L’heure de la remise en question a sonné au Mali. En effet, pour éviter le chaos vécu ces derniers mois, il est indispensable de se remettre en cause, individuellement, collectivement et professionnellement. Et la presse nationale ne doit pas se soustraire à cet exercice indispensable pour enfin avoir la crédibilité dont elle a besoin pour réellement être un pilier de la démocratie.
La presse malienne n’a plus bonne presse. La cause ? Des pratiques peu honorables qui ne cessent de fouler au pied l’éthique et la déontologie et d’éroder notre crédibilité. Cela est d’autant inquiétant que, mal gérés et animés sans grand professionnalisme, les médias peuvent représenter un danger pour la démocratie. Et pourtant, ils sont supposés joués la mission de quatrième pouvoir, à côté du législatif, exécutif et judiciaire !
Dans le cas de notre pays, l’indépendance de la presse a encore du mal à se traduire dans la réalité. Et le risque de manipulation sera toujours élevé tant que nos organes de presse auront une essence politique, donc n’afficheront pas une certaine autonomie de financement.
Le financement des médias dépend de capitaux privés qui peuvent vouloir modifier l’information en fonction de leurs intérêts ou peser sur le fonctionnement démocratique. Ainsi, une société de téléphonie (nous ne la citerons pas pour ne pas lui faire une pub gratuite) est intouchable parce qu’elle tient la grande majorité des médias du pays par ses contrats publicitaires.
Donc, le pluralisme des médias ne rime pas encore avec la pluralité d’opinions et la diversité de l’information dans notre pays. La situation actuelle du Mali et la journée mondiale de la liberté de la presse nous donnent l’opportunité de jeter un regard critique sur la presse au Mali.
Et à la lumière du vécu quotidien, de l’expérience accumulée dans la pratique et surtout de diverses opinions régulièrement entendues sur la presse malienne (privée), nous pensons qu’une remise en question est fondamentale.
Qu’est-ce qu’il faut revoir ? La façon dont nous jouissons de notre liberté d’expression, de ce que nous en faisons au quotidien. Comme nous le démontrions plus haut, la presse à un rôle essentiel dans la démocratie, dans la promotion des Droits humains, la gouvernance…
Mais, cela suppose que le métier est exercé dans le plus grand professionnalisme. Pour ne pas donner l’occasion à nos détracteurs de nous museler à leur guise, exerçons notre métier dans le plus grand professionnalisme. Cela signifie dans le total respect de l’éthique et de la déontologie, deux principes malheureusement foulés aux pieds quotidiennement.
Un refuge largement ouvert
Ce qui ne surprend guerre les observateurs puisse que le métier est progressivement devenu un fourre-tout, un refuge pour tous ceux qui croient qu’il est facile d’y gagner sa vie. Ceux qui l’exercent avec la passion et la conscience requises sont rares. Nous sommes désolés de le dire, mais ils sont de plus en plus nombreux aujourd’hui ceux qui ont opté pour le journalisme afin de trouver le prix du condiment, de joindre les deux bouts, en rêvant d’un certain luxe.
Et cela à une influence négative sur son image puisque les organes n’ayant pas les moyens de combler les attentes salariales, ils sont alors nombreux ceux qui cèdent à la tentation du gain facile en prostituant leurs plumes et micros aux plus offrant. Ce que nous appelons les «mercenaires de la plume» ont enlevé à la presse malienne le peu qui lui restait de sa crédibilité.
«La presse malienne ? Je pense que vous les journalistes gagnerez davantage à balayer d’abord devant votre case dont la charnière constituée de l’éthique et de la déontologie s’est effondrée depuis belle lurette… Aujourd’hui, avec 5 000 F CFA, certains journalistes sont capables d’écrire n’importe quoi sur un rival politique ou d’affaires voire un dirigeant sportif ou n’importe qui sans chercher le recoupement requis», se plaignait récemment un très haut responsable du pays.
Un effet, le déséquilibre de l’information est souvent effarant en lisant la presse. Certaines graves accusations imposent qu’on rencontre ceux à qui elles sont reprochées avant de les jeter en pâture aux lecteurs et aux auditeurs.
Ce qui est une menace terrible pour qui sait que les medias détiennent un immense pouvoir pouvant affecter la vie de millions de personnes. Comme toutes institutions puissantes, pense un spécialiste des médias, «ils doivent être disposés à entendre des plaintes, à expliquer leurs décisions à leur public, à reconnaitre leurs erreurs. Mais il faut aussi être prêt à prendre des positions impopulaires, à affronter vaillamment la critique lorsque des principes essentiels sont en jeu».
Passion assurée, fortune incertaine
Mais, nous ne blâmons pas les journalistes parce que la tentation est souvent trop forte. «Quand tu aspires à une vie luxueuse, il ne faut pas être journaliste. On peut certainement y gagner sa vie, mais pas forcément y faire fortune. C’est avant tout une question de passion et non un tremplin de riches», nous disait fréquemment Alain Agboton (paix à son âme), professeur de presse écrite au Cesti de Dakar (Sénégal).
Comme le dit le blogueur Frédéric Goré, «le journalisme n’est pas un métier, c’est une passion». Mais, il était aussi convaincu que cette passion pouvait être menacée sans la décence requise au niveau des conditions d’exercice et de vie. Alors que comme le disait récemment le capitaine Modibo Nama Traoré (un confrère de l’armée), «le journaliste Malien n’a pas peur des gendarmes, ni des juges, mais il a plutôt peur de l’ordonnance médicale ou des frais de popote qui l’attendent à la maison» !
C’est dire que certains ne se «prostituent» pas par cupidité, pour faire la noce, mais par besoin, par nécessité. La tentation est forte quand son épouse ou son enfant est malade qu’on ne sait plus à quel saint se vouer pour faire face aux frais médicaux. Ils disent n’avoir pas alors le choix. Mais quand on est un bon journaliste, bien respecté, on sait souvent à quelle porte frapper sans vendre son âme au diable.
N’empêche qu’il est temps de revoir les conditions d’exercice du métier de journaliste au Mali. Ici, on crée des organes sans pour autant se soucier des moyens de l’animer. Des gens sont ainsi recrutés avant d’être abandonnés à eux-mêmes dans la galère. C’est en partie ce qui a fait de la presse nationale un refuge d’experts dans le chantage.
Les salaires sont dérisoires parce qu’ils ne sont pas règlementés. Cela dépend donc du bon vouloir du propriétaire de l’organe. Par exemple, un journaliste débutant au Sénégal gagne presque trois fois plus qu’un confrère chevronné au Mali (presse privé).
Vivement une Convention collective
Et dire que certains trouvent encore l’audace de vivre au-dessus de leurs moyens ! La Convention collective qui est censée protéger journalistes et éditeurs est sans cesse renvoyée aux calendres grecques. C’est pourtant la condition sine qua non pour l’émergence d’une presse professionnelle.
Visiblement, les éditeurs ne sont pas pressés d’aller à la Convention collective (allez-y leur demander pourquoi). Et le gouvernement ne fait rien pour les y contraindre ! Y va pourtant de l’intérêt de tout le monde, aussi bien des journalistes que des éditeurs, les lecteurs et auditeurs, l’Etat…
Pour que le Mali ne revive plus jamais le calvaire que nous avons connu, il est nécessaire que chacun se remette en cause. Une remise en question qui s’impose particulièrement à nous autres journalistes pour ne plus servir d’épée à des mauvaises causes. Nous avons un rôle essentiel dans l’avènement de ce «Mali nouveau» que nous attendons à la fin de la transition.
Ceux qui en ont plus sur la conscience se servent de nous pour entraver les mesures courageuses prises ici et là, pour prendre leur revanche ou pour se venger. La remise en cause devient alors autant nécessaire que la crédibilité de la presse est sérieusement entamée par de tels comportements ! Dans pareille situation, elle (remise en cause) ne peut qu’impulser le professionnalisme souhaité pour redorer le blason de la presse.
«Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir», disait Jules Gabriel Janin, un grand écrivain membre de l’académie Française. C’est en quelque sorte un conseil pratique qui devrait conditionner sérieusement la vie de tout journaliste qui doit se fixer une ligne rouge à ne jamais franchir.
Nous sommes d’accord avec le Capitaine Modibo Nama Traoré quand il dit que la presse libre doit «faire usage de sa liberté en gardant à l’esprit que ses actes et ses choix éditoriaux ne sont pas dénués de conséquences, parfois lourdes». A méditer pour mieux se remettre en cause !
Moussa Bolly
Mr Bolly vous n’avez pas valider votre cursus les pieds joints. Continuez comme ça le <>
Au moins toi tu as le reflex de voir la vérité en face des recalés ou mêmes des lycéens journées sans état d’ame
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