Celui par qui "le scandale" est arrivé eût été un éducateur au sens noble du terme qu’il n’aurait pas effectué ce grand saut dans l’inconnu pour atterrir dans l’univers carcéral. On se demande à ce jour quel objectif pédagogique le sieur Minta voulait atteindre chez ses élèves en…pondant une œuvre fictive, dont la perversité souille et banalise la première institution d’un pays, le président de la République.
Le tollé d’indignations que ce sujet ne pouvait manquer de susciter au niveau des parents du Lycée Nanaïssa Santara, qui ont le mérite de suivre de près l’éducation de leurs enfants est parvenu aux oreilles du confrère d’Info-Matin.
Seydina Oumar Diarra a certes pris la responsabilité de porter l’affaire sur la place publique. Mais, pouvait-il critiquer, dénoncer et condamner une perversion d’une telle nature sans en donner la preuve en publiant le texte?
En l’interpellant pour cela, le procureur Théra est curieusement celui qui par sa démarche donne le plus le tournis. Pour au moins deux raisons. La première se situe par rapport à la preuve des faits qualifiés d’"offense au Chef de l’Etat".La preuve étant définie par "Le petit Larousse" comme "ce qui établit la vérité de quelque chose", on se demande en conséquence qui est ce chef d’Etat qui a été offensé.
Car, nulle part dans le texte de l’œuvre fictive incriminée, n’existe la preuve que le président de la République en question est celui du Mali, ou qu’il s’appelle Amadou Toumani Touré, actuel chef de l’Etat en exercice. Faut-il comprendre que l’action publique a été déclenchée avec tant de furie contre les personnes incriminées pour sanctionner leur discourtoisie envers la fonction présidentielle ?
La deuxième raison, C’est l’obstination de M Théra à considérer nos confrères comme des délinquants de droit commun. L’évidence, c’est ce qui crève les yeux. C’est selon toute vraisemblance en lisant l’article, dans un journal, sous la plume d’un journaliste qui travaille et vit de cette activité de collecte et de traitement de l’information que le procureur a jugé opportun de poursuivre ce dernier. Il ne saurait donc le traiter comme un vulgaire voleur, un violeur, un escroc ou un meurtrier.
Il est évident que si un journaliste commet un vol, un abus de confiance, une escroquerie, un viol ou un crime quelconque, il doit être poursuivi et puni comme n’importe quel citoyen. Or, dans cette procédure, si Seydina Oumar a commis une infraction, c’est strictement dans le cadre de son activité, le journalisme, et cela s’appelle un délit de presse, régi par une loi spéciale. Laquelle est toujours privilégiée par rapport au Code pénal, conformément à une règle procédurale universelle qui s’impose à la bonne foi et au bon sens de tout praticien.
Au regard des dispositions de cette loi en vigueur depuis l’an 2000 que tout magistrat devrait chercher à maîtriser, l’auteur de faits qualifiés délits de presse passe pour le complice du Directeur de publication, principalement responsable. Sombé Théra aura toutes les peines du monde à convaincre de la pertinence de son choix.
En vérité, cette affaire est à oublier au plus vite. Une sagesse populaire enseigne qu’à force de vouloir énumérer toutes les parties de son propre corps, on finit par "s’insulter". L’attention a été inutilement focalisée sur un fait qui ne méritait pas autant d’intérêt.
Le texte à l’origine de la crise actuelle entre la presse et la justice ne devait nullement dépasser l’imagination tortueuse de son auteur pour se retrouver dans une enceinte scolaire, a fortiori dans les colonnes d’un journal ou dans les dossiers d’un parquet.
Amadou Béidy Haïdara
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