A l’instar de la communauté internationale, les acteurs de la presse au Mali ont célébré samedi dernier la journée mondiale de la liberté de la presse. Instaurée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1993, cette journée permet de mettre en lumière les principes fondamentaux de la liberté de la presse, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession. Au Mali, l’événement a été marqué par l’organisation d’une conférence-débat animée par un panel de spécialistes de la profession à la maison de la presse sous le thème ” La presse malienne engagée pour la paix et la réconciliation “.
Même si au niveau international, le choix du thème suivant ‘‘la liberté des médias pour un avenir meilleur : contribuer à l’agenda de développement post-2015’‘ était motivé par le fait que les OMD atteindront leur échéance en 2015 et que plusieurs pays ne seront pas au rendez-vous. Au Mali, c’était plutôt un thème qui cadre avec l’actualité qui a été privilégié en ce sens que le pays se relève progressivement de la plus grave crise de son existence.
Dans un mot prononcé pour la circonstance, le président de la maison de la presse, M. Makan Koné a insisté sur le fait que des mécanismes devaient être trouvés pour une plus grande protection des acteurs de la corporation dans le pays. Pour lui, il est nécessaire de ne pas oublier toutes les exactions infligées aux journalistes maliens dans le cadre de l’exercice de leur profession durant la crise. Il a ainsi rappelé les chiffres alarmants dressés par Reporters sans frontières sur la situation de la liberté de la presse cette année.
Ainsi, 16 journalistes dans le monde ont été tués dans l’exercice de leur fonction, depuis janvier 2014. Neuf citoyens ont aussi été tués et 168 journalistes emprisonnés. A ceux-là s’ajoutent 2160 qui ont été menacés ou agressés et 826 autres interpellés. Il a aussi insisté sur la nécessité pour la presse malienne de corriger le plus mauvais score que l’organisation lui a infligé en la classant 122e sur 179 pays soit une régression de 22 place.
Des chantiers pour réformer le secteur
De son côté, le ministre de l’Economie numérique, de la Communication et de l’Information, Mahamadou Camara a promis que des dispositions seront prises pour que plus jamais un journaliste malien ne soit inquiété dans l’exercice de sa profession. Il a renouvelé son engagement de construire une grande école de journalisme avant le mois d’octobre prochain. Il a aussi annoncé sa volonté de créer une haute autorité de la communication pour mieux réguler le secteur. Le ministre Camara a également rappelé son intention de réformer le secteur des médias publics afin qu’il soit à hauteur de souhait.
Ainsi, il envisage de faire de l’essor et de l’ORTM de puissants leviers de développement pour qu’ils soient des références dans la sous-région. Il a par ailleurs invité les promoteurs de la presse audiovisuelle dans le pays à s’inscrire résolument dans la dynamique du passage de l’analogique au numérique fixé au 17 juin 2015 insistant sur les avantages à tirer de ce transfert. Enfin, il a promis un plus grand accompagnement et plus d’intérêt pour la presse privée. Notons que pour la circonstance, diverses communications ont été présentées respectivement par Hélène Papin, ancienne journaliste de RFI et aujourd’hui employée à la MINUSMA, Serge Daniel, correspondant permanent de RFI au Mali, Cheick Oumar Maïga dit Gilbert, l’un des doyens de la presse malienne et M. Diomansy Bomboté, ancien formateur au Cesti de Dakar.
Leurs interventions ont notamment porté sur le rôle du journaliste, sa mission, ses droits et ses obligations en temps de paix. Au cours des débats qui ont suivi ces exposés, il a été recommandé aux pouvoirs publics de mieux soigner la communication au sommet de l’Etat, une meilleure protection pour les journalistes et leurs sources, la dépénalisation des délits de presse. En un mot, les journalistes maliens veulent des réformes plus avantageuses et plus protectrices de la liberté de presse.
Il a aussi été demandé au gouvernement de faciliter l’accès des journalistes aux sources d’information. Rappelons que dans son rapport, RSF a indiqué que 4 milliards d’êtres humains sont encore sans information libre. C’est le pire bilan depuis 1996. Reste à savoir si ces déclarations de bonne intention seront véritablement traduites en réalité afin que la presse malienne retrouve la place honorable qu’elle a toujours occupée dans le classement de Reporters sans frontières.
Maciré DIOP