"Notre principal fournisseur, Canal Horizons est devenu notre concurrent sur notre terrain. Il opère au Mali sans autorisation et ne paye rien, contrairement à nous, fils de ce pays. C’est le grand paradoxe que Multicanal et Malivision vivent actuellement ". Ces propos sont de Ismaël Sidibé, promoteur de Multicanal qui rediffuse des images et de la chaîne du continent Africable, plus connu sous le surnom de " Nayou ".
Originaire de Koumouko, dernier village avant Yanfolila à 276 km de la capitale, Ismaël Sidibé est né et a grandi à Hamdallaye, grâce au statut de fonctionnaire de son père. Agé d’une quarantaine d’années, l’homme est marié et père de cinq enfants.
Un cycle primaire et secondaire à Bamako le conduit, en 1984, en Côte d’Ivoire, où il étudia les télécommunications et l’audiovisuel, avec une spécialité en fabrication de satellites et d’antennes paraboliques. A son retour au pays en 1990, il a d’abord ouvert "Incom Mali", un vidéo club et une unité de fabrication de paraboles. Ce qui lui donnera l’idée, en 1995, de mettre en place Multicanal, afin de fournir les Maliens en images d’ailleurs, en plus de celles de la télévision nationale.
Multicanal a été confronté à de sérieux problèmes de piratage d’images qui ont duré plus d’un an. Ce qui fera dire au PDG que "le bébé qui était à l’agonie est aujourd’hui sauvé et resplendissant. De 33 chaînes rediffusées, Multicanal passera bientôt à 55 ".
Africable, selon Ismaël Sidibé est l’aboutissement d’un cheminement logique, car il avait constaté qu’il n’y avait pas de chaînes africaines parmi celles qu’il vendait. Avec ses partenaires, ils ont décidé de mettre en application une idée d’antan de l’Association des Opérateurs Privés de Télévision d’Afrique (APPTA), basée à Lomé. C’est ainsi qu’une chaîne d’Afrique câblée, qui sera diffusée sur tous les réseaux câblés du monde, est née, sous le nom Africable. Elle couvre 14 pays d’Afrique et a été la première à utiliser le tout numérique.
Le personnel d’Africable est de dix-huit différentes nationalités africaines et la boîte, tous corps inclus, compte vingt-huit employés. "Nous faisons une télévision différentes des télés conventionnelles que les gens connaissent où il faut 200 à 300 personnes pour faire tourner la machine ". L’homme envisage de créer, dans le futur, une chaîne propre aux Maliens, comme l’ont fait les Américains avec CNN et les francophones avec TV5. "Nous le ferons à notre manière et nous allons y arriver ".
C’est la un défi que s’est lancé le PDG de la chaîne du continent et qu’il s’engage à relever. Après seulement deux ans et demi d’existence, Africable a déjà enlevé quatre trophées : le PABA au Nigeria, pour la vision et l’esprit de la chaîne, le Kundé d’honneur au Faso, le Tamani de la meilleure émission télé au Mali et le trophée Miss Sahel.
Le grand problème dans le travail de la station est le défaut de ressources humaines. Concernant l’implantation anormale de Canal Horizons, "je le dit haut et fort que c’est pas normal. A Multicanal, avec soixante quatorze agents je paye l’autorisation, le fournisseur et l’ORTM, tandis qu’eux diffusent gratuitement" déclare Sidibé, qui déplore cette situation.
Le Conseil Supérieur de la Communication de notre pays, saisi de la question s’est engagé à y apporter une solution.
Concernant la presse malienne dans son ensemble, Ismaël Sidibé affirme que le paysage médiatique national est ce qu’il est et qu’il faudra encore fournir beaucoup d’efforts car "je ne peux pas comprendre que dans un pays où il y a plus de deux cent radios il n’y ait pas de chaîne privée de télévision. Certains journaux se battent pour élever le niveau de notre presse, mais il faut surtout plus de qualité au niveau éthique et déontologique".
Sidibé souligne que "il est dommage de voir des conflits au sein de cette presse, cela donne le mauvais exemple ". Cependant, le Mali est un paradis en matière de liberté de presse estime Sidibé, qui "ne connaît pas trop les limites de la liberté de presse". D’ailleurs, il assimile le journaliste à un militaire en possession d’une mitrailleuse. C’est dire à quel point, selon lui, la plume et le micro peuvent être dangereux.
Ismaël Sidibé se rappelle qu’aux débuts de Multicanal ils n’étaient que quatre personnes. Aujourd’hui, sa plus grande satisfaction est d’avoir relevé ce défi, avec l’élargissement de sa structure et la création de Africable. Sa plus grande déception a été la fermeture de Sumu Télé, tout simplement parce que le concept de cette chaîne n’avait pas été compris. Certains pensaient même qu’elle appartenait à l’ancien président Alpha Oumar Konaré, ce que dément M. Sidibé.
Nayou consacre son peu de temps libre à sa famille. Politiquement, sa coloration est claire : " je ne fais pas de politique, pour la bonne marche de Africable. J’ai toujours dit à mes collaborateurs que nous n’étions ni opposants ni affiliés. Mon parti est Africable et Multicanal mon association "
Pour le Nouvel An, Africable réserve beaucoup de surprises à ses spectateurs en termes de programmes et de nouvelles émissions. Un petit conseil de Nayou aux jeunes, les dirigeants de demain : "travaillez, arrêtez ce disque rayé. Rien ne tombe du Ciel, tout se construit ".
Fatoumata Mah Thiam Doumbia
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