ministre Alhamdou Ag Illyane, qui résume les attentes des autorités en quelques  points. Il s’agit, selon lui, de la production  des articles qui développent le patriotisme, motivent les forces armées maliennes dans leur mission régalienne, développent la résilience chez les populations  la cohésion sociale et qui  contrent la campagne  de propagande hostile contre  le peuple malien. «  La  presse doit véhiculer des messages  qui éviteront l’amalgame  et la division», souligne-t-il. « Le Mali est en guerre.  Cette guerre touche  la profondeur de notre existence. C’est pourquoi il est nécessaire d’adapter la communication à la situation actuelle  », renchérit  le ministre de la Refondation de l’Etat, le professeur Ikassa Maïga, qui  estime que  les hostilités engagées par les groupes terroristes et rebelles contre l’Etat central ont des ramifications ailleurs. « C’est l’existence du pays qui est menacé. Les gens meurent  par dizaine, par centaine. C’est macabre de le dire »,  insiste le ministre Ikassa Maïga.

Pour sa part, le président de la Haute autorité de la Communication sonne la mobilisation. «  En période exceptionnelle, il est important que  chaque corporation fasse prévaloir la fibre patriotique », lance le gendarme de la communication. Avant de prévenir’’ la liberté de la presse s’exerce vis-à-vis  de l’Etat.  Mais quand  la patrie est en danger, l’Etat prend toutes les dispositions pour qu’il se redresse’’.

Ces différentes déclarations des trois représentants de l’Etat a valu une avalanche  de réactions de la part des journalistes et des  responsables des faitières de la presse. « La liberté de la presse n’est pas négociable », prévient le président de la Maison de la presse, Bandiougou  Danté.  En plus  de  déplorer les conditions  financières difficiles et l’environnement hostile  dans lesquels la presse travaille, le patron de la Maison presse  dénonce  les difficultés que les journalistes rencontrent pour avoir de l’information.  « Au lieu que  la presse étrangère s’informe à travers la presse malienne,  c’est elle qui s’informe à travers l’étranger. L’information n’est plus un droit », lance le président de l’Association des médias en ligne, Modibo Fofana.  Selon lui,  la presse professionnelle malienne est  engagée dans  le respect de l’éthique et la déontologie.  Poursuivant, il a accusé le gouvernement de confondre la presse professionnelle  aux  internautes qui diffusent, partagent n’importe quelle information vérifiée ou non vérifiée sur les réseaux sociaux. « Vous avez fabriqué des monstres  sur les réseaux sociaux qui se retournent aujourd’hui contre l’Etat », a tranché Bandiougou Danté.  A l’unanimité,  la presse professionnelle malienne accuse le pouvoir de transition de l’avoir délaissée au profit des réseaux sociaux.

Face à cette avalanche de reproches, le ministre de la communication a rassuré d’organiser dans les prochains jours une série de rencontres avec les faitières  des médias pour  trouver une réponse aux préoccupations des journalistes.

Siaka DIAMOUTENE/Maliweb.net

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2 COMMENTAIRES

  1. – “« Vous avez fabriqué des monstres sur les réseaux sociaux qui se retournent aujourd’hui contre l’Etat », a tranché Bandiougou Danté.”
    – “A l’unanimité, la presse professionnelle malienne accuse le pouvoir de transition de l’avoir délaissée au profit des réseaux sociaux.”

    Bandiougou Danté est hors-sol.

    L’information et la communication sur les réseaux sociaux sont une véritable “révolution” contre laquelle aucune personne et aucune autorité ne peut aller. La France l’a appris récemment à ses dépens en Afrique. Cette révolution de l’information et de la communication sur les réseaux sociaux n’est pas malienne, elle est mondiale.
    Il y a évidemment, comme toujours, beaucoup de fausses informations qui circulent. Mais les gens au Mali et dans le monde n’ont jamais dans l’histoire de l’humanité été aussi bien et aussi vite informés que de nos jours. Les médias traditionnels sont délaissés et en crise partout dans le monde.

    Bandiougou Danté devrait comprendre cela et appeler les membres de sa corporation à s’adapter, à se former et à exceller pour tenir face à la compétition de ceux, non journalises, activistes rémunérés parfois, simples citoyens patriotes bénévoles plus souvent, qui prennent de leur temps pour participer aux débats d’idées et à la vie démocratique.
    Les journalistes au Mali qui se sont adaptés, par exemple, en se convertissant à l’information vidéo en langues nationales, et ceux qui excellent dans les analysent et enquêtes écrites sont suivis et respectés au Mali.

    Après, on peut comprendre les difficultés financières des membres de la presse malienne dite professionnelle, difficultés qui ont toujours existé. Mais la crise et les difficultés concernent tous les Maliens et s’étendent à presque tous les pays du monde.
    Heureusement d’ailleurs que les citoyens sont mobilisés sur les réseaux sociaux aux côtés du gouvernement du Mali pour qu’il défende notre pays dans le cadre notamment de la “guerre informationnelle” de déstabilisation que leur ont lancée des pays extra-africains. Heureusement aussi qu’eux ne font pas grève, ne boycottent pas et ne conditionnent leurs publications à l’argent public de l’Etat.

    Je suis très attaché à la liberté de la presse et aux conditions de travail des journalistes. Mais il ne faut pas que Bandiougou Danté transforme cette corporation très respectable en quelque chose de figé et dépassé qui serait l’équivalent de ce qu’est en grande partie la classe politique malienne actuelle dite démocratique.

    Il faut vraiment s’adapter, bouger ou faire dans la vie autre chose. Il faut oser. Tout est à faire au Mali. Les possibilités de formation et de reconversion sont très nombreuses. L’esprit de patriotisme, lui, auquel appelle le chef de l’État parce que le Mali est en guerre n’est pas négociable ou conditionnel.

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