Un journaliste arrêté, écroué, jugé et condamné à 13 jours de prison ferme et 200 000 FCFA d”amende pour "offense au chef de l”Etat" au motif qu”il a commenté un sujet de dissertation littéraire mettant en scène un président de la République fictif et une "élève prostituée économique".
rnQuatre Directeurs de publication arrêtés, écroués, jugés et condamnés de huit à quatre mois de prison avec sursis accompagnés d”une amende s”élevant à 200 000 FCFA pour chacun pour "complicité d”offense au chef de l”Etat" parce que, par solidarité confraternelle avec le journaliste auteur de l”article incriminé, ils ont reproduit ledit article dans leur publication respective. Pour rappel, il s”agit de Sambi Touré de Info Matin, Alexis Kalambry des Echos, Birama Fall du Républicain, Mahamane Hamèye Cissé du Scorpion.
Des journalistes traduits en justice, non pas sur la base de la loi sur le régime de presse et délits de presse, confectionnée pour eux par l”ex-président Alpha Oumar Konaré, un bon démocrate qui avait souci de leur éviter la prison, mais sur la base du droit commun – le fameux code pénal – parce que ceux qui ont actionné la machine judiciaire contre eux voulaient, coûte que coûte, qu”ils aillent au bagne.
Un procès tout ce qu”il y a d”expéditif, parce que s”étant déroulé en moins de deux heures, dans le plus grand secret, pourrait-on dire, parce qu”en l”absence du public et des journalistes priés de vider les lieux – dire que certains de ces derniers étaient venus d”autres pays africains, voire d”Europe – et pire, en l”absence des avocats de la défense qui avaient décroché, 72 heures auparavant, parce que s”étant trouvés dans l”incapacité d”exercer leurs droits.
Voici quelques unes des anomalies grotesques qui ont émaillé "l”action publique" enclenchée par le Procureur Sombé Théra de la Commune III du District de Bamako contre Seydina Oumar Diarra, alias SOD, de Info Matin, les quatre Directeurs de publication cités plus haut et le Professeur Bassirou Kassim Minta du Lycée Nanaïssa Santara, auteur du sujet de dissertation à l”origine de tout ce branle-bas politico-judiciaire.
En effet, qu”on ne s”y trompe pas. Le Procureur Sombé Théra ne peut se lever de lui-même, un beau matin, pour prendre sur lui de faire arrêter un censeur de lycée sur un thème aussi sensible, qui plus est, un journaliste d”un des titres les plus redoutés de la place par le pouvoir, quatre Directeurs de publication parmi les plus influents sans que le premier magistrat de la République, ATT pour ne pas le nommer – on va si vite en prison au Mali en cette ère de démocratie – en soit un tantinet informé.
Non, la thèse de "l”action publique" enclenchée par un magistrat intègre, ayant à cœur de protéger les institutions républicaines contre ces maudits prédateurs que sont les journalistes ne convainc que les convertis. Il existe bien une partie civile dans ce procès à mi-chemin du cauchemar et du vaudeville. Et ce n”est pas la société malienne, comme on s”évertue à nous le faire croire, en nous prenant pour de grands naïfs que nous ne sommes pas. La partie civile, qui se cache derrière toute cette machination s”appelle Amadou Toumani Touré. Et sa motivation est claire : il veut mettre au pas, ou plutôt à genou la presse qui lui a refusé allégeance pour s”assumer en toute liberté et en toute responsabilité.
Pur produit de la dictature militaire qui a sévi au Mali entre novembre 1968 et mars 1991, ATT veut faire du moussaïsme sans Moussa. Même président de la République, il n”a pas compris que les temps ont changé et que la page du militaro-fascisme est tournée à jamais.
En s”attaquant à la liberté de la presse au Mali, en mettant en prison ses grands animateurs et dignes représentants, ATT cherche à terroriser l”ensemble de la profession, à l”inféoder et à l”assujettir pour pouvoir gouverner en toute impunité et perpétuer le pillage de nos ressources nationales par son seul clan.
Mais la manœuvre ne passera pas. Plus que jamais, la vigilance est de rigueur pour préserver une presse libre, indépendante et plurielle au Mali.
Saouti Labass HAIDARA
“